
La justice américaine relance la question des complicités étrangères.
Une décision de justice rendue récemment pourrait relancer l’un des volets les plus sensibles du dossier des attentats du 11 septembre 2001 : la possible implication de ressortissants saoudiens dans l’aide logistique apportée aux terroristes. Le juge fédéral George B. Daniels a autorisé la poursuite d’une action en justice contre le Royaume d’Arabie saoudite, engagée depuis plus de 20 ans par des familles de victimes.
Au cœur du dossier : deux hommes, Omar al-Bayoumi et Fahad al-Thumairy, tous deux liés à des institutions saoudiennes, accusés d’avoir facilité l’installation de deux des pirates de l’air en Californie. Bayoumi aurait notamment aidé les terroristes à trouver un logement à San Diego, filmé des sites sensibles à Washington, et détenait un schéma manuscrit suggérant des calculs de trajectoires aériennes.
Les avocats de l’Arabie saoudite réfutent toute implication de l’État, affirmant que ces gestes relevaient de la simple hospitalité envers des compatriotes. Mais selon le juge Daniels, les éléments circonstanciels sont « suffisants pour permettre à une cour de conclure raisonnablement » à une coordination possible avec des autorités saoudiennes.
Un combat judiciaire de longue haleine
Depuis 2002, les proches des victimes tentent d’ouvrir un procès contre l’Arabie saoudite. Ce n’est qu’en 2016, avec l’adoption de la loi JASTA (Justice Against Sponsors of Terrorism Act), que de telles poursuites ont été rendues possibles en assouplissant l’immunité des États étrangers dans les cas de terrorisme.
L’apparition de nouvelles preuves, dont une vidéo tournée par Bayoumi en 1999 montrant des sites fédéraux américains, et un dessin d’avion comportant des annotations techniques, a contribué à faire avancer le dossier. Ces documents, longtemps conservés par les services britanniques, n’ont été transmis aux familles que récemment.
Vers une réécriture de l’histoire officielle ?
Officiellement, la commission d’enquête sur le 11 septembre n’avait trouvé aucune preuve d’un soutien gouvernemental étranger aux attentats. Mais les familles des victimes, soutenues par certains élus, estiment que de nombreuses zones d’ombre subsistent. « Nous avons toujours dit que des éléments du gouvernement saoudien étaient impliqués. Ce procès est notre chance de faire éclater la vérité », a déclaré Brett Eagleson, dont le père est mort dans les tours jumelles.
Un enjeu diplomatique majeur
L’Arabie saoudite, alliée clé des États-Unis au Moyen-Orient, se retrouve une nouvelle fois sous pression. Si le procès avance, il pourrait avoir des répercussions politiques et diplomatiques importantes, notamment à l’heure où les deux pays coopèrent étroitement sur les questions énergétiques et régionales. Le Royaume, de son côté, reste silencieux : ni l’ambassade saoudienne à Washington ni ses représentants légaux n’ont souhaité commenter la décision du juge.
En ce 24e anniversaire des attentats, cette affaire ravive la douleur des familles et relance les débats sur les responsabilités indirectes, longtemps évitées, dans l’un des événements les plus traumatisants de l’histoire américaine contemporaine.
Ce qui s’est passé le 11 septembre 2001
- 4 avions ont été détournés par 19 pirates de l’air liés à Al-Qaïda.
- 2 ont percuté les tours jumelles du World Trade Center à New York.
- 1 a frappé le Pentagone à Washington.
- 1 s’est écrasé à Shanksville (Pennsylvanie) après une révolte des passagers.
- Bilan humain : 2 977 morts (sans compter les terroristes), dont 441 secouristes.