Édéa : Carrefour industriel du Cameroun entre héritage colonial et ambitions modernes

Située au cœur du triangle stratégique Kribi–Édéa–Douala, la ville d’Édéa, dans la région du Littoral, est bien plus qu’un simple nœud logistique. Elle est le témoin silencieux de plus d’un siècle de transformations industrielles, politiques et sociales qui ont marqué l’histoire du Cameroun moderne.

Un passé colonial fondateur

Initialement peuplée par les peuples Bakoko et Bassa, Édéa tire son nom du mot « E’dea (Adiè) », signifiant « terre des ancêtres ». C’est au tournant du XXe siècle que la ville entre pleinement dans l’histoire coloniale.

Sous le protectorat allemand (1884-1916), Édéa devient un point stratégique d’accès vers l’arrière-pays camerounais. Les colons allemands y bâtissent des infrastructures clés, dont le célèbre pont de la Sanaga, encore appelé « pont allemand » , construit en 1911. Ce pont métallique en arc à tablier suspendu est l’un des symboles de l’ingénierie allemande en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest, assurant à la fois la circulation routière et ferroviaire, jusqu’au début des années 1980.

Pont allemand « lancé » en 1911 à Edéa

Si les archives ne permettent pas de confirmer avec certitude le nom du tout premier Allemand à s’installer à Édéa, il est établi que la ville a servi de base aux premières missions techniques et administratives du pouvoir colonial allemand dans la région. Le site exact d’implantation des premiers colons est localisé autour de l’actuel quartier Koukouè, aujourd’hui zone industrielle émergente.

Le barrage d’Édéa : colonne vertébrale énergétique du pays

L’un des plus grands tournants industriels de la ville a lieu avec la construction du barrage hydroélectrique d’Édéa sur le fleuve Sanaga, mis en service en 1954. Construit pour fournir l’énergie nécessaire à l’usine d’aluminium Alucam, ce barrage est vite devenu un pilier de la politique énergétique nationale. Il fournit aujourd’hui encore une part significative de l’électricité utilisée non seulement dans l’industrie, mais aussi dans les ménages à travers le pays.

Le complexe hydroélectrique comprend également une centrale électrique d’une puissance initiale de 264 MW, qui a été progressivement modernisée. Ce projet, l’un des plus ambitieux de l’époque coloniale tardive, a permis à Édéa d’être parmi les premières villes d’Afrique centrale à bénéficier d’une électrification à grande échelle.

Edéa, berceau de l’industrialisation

Dans la même dynamique, l’État camerounais crée en 1976 la Cellulose du Cameroun (Cellucam), usine géante de pâte à papier, officiellement inaugurée le 18 mars 1981 par le président Ahmadou Ahidjo. Avec près de 2 000 emplois directs et plus de 5 000 emplois indirects, Cellucam devient un pilier de l’économie locale. Cependant, des pannes techniques, un incendie majeur en 1982 et une mauvaise gestion précipitent sa faillite. Aujourd’hui, l’État ambitionne de relancer le site via une technopole forêt-bois, portée par la SCIEB, pour transformer la région en hub industriel du bois.

Une ville en mutation : entre héritage et modernisation

Plus d’un siècle après l’arrivée des Allemands, Édéa continue de se réinventer. L’inauguration de la cimenterie Central Africa Cement (CAC), le 19 septembre 2025, financée à hauteur de 12 milliards FCFA, marque une nouvelle ère industrielle. L’unité produira 1 million de tonnes de ciment par an, exploitant les gisements locaux de calcaire et de pouzzolane, réduisant ainsi la dépendance aux importations.

Cette initiative s’inscrit dans la politique nationale d’import-substitution, alignée sur la Vision 2035 du Cameroun, et devrait générer plus de 120 emplois directs et plusieurs centaines d’emplois indirects. Elle relance également le plaidoyer des autorités locales, qui réclament la création d’une zone franche industrielle, la réhabilitation du réseau routier, l’accès à l’eau potable, à l’électricité, et la relance du projet de port sec à Mbegne.

Une centralité géopolitique et économique régionale

Située à la croisée des grandes infrastructures nationales – rail, route, fleuve, énergie – Édéa est aujourd’hui appelée à devenir un hub industriel et logistique majeur de la sous-région. Avec la montée en puissance de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF), la ville peut capitaliser sur sa position géographique pour devenir un centre de compétitivité régionale, à condition d’investir durablement dans ses infrastructures et dans le respect des normes sociales et environnementales.


En résumé

  • Nom : Édéa (signifie « terre des ancêtres » en Bakoko)
  • Pont allemand : construit en 1911 pour traverser la Sanaga
  • Barrage hydroélectrique : mis en service en 1954, alimente le pays en énergie
  • Cellucam : créée en 1976, fermée en 1982
  • Industries majeures : Alucam, ex-Cellucam, Central Africa Cement
  • Population estimée : ~120 000 habitants
  • Défis actuels : infrastructures vétustes, besoin de modernisation durable, pression sur les services sociaux

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