Le retour triomphal du président sortant Paul Biya à Yaoundé le 1er octobre, après un voyage privé en Suisse, marque une étape cruciale dans la campagne présidentielle camerounaise, à onze jours du scrutin du 12 octobre.
Paul Biya, l’homme politique le plus ancien au pouvoir en Afrique aspire à un huitième mandat consécutif, dans un contexte géopolitique, sécuritaire et socio-économique hautement complexe.
Un retour stratégique, symbole de vitalité politique
L’accueil massif de ses partisans à l’aéroport international de Nsimalen illustre la mobilisation du RDPC (Rassemblement démocratique du peuple camerounais), alors que la campagne électorale s’intensifie. Selon Paul Eric Djomgoue, président de la commission de campagne de Yaoundé II, « ce retour est un signal clair que le président Biya reste le garant de la stabilité et de la continuité ». Ce timing intervient alors que des rumeurs contradictoires avaient laissé planer le doute sur son itinéraire, révélant l’importance stratégique accordée à la maîtrise de la communication en pleine séquence électorale.
Un régime confronté à des défis multiples
Après 43 ans au pouvoir, Paul Biya incarne une « grandeur » historique mais aussi une « espérance » pour ses partisans face à une opposition fragmentée, affaiblie et fébrile. Onze candidats sont en lice, dont deux anciens ministres dissidents, Bello Bouba Maigari et Issa Tchiroma Bakari.
Un contexte sécuritaire préoccupant
La crise anglophone dans les régions du Nord-Ouest et Sud-Ouest persiste, rendant l’organisation du scrutin difficile dans certaines contrées. Parallèlement, dans l’Extrême-Nord, la menace Boko Haram perdure, avec près d’un million de déplacés internes. Ces deux foyers de tension armée fragilisent l’intégrité territoriale et complexifient la logistique électorale, exposant à des risques potentiels de violences. Le gouvernement plaide pour la paix, la stabilité et une main tendue, mais sans faiblesse.
Enjeux économiques et sociaux
Sur le plan économique, le Cameroun affiche des indicateurs moyens. La Banque mondiale souligne une augmentation de 66 % du nombre de pauvres depuis 2000, reflet d’un développement économique inégal. Un chiffre qui semble exagéré, quand on va sur le terrain. La société civile et l’ONG International Crisis Group alertent sur une polarisation politique accrue, alimentée par des discours haineux dans les médias et sur les réseaux sociaux, menaçant la cohésion nationale.
Sur la plan géopolitique et stratégique
Le scrutin du 12 octobre s’apparente à un test de résilience pour un régime longtemps perçu comme stable. Paul Biya mise sur l’expérience et la continuité dans un environnement régional marqué par des conflits frontaliers, des crises migratoires et des enjeux sécuritaires transnationaux. La campagne présidentielle devient dès lors un enjeu de souveraineté, d’intelligence économique et de diplomatie régionale, où chaque mouvement est scruté pour ses implications sur la stabilité du pays et de la sous-région.
En conclusion, « Grandeur et Espérance », slogan de campagne de Paul Biya, traduit un paradoxe : celui d’un Cameroun qui aspire à la stabilité et au progrès, mais confronté à une fragmentation politique, une crise sécuritaire profonde et une pression sociale croissante. Le verdict des urnes déterminera la direction d’un pays à la croisée des chemins, entre continuité historique et nécessité de réforme.