Plus de 30% des étudiants étrangers en France viennent de six pays africains, avec une progression spectaculaire du Cameroun (+55% en 5 ans). Derrière les chiffres, un enjeu stratégique pour l’influence française et la transformation du capital humain africain.
Selon les dernières données de Campus France, 443 500 étudiants étrangers étaient inscrits dans les établissements d’enseignement supérieur français pour l’année universitaire 2024-2025. Parmi eux, plus de 133 000 sont originaires de six pays africains francophones : Maroc, Algérie, Sénégal, Tunisie, Côte d’Ivoire et Cameroun. À eux seuls, ces pays représentent 30,09% de l’ensemble des étudiants internationaux en France. Un chiffre qui confirme la centralité croissante du continent africain dans la diplomatie académique française.
Le Cameroun se distingue particulièrement, avec 12 291 étudiants en France cette année, soit une hausse de +13% par rapport à 2023 et +55% sur cinq ans, ce qui en fait le pays africain à la plus forte dynamique de croissance dans ce domaine. Il devance de peu la Côte d’Ivoire (12 672 étudiants) et se place désormais dans le Top 10 mondial des pays d’origine des étudiants étrangers en France (9ᵉ rang).
Une carte géo-académique en recomposition
Ces dynamiques s’inscrivent dans un contexte international de repositionnement stratégique des flux étudiants, marqué par le recul des États-Unis (en partie à cause des politiques migratoires issues de l’ère Trump), une concurrence accrue des pays asiatiques (Chine, Corée du Sud, Japon) et un recentrage européen sur son attractivité éducative.
La langue française, l’histoire coloniale, la proximité culturelle, les accords bilatéraux, mais aussi le coût relativement modéré des études en France, expliquent en grande partie cette attractivité constante. Comme le souligne Donatienne Hissard, directrice générale de Campus France, « les étudiants mobiles n’ont jamais été aussi nombreux dans le monde, mais leurs choix se diversifient, et la France peut se positionner comme une alternative crédible dans ce nouveau paysage ».
Enjeux économiques, diplomatiques et stratégiques
Le succès des étudiants africains dans les universités françaises dépasse le cadre éducatif : il engage les ressorts profonds de la puissance douce (soft power), du développement économique, et de la coopération scientifique. À moyen terme, ces flux contribuent à former les futures élites économiques, administratives et politiques du continent africain.
Dans cette perspective, la présence croissante du Cameroun en France illustre un réajustement des ambitions éducatives du pays, mais aussi les limites d’un système universitaire national encore confronté à des défis de financement, d’infrastructures et de gouvernance.
Le cas camerounais : une diaspora académique en quête de capitalisation
Si le Cameroun progresse, la question reste posée : quelles politiques de retour ou de collaboration avec la diaspora académique sont mises en œuvre ? L’exportation des talents camerounais en France ne saurait être une simple fuite des cerveaux ; elle doit devenir une stratégie d’intelligence académique partagée, articulée autour des mécanismes de transfert de compétences, de coopération interuniversitaire, et d’investissements bilatéraux ciblés dans l’enseignement supérieur local.