Alors que la présidentielle de 2025 se profile à l’horizon au Cameroun, le « Groupe de Foumban » émerge comme une dynamique nouvelle au sein de l’opposition.
Porté notamment par des figures comme Jean Moïse Mbog, militant du Front du salut national pour le Cameroun (FSNC), ce groupe affirme ne pas viser une coalition partisane classique, mais plutôt une union stratégique de l’opposition, fondée sur une éthique de non-agression et de responsabilité politique. Sur le plateau de l’émission « Grand Débat » de Cam 10 Télévision, Jean Moïse Mbog a précisé les contours du projet : « Il ne s’agit pas d’une coalition. C’est un appel à l’unité de l’opposition dans l’attitude et le discours. Le problème du Cameroun, c’est le RDPC. Il ne faut pas se tromper d’adversaire ».
Cette sortie intervient après certaines tensions entre partis d’opposition, notamment avec le PURS et le SDF, qui ont suscité de vives réactions au sein même du groupe. Pourtant, un communiqué publié à l’issue des travaux de Foumban et Yaoundé (8–10 juin 2025) faisait bel et bien référence à une « candidature consensuelle », qui semble aujourd’hui reléguée au second plan.
Malgré les divergences d’interprétation, les membres du groupe assurent qu’ils poursuivent les consultations avec d’autres leaders politiques, dans un esprit d’ouverture. L’avenir dira si cette stratégie portera ses fruits.
Analyse politique et géopolitique
1. Une opposition fragmentée mais en éveil
Le groupe de Foumban témoigne d’une prise de conscience progressive au sein de l’opposition camerounaise : face à un pouvoir centralisé et solidement enraciné depuis plus de quatre décennies, la division est contre-productive. La démarche vise à neutraliser les dynamiques centrifuges (disputes internes, rivalités de leadership, tribalisme politique) qui affaiblissent toute alternative crédible au régime du RDPC.
2. Le paradoxe de l’unité sans fusion
L’ambiguïté du message est palpable : d’un côté, le discours de non-agression semble prôner une unité morale ou tactique de l’opposition, sans contrainte organisationnelle ; de l’autre, les textes issus des réunions de juin 2025 mentionnent clairement une volonté de candidature consensuelle – une notion plus exigeante, pouvant aboutir à une candidature unique, ce qui nécessiterait des compromis importants.
Ce flou stratégique pourrait être à double tranchant :
- Force : Il permet de rassembler des acteurs divers autour d’un minimum commun sans heurter les ego.
- Faiblesse : Il manque de clarté et peut entretenir la méfiance mutuelle ou les interprétations contradictoires.
3. Le RDPC : ciment paradoxal de l’opposition
L’idée que « le problème du Cameroun, c’est le RDPC » agit comme force centripète : elle pousse les opposants à se regarder en alliés potentiels, au nom d’un adversaire commun. Mais elle risque aussi d’être trop réductrice. Sans proposition alternative claire et concertée, la critique du régime peut sembler creuse.
4. Enjeux géopolitiques internes
Le choix du nom « Groupe de Foumban » est symbolique : Foumban est historiquement associé à la conférence constitutionnelle de 1961 qui a scellé la réunification du Cameroun. En se réclamant de cet héritage, le groupe vise à incarner une légitimité nationale et historique. C’est aussi une réponse implicite aux accusations récurrentes de régionalisme ou de tribalisation de l’opposition.
Perspectives, forces et handicaps
1. Forces (Centripètes)
- Volonté affichée d’unité : Sur le fond, l’opposition montre des signes de maturité en reconnaissant que la division lui est préjudiciable.
- Langage de non-agression : Peut apaiser les tensions et améliorer la perception publique de l’opposition.
- Cadre de dialogue en place : Le groupe agit comme une plateforme permanente de discussion, ce qui est rare au Cameroun.
2.Handicaps (Centrifuges)
- Absence de mécanisme de décision clair : Pas de feuille de route consensuelle ni d’organe de coordination fort.
- Méfiance inter-partis : Les rivalités historiques (SDF vs PURS, FSNC vs MRC, etc.) ne sont pas encore surmontées.
- Flou stratégique : Entre unité morale et coalition électorale, la stratégie reste ambivalente, au risque de semer la confusion.
Le Groupe de Foumban représente une tentative originale de reconfiguration de l’espace politique oppositionnel camerounais, non pas par la fusion, mais par la cohésion minimale. Dans un contexte où la démocratie reste verrouillée et la participation politique minée par la défiance, cette initiative peut créer une dynamique positive – à condition qu’elle gagne en clarté, en inclusion et en organisation.
D’ici l’échéance de 2025, l’enjeu sera de savoir si cette convergence peut aboutir à un leadership crédible, partagé, et stratégiquement efficace, ou si elle retombera dans les travers bien connus de la division.