La neuvième édition de la Future Investment Initiative (FII), clôturée à Riyad, marque un tournant géopolitique majeur : l’Afrique s’affirme comme un pilier du nouvel ordre économique et stratégique mondial.
Loin d’être un simple réservoir de matières premières, le continent devient désormais un acteur de puissance, au croisement de la finance, de la technologie et de la sécurité globale.
Le capital mondial se redéploie vers l’Afrique
Sous le thème « La clé de la prospérité », la FII a réuni plus de 8 000 décideurs politiques et économiques venus des grandes puissances et des blocs émergents. Derrière le discours sur la croissance inclusive, se joue une recomposition des rapports de force mondiaux. La rivalité sino-occidentale, la montée en puissance du Golfe comme hub financier et énergétique, et la quête de souveraineté technologique placent désormais l’Afrique au cœur des stratégies d’influence globale.
Les minéraux critiques – cobalt, lithium, cuivre, graphite, terres rares – sont devenus un enjeu central. « L’Afrique doit désormais être copropriétaire de ses ressources et non simple spectatrice », a insisté Richard Attias, Président-Directeur général de la FII. « Il s’agit d’établir de véritables partenariats géo-économiques fondés sur la valeur ajoutée locale, la recherche et la transformation ».
L’intelligence économique au service de la souveraineté africaine
Derrière les discours d’investissement, les acteurs de l’intelligence économique voient émerger une bataille silencieuse pour le contrôle de la donnée, des infrastructures et des flux d’information. Les data centers, les réseaux de télécommunications et les plateformes numériques africaines deviennent des actifs stratégiques aussi sensibles que les gisements miniers.
Dans un contexte d’IA généralisée, la maîtrise de ces infrastructures relève autant de la sécurité nationale que de la compétitivité économique. Cette nouvelle géoéconomie du numérique impose aux États africains de développer leurs propres écosystèmes de veille stratégique, de cybersécurité et d’intelligence économique, afin de ne pas subir la guerre de l’information et des standards technologiques.
Un champ de manœuvre géostratégique mondial
Pour les puissances établies comme pour les émergents, l’Afrique est devenue un terrain d’influence à haute intensité stratégique. Les États du Golfe cherchent à sécuriser des partenariats énergétiques et alimentaires à long terme. La Chine renforce son contrôle sur les chaînes logistiques via des corridors maritimes et ferroviaires.
L’Europe tente de rééquilibrer sa relation en soutenant des projets « verts » et numériques. Les États-Unis, de leur côté, réinvestissent la sphère sécuritaire et technologique du continent dans une logique de containment économique.
Vers une doctrine africaine de puissance économique
L’enjeu pour l’Afrique est désormais de transformer son potentiel en puissance. Le continent détient plus de 60 % des terres arables inexploitées, un réservoir démographique sans équivalent et un espace de souveraineté énergétique encore sous-exploité.
Mais pour convertir ces atouts en levier de puissance, il lui faut une stratégie d’intelligence économique continentale, capable de protéger ses intérêts, ses données et ses savoir-faire.
Le moment africain
La FII 2025 révèle une mutation de fond : le centre de gravité de la mondialisation se déplace. La géoéconomie du XXIᵉ siècle ne se joue plus uniquement à Washington, Bruxelles ou Pékin, mais désormais à Abuja, Nairobi, Kigali et Casablanca. L’Afrique n’est plus la marge des puissances ; elle devient le champ d’équilibre du monde multipolaire.