Coopération sécuritaire, enjeux économiques et diplomatie d’équilibre : Yaoundé et Washington ajustent leurs rapports.
L’entretien téléphonique entre le président camerounais Paul Biya et le secrétaire d’État américain Marco Rubio ouvre une nouvelle phase de dialogue entre Yaoundé et Washington. Confirmé par l’Ambassade des États-Unis à Yaoundé, l’appel se veut à la fois protocolaire et stratégique : Rubio a félicité Biya pour son investiture et réaffirmé « l’engagement américain en faveur d’un partenariat sécuritaire solide et d’une paix durable en Afrique centrale ».
Cette prise de contact intervient dans un contexte politique délicat pour le Cameroun, marqué par des tensions post-électorales et une contestation persistante de la régularité du scrutin. Aux États-Unis aussi, plusieurs membres du Congrès continuent d’exiger un examen approfondi des conditions électorales au Cameroun. L’appel du chef de la diplomatie américaine traduit donc un choix assumé : maintenir le dialogue, malgré les critiques internes.
Pour Yaoundé, cet échange s’inscrit pleinement dans la diplomatie “biyaiste”, une approche pragmatique, graduelle et fondée sur la continuité. Depuis plusieurs décennies, la stratégie extérieure du Cameroun repose sur un principe d’équilibre : préserver des liens solides avec les puissances traditionnelles-dont les États-Unis-tout en diversifiant les partenariats économiques vers l’Asie, le Moyen-Orient et l’Afrique centrale. Cette capacité à maintenir des relations stables, même en période de pression politique, demeure l’une des signatures de la présidence Biya.
Sur le plan sécuritaire, Washington et Yaoundé partagent des intérêts convergents. Le Cameroun reste un acteur clé dans la lutte contre Boko Haram, dans la surveillance du bassin du lac Tchad et dans la stabilité maritime du golfe de Guinée. Les États-Unis comptent sur cette coopération pour consolider leur stratégie régionale, tandis que le Cameroun bénéficie d’un soutien logistique, technologique et opérationnel dans la lutte contre le terrorisme.
Mais l’entretien Biya–Rubio revêt également une dimension d’intelligence économique. Washington cherche à protéger ses investissements dans les secteurs de l’énergie, des infrastructures et des technologies, tandis que Yaoundé voit dans la relance du dialogue une opportunité de renforcer l’attractivité du Cameroun auprès des entreprises américaines. Plusieurs analystes estiment que les États-Unis souhaitent repositionner leurs entreprises face à la montée en puissance d’acteurs asiatiques dans le pays.
Au final, l’échange entre Paul Biya et Marco Rubio confirme une réalité durable : malgré les turbulences politiques, les relations entre le Cameroun et les États-Unis restent fondées sur un socle d’intérêts mutuels-sécurité, affaires, stabilité régionale et influence géopolitique. Une diplomatie de continuité, mais aussi d’adaptation.
