La décision du Vatican de restituer 62 objets autochtones au Canada – masques traditionnels, pièces rituelles, un canoë inuit – est saluée comme une « journée historique ».
Mais alors que le Saint-Siège reconnaît ses fautes en Amérique du Nord, une question s’impose : qu’en est-il de l’Afrique noire ? Le continent le plus marqué par les missions forcées, les spoliations culturelles et les dérives coloniales de l’Église demeure largement absent du débat mondial sur les restitutions.

« Le pape a voulu que ce don soit un signe concret de dialogue, de respect et de fraternité », déclare Rome. Pourtant, dans les réserves des Musées du Vatican comme dans celles des ordres missionnaires européens, des milliers d’objets africains dorment encore : masques fang, statuettes bakongo, objets sacrés pygmées, reliques rituelles tchadiennes, manuscrits éthiopiens, objets royaux luba ou bamoun.
Selon l’anthropologue italien Davide Ferraro, « plus de 8 000 objets africains d’origine missionnaire se trouvent encore dans les collections catholiques en Europe ».

L’Afrique, grande oubliée des restitutions religieuses
Entre le XVIe et le XXe siècle, les missions catholiques en Afrique noire ont souvent accompagné la conquête coloniale : conversions forcées, destruction de cultes, confiscation d’objets rituels qualifiés de « fétiches ». En 2023, l’UNESCO estimait que 90 % du patrimoine culturel africain se trouve hors du continent, dont une part non négligeable dans des structures religieuses.
Pourtant, contrairement au Canada, aucun programme officiel de restitution catholique vers l’Afrique n’a encore été annoncé. Le paradoxe est brutal : le Vatican reconnaît désormais que les « bulles » papales du XVe siècle, fondements de la « doctrine de la découverte », ont légitimé l’asservissement et la colonisation.
Le document du 30 mars 2023 admettait d’ailleurs que ces textes « n’ont pas respecté l’égale dignité des peuples indigènes ». Mais sans mécanisme d’action, cette reconnaissance reste, selon l’expert Jean-François Roussel, « la fin du temps des paroles ».

Une pression africaine croissante
Des pays comme le Bénin, la RDC, le Cameroun et l’Éthiopie réclament désormais l’inventaire complet des biens africains conservés dans les institutions catholiques.
Le Cameroun en particulier – où les ordres missionnaires ont collecté des milliers d’objets bamileké, bamoun et beti – demande une commission bilatérale de restitution.
Le chercheur congolais Emery Mwanga résume le sentiment continental : « Sans restitution, il n’y a pas de réconciliation ».

2026 : la visite du Pape en Afrique sous haute attente
La prochaine visite du pape Léon XIV en Afrique centrale en 2026 – avec des étapes prévues au Cameroun, en RDC et en Ouganda – sera scrutée. Le continent attend des annonces fortes : inventaires publics, retour d’objets rituels, reconnaissance des violences missionnaires en Afrique noire, soutien à la revitalisation culturelle.
Si le Vatican affirme vouloir « réparer les blessures du passé », l’Afrique demande désormais plus qu’un symbole offert à d’autres : un acte de justice envers le continent le plus exposé aux dérives missionnaires de l’histoire chrétienne.
En 2026, la question sera simple : Le Pape Léon XIV viendra-t-il les mains vides, ou ouvrira-t-il enfin le chapitre des restitutions africaines