L’influence croissante des Émirats arabes unis (EAU) en Afrique ne se limite plus aux grandes puissances régionales ou aux zones côtières stratégiques.
L’Afrique centrale, longtemps marginalisée dans les dynamiques d’investissements globaux, devient à son tour une zone d’intérêt croissant pour Abou Dhabi. Ce recentrage géographique illustre une ambition claire : étendre leur empreinte à des régions encore peu disputées, tout en sécurisant des ressources et des leviers d’influence politique.
Le Cameroun, avec sa position géostratégique entre l’Afrique de l’Ouest et centrale, attire de plus en plus l’attention émiratie. En 2024, des discussions ont été amorcées autour de projets dans les domaines portuaire, énergétique et agricole. Les Émirats envisagent notamment de moderniser des infrastructures logistiques, via DP World, et d’investir dans l’agriculture irriguée dans le Nord-Cameroun, région confrontée à l’insécurité alimentaire et aux effets du changement climatique. Ce type d’initiative renforce non seulement leur image de partenaire du développement, mais aussi leur présence dans des zones frontalières sensibles, où se jouent des enjeux de sécurité transnationale (extrémisme violent, trafics).
Au niveau régional, les Émirats ont conclu en 2025 un partenariat économique global (CEPA) avec la République centrafricaine, assorti de projets miniers et d’investissements dans les infrastructures. En parallèle, des initiatives sont en préparation autour du Plan national de développement du Tchad, avec l’organisation d’une table ronde à Abou Dhabi. Cette diplomatie économique vise à positionner les Émirats comme des facilitateurs de stabilité dans une région marquée par l’instabilité politique et le désengagement progressif des bailleurs traditionnels.
Sur le plan géoéconomique, ces investissements permettent aux EAU de sécuriser des chaînes d’approvisionnement critiques (or, uranium, agriculture) tout en diversifiant leurs propres relais de croissance. La région, en particulier le Cameroun, constitue un marché en expansion, encore peu saturé, et un point d’ancrage logistique entre Golfe de Guinée et zones sahéliennes.
Enfin, la stratégie des Émirats s’inscrit dans un vide géopolitique croissant. Le retrait progressif de la France, la prudence de la Chine, et les limites de l’engagement américain ouvrent un espace que les Émirats investissent avec rapidité et pragmatisme. Pour les États d’Afrique centrale, notamment le Cameroun, ces partenariats offrent des opportunités financières et diplomatiques, mais posent aussi la question de la soutenabilité sociale, environnementale et politique de cette nouvelle dépendance.