Tournée africaine : Emmanuel Macron face au nouveau champ de bataille des influences

Du 20 au 24 novembre, Emmanuel Macron s’engage dans une tournée africaine dense et stratégique qui le conduira à Maurice, en Afrique du Sud, au Gabon et en Angola.

Un périple soigneusement orchestré, porté par deux sommets structurants — le G20 à Johannesburg et le rassemblement UE–UA à Luanda — mais aussi par une nécessité politique : redéfinir la place de la France dans un continent où son influence recule, parfois brutalement.
Transformer la relation avec l’Afrique n’est plus un slogan ; c’est devenu pour Paris une question de crédibilité internationale.

Depuis 2017, la diplomatie macronienne tente de promouvoir une relation “post-Françafrique”, fondée sur des partenariats équilibrés, la jeunesse, l’innovation et la souveraineté des États africains. Mais la réalité est plus rugueuse : effondrement de la présence française au Sahel, montée des régimes militaires, percée spectaculaire de la Russie via Africa Corps, domination infrastructurelle de la Chine, affirmation régionale de la Turquie, retour actif des monarchies du Golfe. Dans ce contexte, chaque escale de la tournée possède une valeur géopolitique distincte et une signification stratégique précise.


1. Maurice : l’océan Indien comme profondeur stratégique française

Enjeux clés : sécurité maritime, rivalités indo-pacifiques, diplomatie de voisinage

Macron ouvre sa tournée à l’île Maurice les 20 et 21 novembre, première visite d’un président français depuis 1993. L’objectif dépasse largement la relance d’une relation bilatérale jugée “distendue” depuis une décennie : il s’agit de réaffirmer la présence française dans l’océan Indien, région devenue un nœud stratégique majeur entre les puissances.

Le contexte régional est marqué par l’augmentation des trafics illicites — drogues, pêche illégale, flux migratoires clandestins — mais aussi par une militarisation progressive de la zone, liée à la compétition entre la Chine, l’Inde et les États-Unis pour le contrôle des routes maritimes.
La France, présente via La Réunion et Mayotte, entend maintenir son rôle d’acteur indo-pacifique.

Au programme :

  • supervision d’un exercice militaire FAZSOI–garde-côtes mauriciens, vitrine de la coopération sécuritaire ;
  • renforcement de la surveillance maritime régionale ;
  • relance du dialogue politique avec Navin Ramgoolam ;
  • consolidation des liens avec les territoires français de l’océan Indien.

À Maurice, Macron agit comme un président “indo-pacifique”, cherchant à installer la France comme force d’équilibre face à la montée de Pékin dans l’archipel.


2. Afrique du Sud : diplomatie économique et influence globale

Enjeux clés : G20, gouvernance économique mondiale, industrialisation africaine, équilibre stratégique

Les 22 et 23 novembre, Emmanuel Macron se rend en Afrique du Sud pour ce qui constitue le cœur géopolitique de sa tournée : le premier G20 jamais organisé en Afrique. La rencontre, marquée par l’absence significative des États-Unis, illustre les tensions et recompositions de l’ordre mondial. Paris souhaite y défendre :

  • une réforme de la gouvernance financière internationale ;
  • un allègement du fardeau de la dette africaine ;
  • des mécanismes de financement de la transition énergétique ;
  • des partenariats industriels “mutuellement bénéfiques”.

Emmanuel Macron y rencontrera Cyril Ramaphosa et lancera un Conseil d’affaires franco–sud-africain, destiné à booster les échanges économiques, notamment dans l’énergie, les infrastructures, les transports, et le numérique. Sur le plan symbolique, la visite au Freedom Park de Pretoria rappelle la dimension mémorielle et politique du partenariat franco–sud-africain.

En marge, une rencontre informelle avec Abdelmadjid Tebboune est envisagée : un signe d’apaisement après les crispations persistantes entre Alger et Paris, renforcé par la récente grâce accordée à Boualem Sansal. C’est aussi une manœuvre de realpolitik : Alger reste indispensable sur les dossiers méditerranéens, migratoires et sahéliens.

L’Afrique du Sud, puissance africaine majeure des BRICS, représente pour Paris un partenaire d’équilibre, alors que le centre de gravité diplomatique africain se déplace vers des alliances multipolaires.


3. Gabon : stabilisation politique, transition et diplomatie environnementale

Enjeux clés : normalisation post-coup d’État, ressources stratégiques, influence industrielle, transition écologique

Les 23 et 24 novembre, Macron se rendra à Libreville pour marquer un soutien prudent à la transition engagée par le général Brice Oligui Nguema après la chute d’Ali Bongo en 2023. Paris, longtemps associée au système Bongo, cherche à rééquilibrer sa position et à consolider ses intérêts économiques. Les entreprises françaises – notamment Eramet (manganèse, nickel) et Suez (eau, assainissement) – sont cruciales dans l’économie gabonaise et ciblées par la concurrence asiatique.

Cette visite intervient alors que le Gabon connaît un moment politique sensible : la condamnation de neuf ex-collaborateurs de la famille Bongo pour corruption massive et détournement de près de 7,5 milliards d’euros. Un procès historique, révélateur de l’ampleur des dérives de l’ancien régime.

Emmanuel Macron annoncera à Libreville la création d’une École nationale de sécurité environnementale, pierre angulaire de la stratégie française dans le bassin du Congo — deuxième poumon écologique mondial, enjeu climatique crucial et terrain de compétition croissante entre puissances. Le Gabon offre à Emmanuel Macron l’opportunité de montrer que la France peut accompagner les transitions politiques africaines sans s’immiscer dans les affaires internes.


4. Angola : la bataille mondiale des infrastructures et des ressources

Enjeux clés : Global Gateway, compétition Chine–Europe, énergie, agriculture, corridors logistiques

Dernière étape, le 24 novembre : Luanda, où se tient un sommet Union européenne – Union africaine consacré au suivi du programme Global Gateway, réponse européenne aux Nouvelles routes de la soie chinoises. L’objectif :

  • investir 150 milliards d’euros dans des infrastructures africaines ;
  • sécuriser les chaînes logistiques critiques ;
  • développer des partenariats énergétiques ;
  • contrer l’influence chinoise devenue dominante dans les ports, routes, barrages et télécommunications.

L’Angola, producteur majeur de pétrole et pays à la démographie en forte croissance, est un terrain d’influence essentiel, où Paris veut consolider son rôle dans l’ingénierie, l’énergie renouvelable, l’agro-industrie et la formation.


Une tournée pour rester un acteur pivot dans un continent en recomposition

Plus qu’une séquence diplomatique, cette tournée est une opération de positionnement stratégique. Dans un continent où les jeux d’influence se renouvellent à grande vitesse, la France doit désormais prouver qu’elle peut être un partenaire fiable, non dominateur, utile et visionnaire.

Pour Emmanuel Macron, l’enjeu n’est pas seulement de renouer : c’est de rester dans la partie, et d’y peser encore.

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