Cameroun : la Génération Z post électorale, nouvelle menace ou nouvel espoir ?

Dans un Cameroun en tension après la présidentielle,  et plus encore, dès la proclamation officelle des résultats de la présidentielle – 23 octobre 2025, qui aura opposée le président sortant Paul Biya, à son ancien ministre, Issa Tchiroma Bakary, la jeunesse hyperconnectée née avec Internet – la Génération Z – redéfinit les codes de la mobilisation politique.

Entre diaspora, innovation numérique et défiance envers les institutions, cette « révolution silencieuse » impose au pouvoir vieillissant de nouveaux rapports de force.

1. Le séisme invisible d’une jeunesse numérique

À l’heure où le Conseil constitutionnel s’apprête à proclamer les résultats de la présidentielle, le Cameroun retient son souffle. Les rues sont calmes, mais les réseaux s’enflamment. Sous les hashtags #MyVoteMyVoice, #Cameroun2025 ou #GenZRevolt, des milliers de jeunes partagent vidéos, témoignages et cartes citoyennes des incidents électoraux.

« Nous ne croyons plus aux leaders, mais aux causes. Nos réseaux sont notre parti », confie un jeune activiste de Douala sous pseudonyme, contacté via Telegram. Ces jeunes Camerounais – nés avec la 4G et la défiance – n’occupent plus les places publiques, mais les timelines.Leur arme : la connectivité. Leur terrain : le flux. Leur ambition : forcer le pouvoir à se réinventer.

2. Une génération africaine : connectée, globale et déterminée

Selon la Banque mondiale, 65 % des Camerounais ont moins de 30 ans. Parmi eux, la Génération Z – née entre 1995 et 2010 – représente près de 5,8 millions de citoyens. Leur éducation s’est faite dans un monde numérique, mondialisé et multiculturel. Ils parlent autant anglais que pidgin, français ou argot web.
Leur culture politique se forge sur TikTok, X (ex-Twitter), YouTube et Telegram, plutôt que dans les sections de partis.

« La jeunesse camerounaise n’attend plus la permission de parler. Elle a ses propres canaux, ses propres algorithmes et son propre tempo », explique un chercheur en communication politique à l’Université de Yaoundé II.

Désabusés par la politique traditionnelle, ces jeunes investissent le champ de la contestation symbolique et numérique : vidéos virales, enquêtes collaboratives, cybercampagnes ou data militante. Leur logique : décentralisée, agile, mouvante. Leur influence : exponentielle. Aucune barrière psychologique.

3. Diaspora et transversalité : la nouvelle internationale numérique

Cette Génération Z ne s’arrête pas aux frontières. Elle tisse des liens puissants avec une diaspora estimée à près d’un million de Camerounais, répartis entre l’Europe, le Canada et les États-Unis. Ces expatriés alimentent un flux d’informations, de financements et de formation à distance.

« Ce que vit le Cameroun s’inscrit dans un mouvement panafricain : la jeunesse se coordonne, partage des méthodes et apprend à contourner la censure », explique une chercheuse camerounaise, qui a  préféré l’anonymat.

Des plateformes comme Signal, Ushahidi ou MapHub servent à cartographier les violences, diffuser des preuves, ou alerter les ONG en temps réel. Ce maillage transnational donne naissance à une véritable « internationale numérique africaine », déjà active de Dakar à Nairobi, en passant par Kinshasa et Abidjan.

4. Face à elle, un pouvoir resté analogique

Depuis son indépendance, en 1960, le régime camerounais repose sur une architecture de contrôle : répression, manipulation identitaire, cooptation des élites, et un appareil sécuritaire redouté. Mais cette mécanique s’essouffle face à un adversaire sans visage. « Le pouvoir est pyramidal, la Génération Z est en réseau », résume un politologue camerounais basé à Bruxelles. « C’est une asymétrie que la répression classique ne sait plus gérer ».

Les tentatives de blackout d’Internet n’ont plus l’effet escompté : les jeunes utilisent des VPN, proxys, messageries cryptées et des relais dans la diaspora.
La censure devient contre-productive, déclenchant immédiatement des réactions internationales et des campagnes de dénonciation.

5. Les foyers sous tension : Yaoundé, Douala, Bafoussam

Trois villes cristallisent l’attention des observateurs :

  • Yaoundé, « le cœur du pays », centre du pouvoir et symbole de l’État fort ;
  • Douala, capitale économique, nerveuse et frondeuse ;
  • Bafoussam, carrefour de la jeunesse de l’Ouest, moteur associatif et universitaire.

