Afrique–États-Unis : l’Agoa en suspens, un test pour la souveraineté commerciale du continent

L’expiration du principal accord commercial préférentiel entre Washington et l’Afrique plonge les exportateurs dans l’incertitude. Le continent cherche désormais à consolider ses propres leviers d’intégration.

Vingt-cinq ans après sa création, l’African Growth and Opportunity Act (Agoa) est à un tournant. L’accord, qui permettait à environ 35 pays africains d’exporter vers les États-Unis sans droits de douane, a expiré le 30 septembre 2025. Son avenir demeure incertain, laissant des milliers d’entreprises face à un vide commercial.

Adoptée en 2000, la loi visait à stimuler l’industrialisation africaine, créer des emplois et renforcer les liens économiques transatlantiques. En pratique, elle a façonné des chaînes d’approvisionnement entières : l’Afrique du Sud pour l’automobile et les agrumes, le Kenya et l’Éthiopie pour le textile, le Lesotho et l’Eswatini pour les vêtements, Maurice pour les produits de la mer et les tissus.

Selon la Banque mondiale, plus de 400 000 emplois, dont une majorité féminine, dépendaient directement de ces préférences. Sans Agoa, un t-shirt africain est soumis à un droit de douane de 16,5 %, ce qui « suffit à anéantir les marges bénéficiaires », explique un industriel mauricien.

Washington tergiverse, les usines attendent

La Maison Blanche plaide pour une prolongation d’un an, mais le Congrès américain, divisé sur les priorités commerciales, tarde à agir. Des négociations transitoires sont envisagées, mais sans cadre légal, les exportateurs suspendent leurs commandes.

Entre 2001 et 2021, les États-Unis ont importé 791 milliards de dollars de marchandises en provenance des pays Agoa – contre seulement 145 milliards d’aide économique versée sur la même période. « L’Agoa a fait plus pour l’intégration économique que trois décennies d’aide publique », estime l’économiste kényan Peter Muchiri.

Les alternatives africaines : Europe, Zlecaf et innovation

Face à cette impasse, les gouvernements africains cherchent des issues. Le Center for African Trade Studies préconise trois axes :

  1. Diversifier les débouchés vers l’Union européenne, via les accords de partenariat économique (APE), et dynamiser la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf)
  2. Renforcer la logistique : ports plus rapides, guichets douaniers numériques, corridors régionaux fiables.
  3. Coordonner le plaidoyer à Washington, avec des données chiffrées sur les emplois menacés.

Pour le Lesotho ou le Kenya, une interruption prolongée pourrait coûter jusqu’à 40 % des commandes dans le secteur textile. « Un an d’incertitude suffit à faire fuir les acheteurs », prévient une responsable de l’association des exportateurs d’Afrique australe.

Un symbole de souveraineté économique

L’Agoa symbolisait la promesse d’un partenariat gagnant-gagnant. Sa suspension rappelle la fragilité d’une dépendance aux préférences unilatérales. « L’Afrique doit transformer cette crise en opportunité, en bâtissant ses propres chaînes de valeur régionales », estime un rapport de la Commission économique de l’ONU pour l’Afrique.

Tandis que le Congrès débat, les conteneurs restent à quai. Et l’Afrique, elle, réaffirme son ambition : commercer non par privilège, mais par puissance.

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