La Russie renforce son ancrage stratégique au Niger en misant sur l’exploitation de l’uranium et le développement du nucléaire civil, dans un contexte de redéfinition des partenariats post-coloniaux.
La visite officielle du ministre russe de l’Énergie, Sergueï Tsiviliov, à Niamey, marque un tournant diplomatique majeur. « Notre but principal, c’est d’exploiter l’uranium et de créer un système entier autour du nucléaire civil« , a-t-il déclaré. Cette annonce s’inscrit dans une dynamique géostratégique claire : renforcer l’influence russe en Afrique de l’Ouest au détriment des partenaires occidentaux traditionnels.
Le Niger, détenteur de plus de 60 millions de livres de réserves prouvées d’uranium et producteur de 3 527 tonnes en 2023 (soit 6,3 % de la production mondiale selon GlobalData), représente un levier stratégique pour Moscou. Le mémorandum signé entre Rosatom et le ministère nigérien de l’Énergie prévoit une coopération élargie, allant de l’extraction à la valorisation énergétique.
Depuis le coup d’État de juillet 2023, les autorités militaires de Niamey, dirigées par le général Tiani, cherchent à diversifier leurs partenaires en rompant avec les anciennes dépendances. En juin 2025, la nationalisation de Somaïr – ex-filiale du groupe français Orano – symbolisait déjà cette volonté de réappropriation souveraine des ressources.
Pour Moscou, ce partenariat s’inscrit dans une logique d’« alignement stratégique Sud-Sud » face à l’ordre énergétique occidental. « Il ne s’agit plus de simples accords miniers, mais de créer une filière nucléaire intégrée », affirme un analyste en intelligence économique à Moscou. L’absence de commentaire d’Orano, évincé du pays, souligne l’embarras de l’industrie française face à la recomposition géopolitique en cours.
Le partenariat russo-nigérien sur l’uranium cristallise un double basculement : celui d’une Afrique qui revendique la maîtrise de ses ressources et celui d’une Russie qui capitalise sur le vide laissé par l’Occident. Ce réalignement, à la fois énergétique, politique et stratégique, redéfinit les équilibres dans le Sahel, au cœur de la compétition mondiale pour les matières premières critiques.