Le Congo met en avant un candidat du Sud global, l’UA doit clarifier sa position face à l’Égypte.
Le Congo a désigné Firmin Edouard Matoko, sous-directeur général en charge de la priorité Afrique à l’UNESCO depuis 2017, comme son candidat pour la succession d’Audrey Azoulay en novembre 2025. Ce diplomate chevronné, aux 30 ans de carrière à l’organisation et une expérience multilinguiste (français, anglais, italien, espagnol), incarne un profil « Sud global » – Afrique centrale, Afrique subsaharienne, bassin du Congo, Asie – revendiquant un leadership décomplexé.
La candidature de Firmin Edouard Matoko rompt avec le profil traditionnel africain représenté par l’Égyptien Khaled El-Enany, soutenu officiellement par l’Union africaine, la France, la Ligue arabe et l’Allemagne. Or, la Conférence de l’UA sur les candidatures à l’UNESCO, qui date de 2024, stipule que les États membres doivent soumettre une position commune et évaluer équitablement tout candidat africain, en alignement avec l’Agenda 2063 et la stratégie de valorisation de l’Afrique dans les grandes institutions mondiales. « Matoko combine connaissance intime de l’UNESCO, diplomatie africaine et vision multilatérale », souligne un expert du bassin du Congo.
UA : entre discipline institutionnelle et enjeux géostratégiques
En nommant Firmin Edouard Matoko, le Congo de Sassou‑Nguesso, appuyé par la CEEAC, invite l’UA à clarifier sa ligne. Fera-t-elle primer le candidat « officiel » égyptien, ou ouvrira-t-elle un processus inclusif, comme le demande Brazzaville, pour donner une voix plus large au Sud global et à la francophonie ? L’appel lancé à l’UA vise à éviter que l’élection ne soit perçue comme un concours de puissances : entre la diplomatie du Maghreb, les relais de l’Égypte, et les ambitions de l’Afrique centrale, la légitimité africaine à l’UNESCO est en jeu.
Enjeux géopolitiques, institutionnels et d’intelligence économique
- Rééquilibrage Sud–Sud : Firmin Edouard Matoko incarne l’éducation, la culture et l’innovation au service du multilatéralisme et de l’Agenda 2063 .
- Soft power continental : son élection renforcerait la visibilité de l’Afrique centrale, jusqu’alors peu représentée à ce niveau.
- Gouvernance multilatérale : un tandem Congolais–Égyptien pourrait aiguiller l’UA sur des candidatures coordonnées, et non concurrentielles, conformes à ses propres textes.
L’Union africaine doit clarifier sa position
Le Congo, via la CEEAC et le président Sassou Nguesso, appelle l’UA à préciser si elle maintient l’appui au candidat égyptien ou s’ouvre à une candidature alternative portée par l’Afrique centrale. Les textes de l’UA stipulent que les candidatures africaines doivent être corrélées à une position commune, transparente et inclusive, conformément à l’Agenda 2063. Ce dossier sera un test crucial : promouvoir une Afrique représentée équitablement au plus haut niveau des institutions culturelles mondiales… ou perpétuer un modèle de candidatures bilatérales concurrentes. Un analyste diplomatique invite l’UA à clarifier « sa posture, sinon les candidatures rivaliseront plutôt que de mutualiser les forces africaines ».
Matoko ou El‑Enany, symbole d’un leadership africain atone ou affirmé
Le duel entre Matoko et El‑Enany dépasse le simple jeu des candidatures : il interroge la capacité de l’Afrique à décider et promouvoir collectivement ses représentants. L’UA jouera un rôle déterminant : soit favoriser une candidature réellement représentative du Sud global – incarnée par Firmin Edouard Matoko – soit confirmer un modus operandi centré sur l’Afrique du Nord.
Transparence ou fragmentation ?
Le choix de Firmin Edouard Matoko redistribue les cartes : c’est un test pour l’UA – soit avancer vers des institutions multilatérales plus inclusives et représentatives, soit reproduire un modèle de candidatures bilatérales concurrentes. Le Congo, soutenu par la CEEAC et le président Dénis Sassou‑Nguesso, envoient un message fort : l’Afrique ne veut plus être uniquement source de ressources, mais aussi représentée dans les centres de pouvoir culturel mondiaux.
Noël Ndong