Cameroun post-électoral :  anatomie d’un risque pays

Crise de confiance, crise de croissance, le Cameroun face à son avenir économique.

Alors que Paul Biya vient d’être proclamé vainqueur de l’élection présidentielle du 12 octobre 2025, les revendications post-électorales s’enlisent et ravivent les doutes sur la trajectoire politique et économique du Cameroun. Entre incertitudes politiques, pressions sociales et tensions régionales, le pays s’avance sur une ligne de crête où la stabilité devient la principale variable d’ajustement.

1. Au plan national : la croissance en sursis, la gouvernance sous examen

Avec une croissance de 3,5 % en 2024 – en léger mieux par rapport à 2023 (3,2 %) – le Cameroun affiche une résistance relative face à la conjoncture mondiale. Mais cette apparente stabilité masque des déséquilibres profonds : une dette publique estimée à 46,8 % du PIB, un déficit courant de 3,4 % et une inflation maintenue à 4,5 %.

Derrière ces chiffres, la politique reste le talon d’Achille. La contestation des résultats du scrutin, jugé opaque par une partie de l’opposition, ébranle la confiance des investisseurs et retarde des projets structurants dans les transports, l’énergie ou les télécommunications. Comme le souligne un analyste d’un fonds régional : « Le Cameroun paie le prix d’un déficit de confiance politique avant même celui d’un déficit budgétaire ».

La gouvernance, marquée par la lenteur des réformes et des soupçons de corruption, demeure le principal frein à une croissance inclusive. Les tensions sociales, alimentées par le chômage des jeunes et la cherté de la vie, font planer la menace d’une érosion du climat des affaires.

2. Au plan régional : fractures internes et fardeau sécuritaire

Les revendications post-électorales s’inscrivent dans un paysage régional déjà tendu. La crise anglophone, toujours active dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, a déplacé plus de 900 000 personnes. Les affrontements sporadiques entre forces gouvernementales et groupes séparatistes continuent de perturber les chaînes logistiques et d’entraver les flux commerciaux vers le Nigéria, premier partenaire régional.

L’État central, confronté à une pression sécuritaire multidimensionnelle – du bassin du lac Tchad à la frontière centrafricaine – doit arbitrer entre dépenses militaires croissantes et investissements civils. Une équation budgétaire intenable à moyen terme.

Dans ce contexte, le risque de contagion régionale n’est pas à écarter : les fragilités du Cameroun résonnent sur l’ensemble de l’Afrique centrale, où Yaoundé joue un rôle d’équilibre au sein de la CEEAC. Comme l’analyse un diplomate de la sous-région : « Un Cameroun instable, c’est toute l’Afrique centrale qui vacille ».

3. Au plan international : entre diplomatie économique et rivalités d’influence

Sur la scène mondiale, le Cameroun reste un partenaire stratégique – par sa position géographique entre le Sahel et le golfe de Guinée, et par son potentiel énergétique (gaz, hydrocarbures, forêts). Mais la perception internationale se dégrade.

Les investisseurs étrangers, échaudés par la contestation du scrutin, attendent des signaux clairs de stabilité. Fitch Solutions a d’ailleurs identifié « l’élection de 2025 comme un risque majeur pour l’environnement des affaires ». La dette extérieure – notamment vis-à-vis de la Chine – accroît la dépendance du pays et son exposition aux tensions géopolitiques. L’Union européenne, de son côté, conditionne ses prêts à des réformes de gouvernance et de transparence budgétaire.

Sur le plan diplomatique, Yaoundé tente un équilibrisme entre partenaires traditionnels et nouveaux acteurs. Pékin multiplie les financements d’infrastructures ; Moscou offre une coopération sécuritaire discrète ; Paris et Bruxelles insistent sur la stabilité institutionnelle. Ce jeu d’équilibres dessine un espace d’opportunités… mais aussi de vulnérabilités.

4. Stratégie et perspectives : réformer pour rassurer

L’avenir économique du Cameroun dépend désormais de sa capacité à restaurer la confiance. Trois leviers apparaissent essentiels :

  • Apaiser la crise politique pour sécuriser l’environnement des affaires ;
  • Relancer la diversification économique, au-delà des matières premières ;
  • Réformer la gouvernance budgétaire et renforcer la transparence de la dette.

Comme le souligne un économiste de la Banque mondiale :

« Une réforme fiscale courageuse et une meilleure gouvernance peuvent être les déclencheurs d’une croissance durable ».

Si le pouvoir réussit à stabiliser la scène intérieure, la croissance pourrait se hisser autour de 4,5 % en 2025. Dans le cas contraire, l’économie camerounaise risque d’entrer dans une zone grise : celle d’une stagnation politique prolongée et d’une marginalisation économique dans la région.

Le risque de l’immobilisme

Les revendications post-électorales au Cameroun dépassent la seule sphère politique : elles révèlent une crise de confiance systémique. Dans une région où chaque secousse politique résonne au-delà des frontières, le Cameroun joue sa crédibilité économique et diplomatique. Entre inertie et réforme, le pays doit choisir. L’histoire récente de l’Afrique centrale l’enseigne : dans un monde de rivalités économiques et d’instabilité stratégique, l’immobilisme est la plus dangereuse des stratégies.

VOUS POURRIEZ AIMER

"Investissez dans le boom agricole du Cameroun – [Explorez les opportunités]"

Table des matières

Vous avez des questions ou besoin de l'aide d'un expert ?

Notre équipe est là pour accompagner votre croissance.
Partagez ceci

Publicité

Aucun article trouvé !

Scroll to Top