Entre transitions contestées, pressions sécuritaires et résilience autoritaire.
L’Afrique centrale traverse une période charnière, marquée par une recomposition politique rapide, une instabilité sécuritaire croissante et un durcissement des régimes en place. Du Cameroun à la RDC, en passant par le Tchad, le Gabon, la Centrafrique et la Guinée équatoriale, la région oscille entre réformes institutionnelles, crispations autoritaires et enjeux de souveraineté stratégique.
Cameroun : verrou électoral et exclusion
Alors que l’élection présidentielle est prévue pour octobre 2025, le régime du président Paul Biya (92 ans, au pouvoir depuis 1982) vient de valider 13 candidatures, excluant Maurice Kamto, chef de file de l’opposition. Le rejet de son dossier, confirmé par le Conseil constitutionnel, accentue la fracture politique, notamment dans les régions anglophones toujours en conflit.
RDC : Kabila dans la tourmente, justice sous pression
L’ancien président Joseph Kabila est poursuivi pour haute trahison et participation à une insurrection armée. Son procès, renvoyé au 31 juillet 2025, intervient dans un contexte post-électoral tendu, où le président Félix Tshisekedi cherche à consolider son autorité. La judiciarisation du conflit entre anciens et nouveaux cercles du pouvoir pourrait alimenter des tensions institutionnelles, voire tribales, dans l’est du pays déjà instable.
Gabon : entre transition militaire et incertitude démocratique
Un an après le coup d’État militaire d’août 2023, le Gabon peine à définir les contours d’un retour à l’ordre constitutionnel. Le président de la transition, Brice Oligui Nguema, maintient un discours d’apaisement, mais aucune date d’élection n’est fixée, alimentant les doutes sur une réelle transition démocratique. L’armée demeure le principal acteur politique, dans un pays historiquement dominé par le clan Bongo.
Centrafrique : vers un troisième mandat sous influence
En RCA, le président Faustin-Archange Touadéra a annoncé sa candidature pour un troisième mandat, rendu possible par la nouvelle Constitution adoptée en 2023. Avec un fort soutien militaire russe (ex-Wagner), Bangui s’éloigne progressivement des partenaires occidentaux. L’opposition, affaiblie et divisée, peine à contester ce glissement autoritaire.
Tchad : militarisation du pouvoir civil
Le président Mahamat Idriss Déby, issu de la transition militaire après la mort de son père, a récemment procédé à une restructuration sécuritaire d’envergure : police, gendarmerie, renseignement, tout a été réorganisé. Ce durcissement intervient dans un climat marqué par des violences communautaires, des tensions politiques non résolues et des accusations de répression des opposants.
Guinée équatoriale : une succession opaque
Le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, au pouvoir depuis 1979, reste l’un des derniers dinosaures politiques africains. Officiellement, son fils Teodorín, vice-président, semble destiné à lui succéder, mais les luttes internes et la méfiance internationale, notamment autour des questions de gouvernance, obscurcissent l’avenir politique du pays. Une crise de succession pourrait fragiliser ce pilier de la stabilité pétrolière régionale.
Une région stratégique sous pression géopolitique
- Présence croissante de la Russie (RCA, RDC, Gabon, Tchad), souvent en concurrence avec des intérêts français ou américains.
- Montée en puissance des acteurs militaires, au détriment des processus démocratiques.
- Recul des libertés publiques, marqué par la répression des voix dissidentes.
- Rôle des ressources naturelles (or, pétrole, coltan) dans la structuration des rapports de force internes et internationaux.
Vers une « stabilité autoritaire » ?
L’Afrique centrale semble s’orienter vers un modèle de stabilité autoritaire, où les régimes maintiennent un semblant d’ordre au prix d’un rétrécissement démocratique. Si cette configuration satisfait certains partenaires extérieurs soucieux de sécurité (notamment dans la lutte antiterroriste ou la maîtrise des flux migratoires), elle risque à moyen terme de provoquer des soulèvements populaires imprévisibles, à l’image des vagues de coups d’État en Afrique de l’Ouest.
Noël Ndong