À moins de trois mois de la présidentielle, Yaoundé annonce la « tolérance zéro » face aux tentatives de manipulation numérique, de sabotage informatique et de déstabilisation du processus électoral.
Le Cameroun entre dans la zone rouge de son cycle électoral. Alors que la présidentielle d’octobre 2025 s’annonce décisive, le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a tapé du poing sur la table. Dans un communiqué officiel publié le 25 juillet, il a averti que toute tentative de perturber l’intégrité du processus électoral – par le piratage, la désinformation ou la manipulation numérique – sera traitée avec une sévérité maximale.
« Le gouvernement de la République ne tolérera, sous aucun prétexte, la moindre atteinte à l’intégrité, à la transparence et à la sérénité du processus électoral en cours », a déclaré le ministre, s’adressant tant à l’opinion nationale qu’internationale. Au cœur de l’alerte : une tentative de piratage des bases de données du ministère, visant à introduire un nom illégal dans le fichier électoral. Qualifié de « sabotage informatique », cet acte est perçu comme une attaque directe contre les institutions républicaines. Les enquêtes mobilisent actuellement les services spécialisés, avec un appui de partenaires techniques internationaux.
Le MINAT cible aussi les campagnes de haine, les fake news et les injures en ligne, notamment contre les institutions et les familles des officiels. « Cet acte malveillant fera l’objet de sanctions exemplaires. L’impunité ne sera ni tolérée, ni acceptée », a insisté Paul Atanga Nji. Au-delà de l’affaire ponctuelle, le gouvernement camerounais place cette réponse dans une stratégie plus large de défense de la souveraineté numérique et électorale, dans une région secouée par des épisodes récents de cyber-ingérence (Nigeria, Tchad, RDC).
Alors que la publication des listes officielles de candidats par ELECAM est attendue dans les jours à venir, la vigilance sera renforcée à tous les niveaux : logistique électorale, surveillance des contenus numériques, cybersécurité des bases de données, et contrôle des narratifs publics. Dans un contexte international où la stabilité des régimes est souvent ciblée par des menaces hybrides, Yaoundé veut envoyer un signal fort : la régularité du scrutin est un enjeu de souveraineté, de sécurité et de légitimité institutionnelle.
FICHE COMPARATIVE – Dispositifs de lutte contre la cybercriminalité électorale en Afrique centrale (2024–2025)
Pays | Cadre légal dédié | Autorité compétente | Mesures spécifiques électorales | Niveau de surveillance | Partenaires techniques |
Cameroun | Loi sur la cybersécurité (2010), Code pénal, décret 2020/163 | Agence nationale des technologies de l’information (ANTIC), MINAT, DGSN | Suivi des réseaux sociaux, traque des faux profils, détection de fausses listes électorales, poursuites judiciaires, surveillance du Cloud MINAT | Élevé (surtout en période électorale) | Interpol, Union européenne, Huawei, Microsoft, ELECAM |
Gabon | Loi 001/2019 sur la cybersécurité | ANINF, Direction générale de la documentation et de l’immigration (DGDI) | Blocage préventif de certains sites, veille électorale numérique, filtrage du contenu en période électorale | Moyen à élevé | OIF, China Telecom, AfriNIC |
Congo-Brazzaville | Loi 002-2020 sur la cybersécurité | Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI) | Formation des juges électoraux au cyberdroit, alerte sur les manipulations numériques, mise sous surveillance des serveurs publics | Moyen | France (ANSSI), Huawei, ONUDC |
Tchad | Ordonnance 007/PR/2022 sur la cybersécurité | ANSC (Agence nationale de sécurité des communications), Agence électorale nationale | Ciblage des fake news, encadrement des cyber-activistes politiques, saisie de matériel de campagne numérique suspect | Faible à moyen | OIF, CEDEAO, Russie (via partenariats technologiques) |
Centrafrique | Loi 18/006 sur la cybersécurité, Code pénal | Ministère de l’Économie numérique, ANE (Autorité nationale des élections) | Alerte sur les deepfakes, filtrage de messages anti-institutionnels pendant le scrutin, faible capacité de détection automatique | Faible | Union africaine, Agence numérique française (AFD) |
Guinée équatoriale | Loi 2021/13 sur la cybercriminalité | Direction générale de la cybersécurité (DGCS), armée | Surveillance militaire du web, filtrage des plateformes d’opposition, blocages temporaires de réseaux sociaux pendant les élections | Très élevé (contrôle étatique) | Chine, Russie, Arabie Saoudite (via partenariats bilatéraux) |
Noël Ndong