« Nous voulons bâtir une relation assainie, fondée sur le respect mutuel, l’écoute et les intérêts partagés », a déclaré le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye, à l’issue de son entretien avec Emmanuel Macron, le 27 août 2025 à l’Élysée.
Un voyage hautement symbolique dans une relation ancienne
La visite d’État du président Faye à Paris s’inscrit dans un contexte à la fois mémoriel et géostratégique. Depuis l’indépendance du Sénégal en 1960, la France a entretenu une relation spéciale, souvent qualifiée de « privilégiée », avec Dakar – autrefois capitale de l’Afrique-Occidentale française (AOF). Léopold Sédar Senghor, premier président sénégalais, avait misé sur une coopération franco-sénégalaise forte, notamment dans les domaines militaire, éducatif et monétaire.
Cette relation, bien que restée stable pendant des décennies, a été régulièrement critiquée pour son asymétrie. La visite du président Faye, premier chef d’État issu d’une alternance radicale et anti-système, intervient alors que le continent africain reconfigure en profondeur ses partenariats extérieurs.
Sécurité : la fin d’une présence militaire continue depuis 1960
Le retrait complet des troupes françaises du Sénégal en juillet 2025 met un terme à plus de six décennies de présence militaire permanente. Depuis 2011, seule une coopération résiduelle était maintenue via la base de Ouakam (rebaptisée Camp Dial Diop). Avec la restitution des derniers sites à l’armée sénégalaise, la coopération militaire se recentre sur la formation (cyberdéfense, lutte anti-terroriste), sans présence étrangère permanente.
« C’est une souveraineté retrouvée, sans rupture brutale », analyse un diplomate africain à Paris. Dans un contexte de rejet croissant de la présence militaire étrangère en Afrique de l’Ouest, cette approche graduelle distingue le Sénégal de ses voisins sahéliens.
Économie : vers un partenariat rééquilibré
La France reste un partenaire majeur : plus de 450 entreprises françaises sont actives au Sénégal, représentant près de 12 % des importations du pays et 17 % des IDE (investissements directs étrangers). Le président Faye a rencontré le patronat français au MEDEF pour plaider un nouveau modèle de partenariat, tourné vers la jeunesse, la technologie et la souveraineté productive. L’ambition est claire : réorienter la coopération économique vers l’investissement productif, les infrastructures durables, les énergies renouvelables, l’économie numérique et la formation qualifiante.
Mémoire : le dossier Thiaroye comme test de sincérité
La visite a aussi remis sur la table la question du massacre de Thiaroye (1944), au cours duquel plusieurs dizaines de tirailleurs sénégalais furent abattus par l’armée française après avoir réclamé leur solde. Le président Faye a réitéré sa demande de reconnaissance officielle et de déclassification des archives. Ce geste serait, selon lui, « une étape nécessaire pour tourner la page de la relation postcoloniale ».
Vers un nouveau pacte franco-sénégalais ?
La visite de Bassirou Diomaye Faye pourrait bien marquer un tournant historique dans les relations entre Paris et Dakar. Moins idéologique que celle du Mali ou du Burkina Faso, plus structurée que celle du Niger, la diplomatie sénégalaise actuelle veut s’affirmer souveraine sans être hostile, coopérative sans être dépendante.