Le 13 novembre 2025, le tribunal de Rouen a condamné sept trafiquants de déchets illégaux, originaires du Mali et du Nigeria, et deux sociétés, à des peines de prison avec sursis et à près d’un million d’euros d’amendes.
Ces individus exportaient depuis le port du Havre des pièces automobiles non dépolluées et des articles électroménagers usagés, déclarés frauduleusement comme « effets personnels » et accompagnés de fausses factures de dépollution. La vice-procureure Béatrice Pavie a dénoncé un système organisé et lucratif : « L’Afrique, dont vous êtes originaires, crève sous les déchets. »
Si la sanction judiciaire est symbolique, elle illustre surtout l’ampleur d’un problème transnational. Chaque année, des centaines de milliers de tonnes de déchets électroniques et électroménagers quittent l’Europe pour l’Afrique, souvent via le Havre, sans recyclage ni traitement adéquat. Les conséquences sont immédiates : sols et eaux pollués, exposition des populations à des métaux lourds et produits chimiques, zones urbaines transformées en décharges toxiques, aggravation de la pauvreté et fragilisation de la santé publique.
Mais ce trafic n’est pas seulement environnemental : il est profondément géopolitique. Les ports africains deviennent des points stratégiques pour des flux clandestins, et les compagnies maritimes exploitent les failles réglementaires et le manque de coordination internationale. Les gouvernements africains, souvent dépourvus de moyens pour contrôler ces importations, voient leur souveraineté et leur sécurité environnementale menacées. Ce commerce illégal alimente des réseaux économiques parallèles, crée des zones de non-droit et accentue les dépendances vis-à-vis de pays tiers.
Face à cette menace, des mesures coordonnées s’imposent. Nous proposons dix mesures concrètes :
- Traçabilité obligatoire des cargaisons : chaque conteneur doit être géolocalisé et déclaré avec inventaire détaillé, vérifiable en temps réel par les autorités.
- Responsabilité élargie des armateurs : sanctions lourdes pour les compagnies maritimes transportant illégalement des déchets dangereux.
- Renforcement douanier européen et africain : contrôles systématiques sur les ports exportateurs et importateurs.
- Renseignement économique et coopération transfrontalière : identification des réseaux et acteurs financiers impliqués.
- Peines pénales dissuasives : prison ferme, interdictions d’exercer et confiscation des actifs pour les trafiquants.
- Création de centres de recyclage en Afrique : infrastructures adaptées aux déchets électroniques et électroménagers pour réduire l’exposition toxique.
- Normes environnementales contraignantes : interdiction d’exporter tout déchet non dépollué.
- Systèmes de certification indépendants : audit régulier des entreprises exportatrices et importatrices.
- Coopération multilatérale : partenariat Europe-Afrique pour harmoniser lois et sanctions.
- Sensibilisation et responsabilité sociale des entreprises : campagnes pour responsabiliser industriels, armateurs et consommateurs européens.
Le procès de Rouen démontre que la justice seule ne suffit pas. Tant que les flux illégaux continueront à exploiter les lacunes réglementaires et le manque de contrôle portuaire, l’Afrique restera le réceptacle des déchets d’une économie mondiale imprudente. La solution repose sur une action combinant régulation stricte, intelligence économique, infrastructures locales et coopération internationale. Sans cela, l’impact environnemental, sanitaire et géopolitique du trafic de déchets continuera à se déployer à grande échelle, compromettant durablement la souveraineté et le développement africains.