Selon un rapport d’International Crisis Group, « l’urbanisation rapide, la précarité et la montée des frustrations créent un climat d’explosion latente ». Les campus, notamment celui de Ngoa-Ekellé, sont surveillés, tandis que les marchés populaires deviennent des lieux d’expression politique détournée.

6. Enjeux économiques et stratégiques

L’enjeu dépasse le politique. Le Cameroun, carrefour du Golfe de Guinée et 14e économie d’Afrique, est au cœur de la stabilité régionale. Toute crise prolongée affecterait les flux pétroliers, les corridors logistiques vers le Tchad et la RCA, et les investissements étrangers. Les acteurs économiques observent avec inquiétude cette montée de la contestation numérique.

Les opérateurs télécoms, sous pression, sont contraints d’arbitrer entre sécurité nationale et libertés numériques. Les investisseurs étrangers scrutent la situation post-électorale, craignant que les blocages politiques freinent l’économie déjà ralentie par l’inflation et les tensions sécuritaires au Nord-Ouest.

7. Répression et innovation : la cyberguerre intérieure

Le pouvoir, conscient de cette mutation, a modernisé son arsenal :

  • Loi sur la cybersécurité (2010, modifiée 2019) pour encadrer la diffusion d’informations jugées subversives.
  • Unités de renseignement numérique formées pour traquer les activistes en ligne.
  • Narratifs de contre-information diffusés via des comptes automatisés.

Mais ces outils se heurtent à une génération technophile, polyglotte et formée à l’OSINT (open source intelligence). Les jeunes militants utilisent l’IA pour analyser les données, générer des visuels, et décrypter la propagande. « En voulant contrôler la narration, le pouvoir amplifie celle de ses adversaires », avertit un consultant en renseignement économique.

8. Une génération sans leader, mais avec une vision

Contrairement aux oppositions classiques, la Gen Z ne cherche pas de sauveur politique. Elle veut des systèmes, pas des hommes. Son discours est celui de la transparence, de la méritocratie, de l’écologie et de la justice sociale.De plus en plus de jeunes Camerounais s’orientent vers les startups, la tech, les médias citoyens et la data governance. Ils ne veulent plus fuir, mais transformer. Et ils savent que le numérique leur offre le levier que la politique leur a refusé.

9. Diagnostic : la fin d’un cycle historique

Le Cameroun se trouve à un carrefour stratégique : d’un côté, un pouvoir centralisé, issu du modèle postcolonial ; de l’autre, une jeunesse mondialisée et insaisissable. « Ce qui se joue aujourd’hui, ce n’est pas une simple élection, mais la fin d’un mode de gouvernance », analyse un diplomate africain -sous anonymat.

La période post-électorale – l’après proclamation de la présidentielle, le 23 octobre 2025,  s’annonce donc décisive : la manière dont le pouvoir gérera cette tension générationnelle déterminera la stabilité politique, la sécurité régionale et la crédibilité internationale du Cameroun.

Données clés sur la Génération Z au Cameroun (2025)

IndicateurValeur estimée (2025)Source / Référence
Population totale du Cameroun30,2 millions d’habitantsONU, Division Population
Part de la population de moins de 30 ans65 %Banque mondiale
Taille estimée de la Génération Z (1995–2010)5,8 millionsEstimation locale 2025
Taux de pénétration d’Internet52,7 %DataReportal 2025
Nombre d’utilisateurs actifs sur les réseaux sociaux7,3 millionsGSMA / DataReportal
Taux de chômage des jeunes (15–35 ans)32 %Institut national de la statistique (INS)
Nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur400 000UNESCO, 2024
Villes les plus connectéesDouala, Yaoundé, Bafoussam, GarouaMinistère des Postes & Télécoms
Diaspora camerounaise (estimée)1 million de personnesOIM / OCDE
Niveau de confiance dans les institutions publiques (18–30 ans)18 %Afrobarometer 2023

La bataille pour le Cameroun de demain ne se joue plus seulement dans les urnes, mais dans les flux numériques, les récits et les perceptions. La Génération Z, forte de sa maîtrise technologique et de ses réseaux transnationaux, redéfinit les rapports entre gouvernants et gouvernés. Face à elle, les vieilles méthodes de la manipulation, du tribalisme, de l’intimidation et de la peur paraissent désormais obsolètes. Dans ce bras de fer entre l’analogique et le digital, entre l’État-nation et le réseau global, se dessine peut-être le visage de la nouvelle Afrique politique.

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