Paul Biya et la souveraineté foncière : le Cameroun, laboratoire géostratégique de l’Afrique centrale

Comment la rupture des accords coloniaux redessine la carte du pouvoir, de l’économie et de la sécurité en Afrique centrale.

Peu de pays incarnent autant l’ambiguïté postcoloniale que le Cameroun : jadis colonie allemande, divisé entre la France et la Grande-Bretagne après 1919, il est devenu un État pivot de l’Afrique centrale. La décision de Paul Biya de ne pas reconduire plusieurs accords dits “coloniaux” constitue un tournant discret mais stratégique dans la gestion des terres, des ressources naturelles et des alliances militaires.

Le Cameroun est le 3ᵉ pays au monde le plus touché par l’accaparement des terres. Quatre millions d’hectares de terres sont détenues par des entreprises étrangères (plus de 8 %). « La souveraineté foncière n’est pas négociable », déclarait Paul Biya en 2024. Pour le président camerounais, il s’agit de reprendre le contrôle sur les terres, les minerais, les ports et les infrastructures laissées aux entreprises et chancelleries étrangères.

Cette rupture est à la fois géopolitique, économique et sécuritaire, car elle redéfinit l’influence des puissances traditionnelles et ouvre le pays à de nouveaux partenaires (Chine, Turquie, Émirats, Inde, Russie).

Avantages : rééquilibrer les rapports de force

La non-reconduction des accords permet à Yaoundé de renégocier ou abandonner des concessions héritées des années 1960-1980, souvent taillées sur mesure pour des intérêts français. Les investissements étrangers se diversifient dans le foncier agricole, les infrastructures portuaires et les mines. Sur le plan militaire, Paul Biya réduit la dépendance stratégique à Paris et réorganise les bases et le renseignement, limitant l’influence occidentale tout en protégeant les corridors logistiques nationaux.

Inconvénients : tensions et risques latents

Cette stratégie suscite une pression internationale accrue. Paris, Washington et Bruxelles cherchent à protéger leurs entreprises et concessions historiques. Le Cameroun devient un terrain d’espionnage économique intensif : minerais critiques (cobalt, nickel, diamant), forêts, pipelines et ports attirent services étatiques étrangers, sociétés privées et même mercenaires. Des tensions internes peuvent émerger, car certaines élites locales revendiquent la restitution de terres historiques.

Afrique centrale : la terre comme levier de pouvoir

  1. RDC : cœur minier et conflits fonciers
    La République démocratique du Congo concentre 80 % du cobalt mondial et de vastes forêts captant 4 % du carbone global. Les concessions minières à bas prix sous Mobutu et les guerres locales autour du coltan font de la terre un enjeu sécuritaire et économique. Le M23, soutenu par le Rwanda, contrôle des corridors stratégiques, démontrant l’interdépendance du foncier, du minier et du militaire.
  2. RCA : concessions et fragmentation de l’État
    En Centrafrique, les terres agricoles et minières alimentent les milices et groupes armés, tandis que la Russie et la France cherchent à sécuriser leur accès aux ressources.
  3. Tchad : transhumance et conflits pastoraux
    Les terres pastorales deviennent des zones stratégiques, convoitées par les voisins pour contrôler routes du bétail et zones pétrolières, entraînant conflits meurtriers et interventions armées locales.
  4. Gabon : réforme foncière sous surveillance internationale
    La transition post-Bongo relance la renégociation des concessions forestières et minières, sous l’œil des multinationales françaises et chinoises, tout en confrontant les ambitions locales.
  5. Guinée équatoriale : dépendance extrême
    Les terres stratégiques sont verrouillées par des entreprises étrangères et des clans politiques, limitant toute réforme et créant une vulnérabilité géopolitique majeure.

Vers une doctrine africaine de souveraineté foncière

La conférence d’Addis-Abeba (2025) vient de rappeler que sécuriser les droits des communautés, moderniser les cadastres et renégocier les concessions étrangères constitue un impératif continental. La souveraineté foncière se confond désormais avec la sécurité nationale, la prospérité économique et le contrôle géostratégique des ressources. Le Cameroun, par sa position centrale et ses décisions audacieuses, devient pivot, laboratoire et arbitre : ses choix influencent directement les équilibres régionaux et la recomposition des rapports de force en Afrique centrale.

Dans ce contexte, Paul Biya incarne une stratégie de souveraineté pragmatique, où la maîtrise du foncier et des ressources devient un levier géopolitique majeur. L’Afrique centrale pourrait ainsi tracer la voie d’une politique de contrôle territorial et économique indépendante, tout en repensant les alliances et la sécurité sur le continent.

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