Menaces séparatistes, tensions contenues, dialogue espéré : le scrutin reste une épreuve pour l’unité nationale.
Entre dispositifs sécuritaires renforcés, prudente mobilisation citoyenne et volonté politique de dialogue, la campagne électorale se poursuit dans les régions anglophones du Cameroun. Malgré les défis, une dynamique institutionnelle encadrée par l’État semble contenir les risques de débordement.
Dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun, historiquement marquées par la crise anglophone depuis 2016, la campagne pour l’élection présidentielle du 12 octobre 2025 se déroule dans un contexte sensible mais maîtrisé. Face aux appels au boycott lancés par des groupes séparatistes et aux journées de « villes mortes » qui perturbent le quotidien, les autorités ont opté pour un encadrement renforcé du processus électoral.
« Toutes les dispositions ont été prises pour sécuriser les candidats et les électeurs », a assuré Adolphe Lele Lafrique, gouverneur de la région du Nord-Ouest. Le gouvernement camerounais, tout en maintenant une présence militaire dissuasive, mise sur l’apaisement progressif et la normalisation des institutions. Les bureaux de l’organe électoral ELECAM sont ouverts, et plusieurs candidats – notamment du RDPC, du SDF et de l’UNDP – ont déjà organisé des activités dans ces régions.
Malgré un climat de prudence, une mobilisation citoyenne discrète mais réelle se manifeste. Des voix locales appellent à la participation, espérant que cette échéance électorale relancera un dialogue politique structuré. « Ce que nous voulons, c’est la fin des violences et un dialogue franc. Le vote est une étape vers cela », témoigne un journaliste à Bamenda.
Le président sortant Paul Biya, 92 ans, candidat à un huitième mandat, affirme vouloir « préserver l’unité nationale et garantir la stabilité ». Sa campagne, centrée sur la paix et le développement, insiste sur la continuité et l’expérience. De leur côté, ses challengers – Joshua Osih (SDF) et Bello Bouba Maïgari (UNDP) – plaident pour des réformes structurelles, allant d’un fédéralisme renforcé à l’octroi d’un statut spécial aux régions concernées.
« Nous proposons des solutions concrètes pour les régions anglophones : investissements, inclusion et dialogue politique », a déclaré Bello Bouba à Bamenda. Sur le terrain, la stratégie du porte-à-porte et des petits rassemblements sécurisés permet aux partis d’éviter les confrontations tout en assurant leur visibilité. Les populations, bien que prudentes, ne se montrent pas hostiles à l’élection, mais aspirent à des engagements clairs en matière de gouvernance locale, d’éducation, de justice et de développement.
Dans un contexte international marqué par la montée des conflits internes en Afrique, le cas camerounais se distingue par une résilience institutionnelle et une volonté de maintien du cadre républicain, même dans les zones en tension.
Entre défis sécuritaires et signaux d’ouverture
Si la situation demeure fragile, aucun incident majeur n’a été signalé depuis le début de la campagne. La présence active des candidats sur le terrain, les appels à la responsabilité des leaders communautaires, ainsi que la coordination entre acteurs civils et sécuritaires traduisent une volonté de sortie progressive de crise par la voie électorale.
Reste à voir si cette dynamique se confirmera dans les urnes. Mais pour beaucoup d’analystes, l’élection du 12 octobre représente une opportunité politique, pas une fin en soi. C’est un pas – prudent mais réel – vers la stabilisation durable des régions anglophones.