UNESCO : Matoko face à El-Enany – vision globale contre revendication régionale

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À quelques mois du choix du nouveau Directeur général de l’UNESCO, deux candidatures du Sud cristallisent une opposition de fond : celle d’un universalisme réformateur face à une diplomatie régionale structurée. Le Congolais Firmin Edouard Matoko – 35 ans à l’Unesco – et l’Égyptien Khaled El-Enany incarnent deux visions du rôle de l’UNESCO dans un monde en recomposition.

Une bataille de candidatures, mais surtout une bataille d’idées. L’UNESCO, gardienne du patrimoine mondial, de l’éducation pour tous et de l’éthique scientifique, entre dans une phase cruciale. Le mandat d’Audrey Azoulay touche à sa fin, et les États membres s’apprêtent à désigner son successeur. Deux figures issues du Sud s’imposent : le diplomate congolais Firmin Edouard Matoko, sous-directeur général de l’Unesco en charge de l’Afrique de 2019 à 2025, et l’ancien ministre égyptien de la Culture, Khaled El-Enany, soutenu par la Ligue arabe.

Or, ces candidatures ne sont pas seulement concurrentes. Elles sont conceptuellement opposées.

Représentation ou refondation ?

Dans une déclaration conjointe publiée en juillet 2025, les pays arabes ont justifié leur soutien à El-Enany par « l’absence historique d’un Arabe à la tête de l’UNESCO ». Un argument de rattrapage symbolique, qui soulève une question diplomatique majeure : les institutions multilatérales doivent-elles fonctionner par rotation régionale, ou par mérite et projet ?

Firmin Edouard Matoko, lui, défend une candidature détachée des logiques de quotas. Pour ce diplomate expérimenté – il aura passé 35 ans à l’Unesco -, le véritable enjeu est de réaffirmer l’UNESCO comme plateforme universelle, au service de tous, « sans assignation identitaire ni logique de blocs ».

Deux trajectoires, deux philosophies

-Khaled El-Enany, archéologue et universitaire respecté, ancien ministre, incarne une diplomatie structurée par les intérêts collectifs de la Ligue arabe. Sa campagne repose sur une logique de « tour de rôle » au sommet des organisations internationales.

-Firmin Edouard Matoko, 35 ans à l’UNESCO, sous-directeur général pour la priorité Afrique de 2019 à 2025, porte une vision réformiste : décoloniser les savoirs sans créer de blocs régionaux, renforcer les capacités internes de l’UNESCO, et intégrer pleinement le numérique, l’éthique de l’IA, et l’éducation inclusive dans une gouvernance culturelle mondiale.

Un choix stratégique pour l’Afrique et au-delà

Un diplomate africain en poste à Paris affirme : « L’Afrique ne doit pas se réduire à une revendication d’identité ou de rattrapage historique […]. Elle a une voix singulière, mais aussi une responsabilité universelle ». Par ailleurs, le soutien à Firmin Edouard Matoko dépasse les clivages géopolitiques : il est vu comme une candidature d’équilibre, capable de rassembler les continents autour d’une gouvernance de la culture, de la paix et de l’innovation.

Ce duel reflète aussi une crise de l’universalité, dans un système multilatéral de plus en plus fragmenté. Pour nombre d’observateurs, l’UNESCO a besoin d’un dirigeant qui dépasse les blocs et incarne une diplomatie de projet, non de quota.

Rappel historique

L’UNESCO, née sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale, repose sur une logique d’universalisme culturel et de coopération transnationale – non sur une logique de quotas régionaux. En ce sens, le raisonnement de Khaled El-Enany, perçu comme une revendication de tour de rôle géopolitique, risque d’entrer en contradiction avec l’esprit même de l’UNESCO, qui valorise la diversité sans assigner les postes de direction à des identités collectives. La gouvernance mondiale ne peut se bâtir sur la compensation des absences passées, mais sur la qualité du projet porté et la capacité à fédérer au-delà des appartenances.

Enjeux géopolitiques et culturels

Sur le plan géopolitique,  le soutien de la Ligue arabe à El-Enany pourrait fracturer les équilibres au sein du Groupe africain, traditionnellement uni dans les négociations UNESCO. Sur le plan culturel,  la vision d’Edouard Firmin Matoko ouvre une réflexion sur l’accès égal aux cultures, aux langues et aux connaissances, y compris dans le numérique. Enfin sur le plan stratégique, le prochain Directeur général de l’UNESCO devra gérer la transition technologique, la polarisation Nord-Sud, et les tensions entre souveraineté et patrimoine partagé.

Des questionnements

Faut-il élire un Directeur général pour réparer une absence historique, ou pour bâtir un avenir commun ? faut-il représenter les régions ou repenser les équilibres culturels mondiaux ? En juillet dernier, Firmin Edouard Matoko déclarait :  « Le prochain dirigeant de l’UNESCO doit restaurer la confiance dans le multilatéralisme culturel. Pas en redistribuant les postes, mais en redonnant du sens au projet commun ». En défendant une approche universaliste, Firmin Edouard Matoko redonne à l’UNESCO son ambition originelle : unir l’humanité non autour d’identités fixes, mais autour de valeurs partagées et d’idées en mouvement.

La décision attendue fin 2025 sera scrutée de près. Plus qu’un choix de personne, c’est un test pour la capacité de l’UNESCO à se réinventer sans se fragmenter. L’Afrique, aujourd’hui au cœur du débat, pourrait bien redonner au multilatéralisme son souffle universel, l’âme même  de l’Organisation.  A lire son projet, cette ambition semble habiter Firmin Edouard Matoko.

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