Cameroun/Guerre coloniale reconnue : un tournant stratégique dans la politique africaine de la France

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Dans une démarche inédite de reconnaissance historique,  le président français, Emmanuel Macron a officiellement admis que la France avait mené une véritable guerre coloniale au Cameroun avant et après son indépendance en 1960.

Une reconnaissance diplomatique majeure, aux répercussions géopolitiques, mémorielles et économiques, qui s’inscrit dans la stratégie de rééquilibrage des relations franco-africaines du président français. « Il me revient d’assumer aujourd’hui le rôle et la responsabilité de la France dans ces événements », a écrit Emmanuel Macron dans un courrier adressé au président camerounais Paul Biya, publié le 12 août 2025.

Cette reconnaissance s’appuie sur un rapport d’historiens de plus de 1 000 pages, remis en janvier 2025, présidé par Karine Ramondy, spécialiste des conflits coloniaux. Le document qualifie de manière explicite les actions militaires françaises de violences systémiques à caractère répressif, politique et meurtrier, contre les mouvements indépendantistes, en particulier l’Union des populations du Cameroun (UPC).

Un tournant historique et stratégique

De 1955 à 1961, les forces françaises ont conduit, selon les historiens, une guerre asymétrique contre les indépendantistes dans les régions de Sanaga-Maritime, Bamiléké et du Sud-Ouest. Estimations : des dizaines de milliers de morts civiles et militaires. Et, selon Emmanuel Macron, la guerre s’est poursuivie après l’indépendance, via le soutien de la France au régime autoritaire d’Ahmadou Ahidjo, premier président du Cameroun.

Cette reconnaissance intervient alors que la France cherche à repositionner sa politique africaine, fragilisée par la montée de l’influence chinoise, turque et russe, et la remise en cause de sa présence militaire au Sahel. « Cette reconnaissance permet à la France de réactiver un lien stratégique affaibli, dans une région d’Afrique centrale où la compétition d’influence s’intensifie », estime un diplomate français sous couvert d’anonymat.

Mémoire, politique et réparations : un équilibre délicat

Sur le terrain, les réactions sont mitigées. Mathieu Njassep, président de l’Association des vétérans du Cameroun (Asvecam), déclare : « C’est bien, parce qu’il reconnaît. Mais nous attendons plus. La France peut payer des réparations. Elle a détruit des villages, des routes, tant de choses… »

Le sujet des réparations financières ou symboliques, très sensible, n’est pas abordé dans la lettre présidentielle. Pourtant, il pourrait devenir un enjeu de négociation bilatérale, voire juridique, dans un contexte politique tendu à Yaoundé.

Diplomatie des archives et intelligence stratégique

Emmanuel Macron propose la création d’un groupe de travail franco-camerounais pour poursuivre la recherche et l’ouverture des archives. Cet engagement, au-delà du symbolisme, répond aussi à des logiques d’intelligence historique. « L’accès aux archives est une condition essentielle pour rétablir la vérité, mais aussi pour produire une mémoire partagée qui prévient l’instrumentalisation politique des blessures du passé », souligne Karine Ramondy.

L’ouverture documentaire pourrait également permettre à la France de maîtriser le récit, à l’heure où la guerre informationnelle sur les réseaux sociaux devient un levier géopolitique.

Repositionnement français en Afrique

Cette annonce intervient dans un contexte régional marqué par le désengagement militaire français du Sahel, la perte d’influence en Afrique de l’Ouest, et la montée en puissance de la Russie via les groupes de sécurité privée. Dans ce cadre, l’Afrique centrale, historiquement francophile, apparaît comme une zone clé pour le redéploiement économique et stratégique français.

Le Cameroun, fort de sa position géographique et de ses ressources (cacao, pétrole, bois, gaz naturel), reste un partenaire économique crucial, avec des échanges bilatéraux franco-camerounais avoisinant 1,1 milliard d’euros en 2024.

Conclusion : vers une redéfinition postcoloniale ?

En assumant la responsabilité de la France dans une guerre longtemps occultée, Emmanuel Macron cherche à solder une dette mémorielle, tout en réaffirmant une ambition : refonder la relation Afrique-France sur une base de vérité, sans pour autant ouvrir explicitement la voie à des réparations. Un pari délicat, entre devoir d’histoire, stratégie diplomatique, et impératifs géoéconomiques.

Plusieurs épisodes mentionnés :

  • Période concernée : de 1945 à 1971.
  • Le massacre d’Ekité (31 décembre 1956),
  • L’exécution de leaders indépendantistes comme Ruben Um Nyobè [13 septembre 1958 à Libelingoï, près de Boumnyébel ], Paul Momo [ de son vrai nom Paul Tchuembou] en novembre 1960 à Bahouan.
  • L’assassinat à Genève de Félix-Roland Moumié [ 3 novembre 1960], que Emmanuel Macron considère non élucidé, faute d’éléments dans les archives.

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