Dans le cadre d’un programme controversé de déportations vers des pays tiers, les États-Unis ont expulsé cinq individus condamnés pour crimes graves (meurtre, viol sur mineur) vers Eswatini, petit royaume d’Afrique australe de 1,2 million d’habitants.
Ces personnes, originaires du Vietnam, de Jamaïque, de Cuba, du Yémen et du Laos, avaient vu leurs pays refuser leur réadmission, privant Washington de l’alternative classique de renvoi direct: d’où le recours inédit à une déportation vers un État tiers. À ce jour, cinq individus ont été expédiés vers Eswatini au cours de la deuxième quinzaine de juillet 2025. Il ne s’agit que de la deuxième opération en Afrique en juillet, après l’expulsion de huit hommes vers le Soudan du Sud quelques jours auparavant. Aucun autre vol vers Eswatini n’a été confirmé depuis – malgré des spéculations sur d’éventuelles autres coopérations classifiées.
Conditions de détention : confinement strict
Dès leur arrivée, les cinq ont été placés en isolement cellulaire, vraisemblablement au Matsapha Correctional Complex, prison de haute sécurité située près de Mbabane. Le gouvernement eswatinien considère ces détenus comme étant « en transit » et envisage une réexpédition progressive vers leurs pays d’origine, mais sans délai annoncé.
Enjeux diplomatiques et géopolitiques
La décision de Washington suit une décision de la Cour suprême américaine du 23 juin 2025, autorisant les déportations vers des pays tiers, même sans lien juridique ou familial. Eswatini est une monarchie. Plusieurs voix dénoncent un accord secret, probablement obtenu via des concessions politiques ou économiques américaines.
Dimension stratégique, intelligence économique
Ce procédé exprime une stratégie de territorialisation sécuritaire : ne pouvant pas renvoyer certaines catégories de migrants vers leurs pays d’origine, l’administration privilégie des États vulnérables mais coopératifs. Cela permet de maintenir un discours sécuritaire domestique tout en contournant les blocages diplomatiques classiques. Certains observateurs y voient une mise sous influence discrète : Eswatini (comme précédemment d’autres pays africains ou latino-américains) pourrait être incité à collaborer en échange d’avantages bilatéraux, inscrivant cette politique dans une logique d’intelligence économique globalisée.
Risques juridiques et droits humains
Les ONG alertent sur une possible violation du principe de non-refoulement : l’absence d’accès à un recours individuel, la détention prolongée en isolement, ainsi que l’opacité des accords sont perçus comme contraires au droit international. Essentiellement, en absence d’évaluations claires, des individus accusés de crimes, même graves, peuvent ne pas bénéficier d’un procès équitable ou d’une procédure transparente.
Noël Ndong