Quatre jours après le scrutin présidentiel du 12 octobre 2025, le Cameroun entre dans une phase délicate de gestion post-électorale.
Sur le plan géopolitique et stratégique
Alors que l’attente des résultats officiels continue, le gouvernement camerounais, par la voix de René Emmanuel Sadi, ministre de la Communication et porte-parole, met en garde contre ce qu’il qualifie de « dérives » de certains candidats et médias. Le contexte est tendu, les équilibres fragiles. « Le gouvernement invite les Camerounais à continuer de faire preuve de maturité, de responsabilité et de sérénité », déclare René Sadi, dans un ton mêlant fermeté institutionnelle et appel à l’apaisement.
Un scrutin sous haute surveillance
Le scrutin présidentiel s’est déroulé dans un climat relativement calme, malgré un contexte sociopolitique encore marqué par la crise anglophone persistante dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les défis sécuritaires dans l’Extrême-Nord avec les résidus de Boko Haram, et une tension politique croissante dans les grands centres urbains. Pourtant, dès la clôture des bureaux de vote, des leaders de l’opposition ont anticipé la proclamation officielle, certains allant jusqu’à s’autoproclamer vainqueurs sur les réseaux sociaux. Un geste qualifié par le gouvernement de « grave atteinte » à la loi électorale.
Cadre légal, souveraineté et contrôle institutionnel
Le ministre a rappelé avec insistance le cadre légal qui régit les processus électoraux : Le Conseil Constitutionnel seul est habilité à proclamer les résultats officiels, dans un délai de 15 jours ; les commissions locales, départementales et nationales doivent d’abord compiler, vérifier, puis transmettre les résultats selon une chaîne bien établie ; chaque étape inclut la présence de représentants des candidats, garantissant une forme de transparence procédurale. Ce rappel à l’ordre institutionnel vise clairement à maintenir la primauté de l’État et à éviter toute contestation précoce qui pourrait fragiliser la légitimité du processus.
Sur le plan diplomatique et sécuritaire
Dans une région centrale de l’Afrique où les transitions démocratiques restent sensibles (cf. Tchad, Gabon, RDC), le Cameroun tente de projeter une image de stabilité républicaine, en dépit des critiques récurrentes sur l’opacité des processus électoraux. Ce positionnement est essentiel dans un contexte géopolitique où le pays reste un pôle de stabilité stratégique pour ses partenaires (France, Chine, Russie, États-Unis), notamment dans la lutte contre le terrorisme et le contrôle des flux migratoires. Toute instabilité post-électorale pourrait être interprétée comme une brèche géopolitique dans la région.
Implications économiques et intelligence stratégique
La période post-électorale est cruciale pour la confiance des investisseurs. L’économie camerounaise, résiliente mais vulnérable (3,7 % de croissance en 2024 selon la BEAC), dépend largement de la stabilité politique pour rassurer les bailleurs de fonds internationaux (FMI, Banque Mondiale) et les investisseurs privés. Une flambée de contestation, même numérique, pourrait altérer les indicateurs de risque-pays, faire chuter la monnaie locale, le franc CFA et geler certains investissements stratégiques, notamment dans les infrastructures, l’agriculture ou les hydrocarbures.
Entre vigilance et verrouillage démocratique
Le message du gouvernement traduit une volonté de maîtrise de la narration politique, dans un contexte où les réseaux sociaux deviennent des arènes concurrentes aux canaux institutionnels. « Toute démarche contraire au respect de ce processus constitue une atteinte grave à la réglementation », martèle le ministre, un avertissement direct aux plateformes médiatiques non conventionnelles, mais aussi aux figures politiques qui capitalisent sur l’instantanéité numérique.
Un moment pivot pour la démocratie camerounaise
À l’heure où le Conseil Constitutionnel s’apprête à jouer son rôle d’arbitre suprême, le Cameroun se trouve à un carrefour politique. Soit le pays conforte ses institutions et sa souveraineté juridique, soit il glisse dans un cycle de défiance, voire de crise post-électorale. Pour les partenaires internationaux, la vigilance est de mise, mais la non-ingérence semble être le mot d’ordre. Reste à voir si les acteurs politiques camerounais répondront, eux aussi, à l’appel du sens civique et patriotique.