Alors que le Conseil constitutionnel examine les recours, l’opposition peine à incarner une alternative unie face à un RDPC solidement enraciné.
L’audience publique du Conseil constitutionnel s’est ouverte ce lundi dans une atmosphère lourde d’enjeux et de tensions politiques. Les 11 juges ont entre les mains l’avenir immédiat de l’élection présidentielle prévue le 12 octobre. Pourtant, derrière l’apparente rigueur juridique des 35 recours à examiner, une interrogation plus vaste traverse les esprits : la présidentielle n’est-elle pas déjà perdue pour l’opposition, avant même le début de la campagne ?
Le rejet de plusieurs candidatures, dont celle très médiatisée de Maurice Kamto, a mis en lumière les failles internes des partis d’opposition. Le cas du Manidem -qui a investi deux candidats, provoquant l’invalidation de l’un et de l’autre -illustre les pièges internes que certains dénoncent comme « téléguidés », d’autres comme l’expression d’une désorganisation chronique. Le parti affirme que la seconde candidature, celle de Dieudonné Yebga, aurait été « artificiellement fabriquée » pour écarter Mauric Kamto. Une accusation grave qui révèle un climat de suspicion généralisée.
« Il faut se demander si nous n’avons pas été nos propres fossoyeurs », souffle, sous anonymat, un cadre d’un parti allié de l’opposition. Car au-delà des irrégularités alléguées, c’est l’incapacité des forces d’opposition à construire un front uni qui alimente le fatalisme ambiant. Chacun y va de son projet, de sa stratégie, de ses ambitions. Le résultat : une dispersion qui profite au RDPC, toujours discipliné, organisé, et bénéficiant d’une maîtrise institutionnelle établie.
Pendant ce temps, la candidature du président Paul Biya, validée sans surprise, continue de susciter des contestations. Trois recours ont été introduits pour contester sa légalité, mais sans qu’aucun ne semble pouvoir remettre en cause sa participation. « Le Conseil constitutionnel est appelé à faire preuve d’une sagesse supérieure aux circonstances », estime un politologue camerounais. « Il ne s’agit pas de condamner ou d’absoudre, mais de restaurer une forme de confiance dans le processus ».
La salle du Palais des Congrès est pleine. Avocats, journalistes, observateurs internationaux et citoyens engagés y voient un théâtre où se joue la crédibilité démocratique du pays. Et pourtant, le sentiment dominant reste celui d’un déséquilibre structurel. L’opposition camerounaise, en plus d’affronter un appareil étatique rôdé, doit composer avec des rivalités internes, une méfiance mutuelle entre leaders, et une absence de stratégie commune.
« Sans alliance claire, sans programme partagé, sans mécanisme de protection mutuelle, que peut vraiment espérer l’opposition ? », interroge un juriste proche de la société civile. Il ajoute : « Tant que chaque candidat pense pouvoir incarner seul l’alternative, l’alternance restera une illusion ».
Le Conseil constitutionnel, en publiant prochainement la liste définitive des candidats, tranchera sur le droit. Mais la politique, elle, semble avoir déjà rendu son verdict provisoire : en l’absence d’un front uni, l’opposition risque encore une fois de se heurter à un mur. À moins d’un sursaut stratégique d’ici octobre – ou d’un choix courageux des électeurs.
Reste à savoir si ce scrutin sera un exercice de légitimation ou un réel moment démocratique. Une question à laquelle seuls les juges, les partis… et le peuple camerounais peuvent encore répondre.