Alors que s’est tenue à Paris la 8ᵉ édition du Forum sur la Paix, l’Afrique centrale s’est imposée comme l’un des principaux sujets de préoccupation internationale.
À la Conférence internationale pour la paix et la prospérité dans la région des Grands Lacs, coorganisée par la France et le Togo, la République démocratique du Congo (RDC) a cristallisé les débats, entre crise humanitaire, instabilité régionale et rivalités géostratégiques. « Nous faisons face à la deuxième crise humanitaire la plus grave du monde, avec 27 millions de personnes en insécurité alimentaire et 7 millions de déplacés internes », a rappelé le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, soulignant l’urgence d’une « mobilisation collective et durable ». Emmanuel Macron a clôturé les travaux en appelant à replacer la crise congolaise « au cœur des priorités internationales ».
Une crise humanitaire hors norme
Sur le terrain, la situation reste catastrophique. Le conflit entre l’armée congolaise et les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda selon Kinshasa, a provoqué plus de deux millions de nouveaux déplacés depuis le début de 2025, dont 90 % concentrés dans le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et l’Ituri.
« Près de 28 millions de Congolais souffrent d’insécurité alimentaire aiguë et un enfant sur deux est atteint de malnutrition chronique », alerte Florian Monnerie, directeur d’Action contre la Faim en RDC. Amadou Bocoum, de CARE RDC, dénonce une situation dramatique pour les femmes : « Elles représentent 51 % des déplacés internes. Plus de 67 000 cas de violences sexuelles ont été recensés entre janvier et avril 2025, mais seuls 35 % des besoins de protection sont financés ».
Des humanitaires à bout de souffle
Les organisations locales sont désormais en première ligne, souvent sans moyens. « L’isolement de Bukavu et Goma, la fermeture des aéroports et la suspension du financement de l’USAID ont entraîné des ruptures de médicaments essentiels », alerte le Dr De-Joseph Kakisingi, du CONAFOHD, qui évoque une « bombe sanitaire à retardement ». Luc Lamprière, du Forum des ONG internationales, pointe les blocages administratifs :« Chaque dollar retenu par une taxe ou un poste frontière, c’est un repas ou un médicament en moins. L’aide ne peut être prise en otage ».
Entre diplomatie et développement
Au-delà de l’urgence, la région du bassin du Congo est aussi stratégique : elle concentre plus de 70 % du cobalt mondial et abrite la deuxième plus grande forêt tropicale de la planète, cruciale pour la transition écologique. Pour Bruno Lemarquis, représentant spécial adjoint de l’ONU en RDC, « c’est une crise de protection et de gouvernance. Les humanitaires manquent de moyens, alors que les besoins explosent ».
Les États présents à Paris ont promis un soutien renforcé et une réponse articulant aide d’urgence, développement et stabilité régionale. Mais, prévient Manenji Mangundu, directeur d’Oxfam RDC, « les populations n’attendent plus des promesses. Elles veulent enfin des actes concrets ».