Entre diplomatie humanitaire, rivalités régionales et guerre de l’influence.
Sous les ors du Quai d’Orsay, la Conférence internationale sur la crise humanitaire en République démocratique du Congo a ressemblé à une opération de secours. En réalité, elle a marqué le retour d’une diplomatie française qui cherche à exister dans une Afrique des Grands Lacs devenue champ de bataille géopolitique mondial.
Emmanuel Macron a promis 1,5 milliard d’euros pour un pays épuisé par trente ans de guerre. Mais derrière les chiffres, une question s’impose : la France peut-elle encore peser sur les lignes de fracture africaines, quand s’y affrontent désormais puissances régionales et intérêts globaux ?
« Nous ne pouvons pas rester spectateurs », a lancé le président français, en écho à une opinion internationale anesthésiée. Car la tragédie congolaise n’est plus seulement humanitaire — elle est stratégique.
À l’est du Congo, là où s’entrecroisent minerais critiques, milices et armées étrangères, la guerre a muté. Le M23, soutenu selon Kinshasa par Kigali, contrôle des zones minières stratégiques ; les campagnes de désinformation enflamment les réseaux ; les corridors humanitaires deviennent autant d’enjeux militaires que de survie civile.
Dans ce contexte, la France avance ses pions. Soutien au Togo, médiateur désigné par l’Union africaine, projet de réouverture de l’aéroport de Goma, coordination avec l’ONU : Paris tente de conjuguer geste humanitaire et posture d’influence. Mais Kigali a immédiatement répliqué : « La France ne peut rouvrir un aéroport dans une zone sous contrôle rebelle ». L’avertissement est clair.
Cette crispation illustre une recomposition plus vaste. Tandis que Washington renforce sa coopération sécuritaire avec le Rwanda, Pékin sécurise son accès au cobalt congolais et Moscou infiltre l’espace informationnel africain via ses proxies numériques, la France veut éviter d’être réduite au rôle d’observateur compatissant.
Emmanuel Macron plaide pour un « humanitaire stratégique » : une aide visible, traçable, connectée à une lutte contre les ingérences et les manipulations en ligne. C’est aussi une manière d’affirmer une souveraineté européenne sur les routes du cobalt et du coltan, devenues les nouvelles artères du monde numérique.
La crise congolaise agit alors comme un miroir : elle révèle une Afrique centrale où se croisent guerres hybrides, diplomatie algorithmique et économie de survie.
Dans cette nouvelle ère, chaque avion humanitaire, chaque corridor sécurisé, chaque mot prononcé devient un acte de puissance. Et la France, entre idéal moral et calcul stratégique, tente d’y redéfinir sa place.