Pari réussi pour la Francophonie dans le Bassin du Congo. Entre 2021 et 2025, le Projet de déploiement des technologies et innovations environnementales (PDTIE) a transformé deux pays stratégiques – Cameroun et RDC – en pôles d’innovation verte.
À la croisée des enjeux géopolitiques, économiques et climatiques, cette initiative illustre une diplomatie de la science au service du développement durable. « Dans la recherche, il faut ouvrir les vannes de l’imagination ». Cette phrase de Joseph Pondi, coordinateur du PDTIE à Yaoundé, résume l’esprit pionnier du projet mené sous l’égide de la Francophonie entre 2021 et 2025 dans le Bassin du Congo. Avec 70 000 jeunes formés, 151 innovations soutenues et deux Fab Labs créés, cette initiative financée à hauteur de 5 millions d’euros incarne une diplomatie de l’innovation au service de la souveraineté technologique et écologique des États africains.
Le Bassin du Congo, second poumon de la planète après l’Amazonie, concentre des enjeux majeurs : climat, biodiversité, sécurité alimentaire, mais aussi stabilité géopolitique et économie circulaire. Dans cette zone à forte pression sur les ressources naturelles, l’innovation devient un outil stratégique de résilience.
Une innovation au féminin pluriel
La singularité du PDTIE ? Sa capacité à catalyser des dynamiques locales portées par la jeunesse – et surtout par les femmes, longtemps sous-représentées dans la recherche scientifique en Afrique centrale (moins de 10 % en RDC, 22 % au Cameroun). Des figures comme Justine Neema (tuiles en plastique recyclé), Rebecca Kapanga (phytothérapie contre la drépanocytose) ou Tatiane Marina Abo, qui a représenté le Cameroun à la COP28 avec ses panneaux isolants en fibres de bananier, témoignent de cette effervescence féminine. « Nous apportons notre petite pierre à la santé publique. Les femmes doivent innover pour sauver des vies », insiste Merveille Ngbanzo, créatrice d’un antipaludique innovant à Kinshasa.
Technologie, souveraineté et sécurité économique
Le PDTIE s’inscrit dans une logique d’intelligence économique francophone, renforçant les capacités technologiques locales. Deux Fab Labs de pointe – à Yaoundé et Bukavu – jouent le rôle de catalyseurs : impression 3D, CNC 5 axes, logiciels de conception, robotique… Ces infrastructures renforcent les chaînes de valeur locales et protègent la propriété intellectuelle.
Avec près de 100 brevets et modèles déposés, l’Afrique centrale prend part à la compétition technologique mondiale. L’équipe de Mipromalo, au Cameroun, a déposé les premiers brevets de son histoire. En RDC, des produits cosmétiques et pharmaceutiques (savons, larvicides, dentifrices) sont déjà commercialisés sous la marque Royal. Patrick Memvanga, coordinateur au CRITESS (Université de Kinshasa), rappelle que « la confiance mutuelle et la rigueur scientifique sont la clé de cette réussite ».
Vers une souveraineté scientifique africaine
Au-delà des chiffres (85 thèses, 79 modules de e-learning, 74 emplois directs créés), le PDTIE marque un tournant géostratégique. Il illustre un modèle d’innovation endogène, basé sur les ressources locales, l’inclusion et l’écologie. Le projet a démontré que les déchets peuvent devenir des ressources : emballages en cabosses de cacao, papiers biodégradables, machines agricoles low-tech, poubelles intelligentes… Autant d’initiatives qui dessinent un futur africain sobre en carbone et riche en idées. « Le sentiment d’appropriation est tangible », confirme Fabrice Lukeba, coordinateur du Fab Lab Éco-Déchets à Bukavu.
Continuité stratégique : une Francophonie de l’action
Fort du succès du PDTIE, un nouveau projet régional a vu le jour sous l’égide de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) : le programme Soutien aux initiatives environnementales dans le Bassin du Congo, doté de 4,775 millions d’euros. Il vise à élargir l’impact à l’échelle régionale, avec plus de 500 femmes et jeunes porteurs de projets en ligne de mire.
Lecture stratégique : innovation, paix et influence
Dans un contexte de compétition accrue pour les ressources (forêts, minerais, terres arables), le PDTIE peut être lu comme un instrument de soft power francophone. Il positionne la Francophonie non seulement comme un espace culturel, mais comme un levier de transformation technologique et écologique, au service de la paix, de la sécurité humaine et de l’influence géopolitique.
En favorisant l’innovation inclusive, l’accès au brevet, la valorisation des savoirs autochtones et la formation massive, le projet inscrit le Bassin du Congo dans une trajectoire de souveraineté durable et d’autonomie stratégique.Dans le Bassin du Congo, la Francophonie a montré qu’un autre modèle de développement est possible : décentralisé, inclusif, ancré dans les réalités locales et résolument tourné vers l’avenir. À l’heure des grandes transitions globales, ce pari sur l’intelligence verte pourrait bien être l’une des plus belles réussites diplomatiques du développement durable en Afrique.
Chiffres-clés
- 70 000 jeunes formés (7200 en présentiel, 69 800 en ligne)
- 151 innovations soutenues
- 2 Fab Labs créés (Yaoundé, Bukavu)
- 29 entreprises créées, 74 emplois décents
- Près de 100 brevets et modèles déposés
- Budget : 5 millions € pour le PDTIE, 4,775 millions € pour la phase régionale