Douze jours après l’élection présidentielle du 12 octobre 2025, le Cameroun reste suspendu à la décision de son Conseil constitutionnel.
Ce vendredi 24 octobre, la haute juridiction examine de nouveaux recours, dont celui du parti Héritage de Christian Bomo Ntimbane, réclamant le recomptage des voix. A trois jours de la proclamation officielle des résultats de la présidentielle, entre Paul Biya et Issa Tchiroma Bakary, cette audience revêt une portée politique majeure : celle de la crédibilité du système Biya depuis plus de quatre décennies.
Le pouvoir, incarné par Paul Biya, revendique une « stabilité exemplaire » face aux crises régionales. Ses opposants y voient au contraire la manifestation d’un immobilisme institutionnel où l’alternance n’existe que dans le discours. Derrière la rhétorique de la paix, une certaine classe de la société camerounaise exprime un malaise profond : « abstention massive, défiance envers les institutions, marginalisation des régions anglophones et exaspération d’une jeunesse sans perspectives« . Du coup, les juridictions, notamment le Conseil constitutionnel, sont perçues comme le prolongement du pouvoir exécutif, vidant « le contentieux électoral de sa substance« , regrette un sociologue camerounais.
La communauté internationale réagit avec prudence à ces propos. L’Union européenne et les Nations Unies appellent à la transparence, tout en ménageant un partenaire stratégique dans une Afrique centrale fragilisée. La France, soucieuse de préserver ses intérêts économiques et sécuritaires, se garde de tout commentaire public. Quant aux voisins du Cameroun, membres de la CEEAC, ils invoquent la « non-ingérence », redoutant qu’une déstabilisation à Yaoundé ne rejaillisse sur une sous-région déjà marquée par les coups d’État militaires.
Sur le plan géopolitique, le Cameroun incarne désormais le paradoxe d’un État fort mais politiquement figé : pilier sécuritaire pour l’Occident, mais foyer latent d’instabilité sociale. L’enjeu du contentieux électoral dépasse ainsi le simple recomptage des bulletins : il cristallise la question du contrat politique entre un régime actuel et une société en quête de légitimité démocratique. Le verdict du Conseil constitutionnel dira si le Cameroun choisit de prolonger son immobilisme sous couvert de paix, ou d’ouvrir, enfin, l’espace du possible politique.