« Le Nord, c’est plus qu’un enjeu électoral : c’est le thermomètre de la stabilité politique au Cameroun », confie un diplomate en poste à Yaoundé.
À moins de deux mois de l’élection présidentielle prévue le 12 octobre, la région septentrionale du Cameroun cristallise toutes les attentions. En toile de fond : un rapport de force stratégique entre les figures politiques historiques, les poids lourds du régime et des ambitions régionales renouvelées.
Une mobilisation avant l’heure
Maroua, chef-lieu de l’Extrême-Nord, bruisse déjà du tumulte préélectoral. Officiellement, ce n’était qu’une « visite de travail économique ». Officieusement, l’escale très politique du ministre des Finances Louis-Paul Motaze, accompagné d’une imposante délégation gouvernementale, a marqué le lancement informel de la campagne du président sortant Paul Biya. Le chef de l’État n’a pas encore révélé ses intentions pour cette élection, mais son parti, le RDPC, occupe déjà le terrain avec méthode.
Le Nord, une région convoitée et stratégique
Le septentrion (Adamaoua, Nord, Extrême-Nord) représente plus de 35 % du corps électoral camerounais – un poids démographique déterminant. Historiquement acquis au RDPC, le Nord est devenu un espace de recomposition politique. Le retour d’Issa Tchiroma Bakary, ex-ministre et figure charismatique de Garoua, tout comme la tournée de Bello Bouba Maïgari (UNDP), confirment un changement de tempo.
« Si le RDPC échoue à verrouiller le Nord, c’est toute la structure de son pouvoir qui s’effondre », analyse un chercheur en géopolitique basé à Douala.
Sécurité, développement : les failles d’un bastion
Malgré cette agitation politique, le septentrion demeure confronté à d’importants défis : Une Insécurité persistante due aux incursions de Boko Haram à la frontière nigériane ; la Faiblesse des infrastructures, accentuée par les inondations saisonnières ; la Pauvreté chronique, avec un taux de pauvreté estimé à plus de 65 % dans certaines zones rurales.
Ces facteurs nourrissent une frustration grandissante, que les opposants espèrent canaliser en capital politique. « Le septentrion n’est pas qu’un grenier électoral, c’est un espace à reconquérir socialement et économiquement », affirme un analyste local.
Perspectives
Dans un contexte de vieillissement du leadership national, la présidentielle de 2025 pourrait signer l’amorce d’un tournant générationnel. En coulisses, la communauté internationale reste vigilante : UE, États-Unis, Union africaine surveillent l’évolution du climat préélectoral, tandis que les partenaires économiques chinois et français scrutent la stabilité du pays, pilier sous-régional en Afrique centrale.
L’enjeu dépasse donc le seul verdict des urnes : il s’agit de la gestion d’une succession sous haute tension, dans un pays à la fois fragile et central pour l’équilibre régional.