L’arrestation de Yann Vezilier, ressortissant français accusé par les autorités maliennes de participer à une tentative de déstabilisation du régime, cristallise une fracture désormais profonde entre la France et le Mali.
Présenté par Bamako comme un agent des services de renseignement, Yann Vezilier aurait, selon les accusations, mobilisé des militaires maliens et des membres de la société civile dans un complot avorté. Paris, de son côté, dénonce des accusations « sans fondement » et affirme que l’intéressé est un diplomate accrédité, bénéficiant d’immunité.
Cette affaire intervient dans un contexte de purge interne : plus de 50 personnes auraient été arrêtées, dont plusieurs généraux de haut rang. Pour le pouvoir militaire malien, il s’agit de démontrer sa vigilance face à des menaces extérieures et intérieures. Pour la France, il s’agit d’une violation du droit diplomatique international, mais surtout d’un signal d’alarme dans une relation déjà exsangue.
Une fracture politique aux résonances géopolitiques
L’épisode ne fait que confirmer une tendance lourde : la rupture progressive, mais irréversible, entre Paris et les régimes militaires du Sahel. Depuis le retrait des troupes françaises de l’opération Barkhane et la montée en puissance de l’Alliance des États du Sahel (AES), la France est devenue la cible symbolique d’un rejet politique, nourri par un discours souverainiste de plus en plus radical.
Le Mali, le Burkina Faso et le Niger se tournent désormais vers d’autres partenaires, principalement la Russie, la Chine et la Turquie, perçus comme moins intrusifs. L’arrestation de Yann Vezilier, qu’elle repose ou non sur des faits avérés, s’inscrit dans ce récit : celui d’un État qui affirme sa souveraineté en s’émancipant de son ancienne puissance coloniale.
Le droit diplomatique bousculé par le politique
Le flou entretenu autour du statut exact de l’arrêté alimente les tensions. Si Yann Vezilier est bien un diplomate protégé par la Convention de Vienne, sa détention constitue une entorse grave au droit international. Si ce n’est pas le cas, la France est fragilisée par la perception d’un double jeu. Dans tous les cas, cette affaire montre que les règles diplomatiques ne suffisent plus à garantir le dialogue dans un contexte de rupture politique.
Une recomposition régionale en marche
Plus qu’un incident, cette arrestation marque un point de bascule : la fin du « privilège français » au Sahel. Dans une région en pleine recomposition stratégique, la France doit désormais affronter une réalité dure : elle n’est plus perçue comme un acteur légitime de la stabilité, mais comme un corps étranger d’un ordre révolu.