Cameroun, Tchad, RDC : entre vide stratégique américain et montée en puissance de nouveaux acteurs globaux.
Le 1er juillet 2025, le démantèlement de l’USAID (United States Agency for International Development) est devenu effectif. Cette décision, annoncée dès février par l’administration Trump, a entraîné la suppression de 83 % des programmes mondiaux de l’agence. Pour l’Afrique subsaharienne, c’est un séisme : la région absorbait près de 40 % du budget annuel de l’USAID, soit près de 7,5 milliards USD en 2023. Le Cameroun, le Tchad, la RDC, la Centrafrique ou encore le Congo-Brazzaville sont directement impactés.
Une onde de choc multisectorielle
Au Cameroun, plus de 127 projets étaient en cours en 2024, principalement dans les secteurs de la santé (38 %), de l’éducation (21 %) et du renforcement de la gouvernance locale (17 %). En 2022, l’USAID y finançait encore l’achat de 4,2 millions de doses de vaccins pédiatriques, soutenait 43 ONG locales et contribuait à plus de 18 % des fonds extérieurs de la lutte contre le VIH/Sida.
« Le retrait américain fragilise des systèmes déjà précaires et crée un vide que d’autres puissances chercheront à combler », avertit le politologue camerounais Jean-Paul Nlo’o.
Risques stratégiques et basculement d’influence
Ce désengagement marque un recul net du soft power américain au profit d’acteurs comme la Chine, présente à travers ses infrastructures sanitaires, ou la Russie, via la formation sécuritaire et la coopération militaire. En intelligence économique, cette situation rebat les cartes :
- Perte d’accès à des données stratégiques sur les populations vulnérables ;
- Reconfiguration des flux d’aide et de dépendance (pivot vers les BRICS et le Golfe) ;
- Opportunité d’entrée pour de nouveaux opérateurs privés sur les marchés pharmaceutiques, de la santé digitale, ou de l’agro-alimentaire.
Vers une résilience sous contrainte
Les économies locales, déjà marquées par l’informalité (près de 85 % de l’emploi au Cameroun), doivent s’adapter. En l’absence d’USAID, des mécanismes « plan B » s’activent :
- Autonomisation des ONG nationales pour accéder à d’autres bailleurs (GIZ, UE, Banque islamique de développement) ;
- Mutualisation communautaire des soins de base ;
- Transition vers des modèles de micro-assurance santé.
« Le prochain gouvernement camerounais devra repositionner l’aide au développement comme un levier d’influence et d’attractivité, pas uniquement un filet social », estime Mireille Ngako, experte en intelligence économique à Yaoundé.
Proposition de réponses
Une stratégie nationale de repositionnement pourrait inclure :
- Un cadastre des besoins post-USAID par secteur et par région ;
- Le renforcement de la diplomatie économique, notamment vers les Émirats et l’Inde ;
- Une transparence accrue sur l’aide internationale reçue, pour en optimiser l’impact ;
- L’investissement dans la data santé et sociale, désormais un actif stratégique.
En définitive, la fin de l’USAID ne doit pas être vue uniquement comme une crise, mais comme un test de résilience stratégique pour l’Afrique centrale, et une fenêtre d’opportunité pour redéfinir ses partenariats internationaux.
Noël Ndong