Le gouvernement efface les condamnations des putschs de 2019 et 2023, dans un geste d’apaisement aux implications politiques et régionales.
Le gouvernement gabonais a franchi un cap symbolique le 12 août en adoptant une ordonnance d’amnistie générale couvrant les deux principaux épisodes de déstabilisation politique des dernières années : le coup d’État du 30 août 2023 ayant renversé Ali Bongo, et la tentative manquée de 2019 menée par le lieutenant Kelly Ondo Obiang.
Cette mesure bénéficie aux membres du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI), mais aussi aux auteurs du coup d’état de 2019 toujours emprisonnés. Parmi eux, Kelly Ondo Obiang, que le président de transition Brice Oligui Nguema avait publiquement désigné comme son « petit frère », et dont l’avocat salue aujourd’hui un « soulagement ».
Une volonté d’apaisement, mais aussi de consolidation
Présentée comme un geste de réconciliation nationale, l’amnistie vise à refermer un cycle de crises institutionnelles. Elle permet également au président de transition de renforcer son image d’homme d’unité, tout en resserrant les rangs autour de son pouvoir. Cette décision soulève cependant des interrogations sur le message envoyé aux forces armées : la réhabilitation de putschistes pourrait, à terme, brouiller les repères démocratiques.
Vers un nouveau modèle économique
Dans le même temps, l’exécutif a annoncé un virage économique marqué : réduction du déficit, fin des exonérations fiscales, incitations à la création de valeur ajoutée, et réservations de certains métiers aux Gabonais. Ces réformes visent à atteindre un ambitieux objectif de 10 % de croissance et à freiner l’hémorragie de matières premières exportées sans transformation locale.
Regard sous-régional : un précédent aux effets ambigus
Dans une Afrique centrale marquée par une instabilité rampante (Tchad, RDC, Cameroun), cette amnistie pourrait inspirer d’autres transitions, ou au contraire inquiéter les régimes en place. Si elle peut être perçue comme un geste d’ouverture, elle risque aussi de légitimer, aux yeux de certains, le recours à la force pour accéder au pouvoir.
Dans un contexte géopolitique tendu, le Gabon cherche donc un équilibre délicat : solder le passé, relancer l’économie, tout en évitant de fragiliser les fondations d’un retour à un ordre démocratique durable.