413 milliards de dollars. C’est la somme vertigineuse que représentent les fortunes cumulées de huit milliardaires américains d’origine africaine, selon les derniers chiffres publiés par Forbes.
Dans un pays qui compte 125 milliardaires d’origine étrangère, ces huit figures issues du continent africain incarnent une influence économique croissante, mais aussi une présence stratégique dans la finance, la tech, la santé, les infrastructures ou encore les médias. « Leur succès n’est pas que financier, il est aussi symbolique d’un changement d’époque où les diasporas deviennent des acteurs globaux », souligne Fiona Chao, économiste à la Brookings Institution.
Une puissance incarnée par Elon Musk
Le cas le plus emblématique est Elon Musk, originaire d’Afrique du Sud, aujourd’hui homme le plus riche du monde avec une fortune estimée à 393 milliards de dollars. À lui seul, il représente 30 % de la richesse totale des milliardaires américains d’origine étrangère, selon Forbes. Ses entreprises, Tesla, SpaceX, Neuralink ou encore xAI, redéfinissent à la fois les mobilités, l’espace et l’intelligence artificielle. « L’Afrique du Sud m’a donné la résilience, l’Amérique m’a donné le terrain de jeu », a-t-il déclaré dans une interview accordée à Financial Times.
Des parcours transnationaux, des leviers globaux
Derrière Elon Musk, on retrouve Patrick Soon-Shiong (5,6 Mds $), entrepreneur en biotechnologie né en Afrique du Sud de parents chinois. Son invention de l’Abraxane, traitement contre plusieurs formes de cancer, illustre la puissance de l’innovation migrante. Suit Rodney Sacks (3,6 Mds $), juriste sud-africain devenu le roi des boissons énergétiques aux États-Unis avec Monster Beverage, une marque valorisée à près de 60 milliards de dollars. L’Égypte est représentée par Haim Saban (3,1 Mds $), investisseur et magnat des médias, connu pour avoir introduit les Power Rangers dans les foyers américains et dirigé Saban Capital Group, très actif dans le capital-risque et les fusions-acquisitions.
Des Nigérians influents dans la finance et la tech
Le Nigeria, première économie d’Afrique, compte deux noms sur cette liste :
- Adebayo Ogunlesi (2,4 Mds $), banquier international et président de Global Infrastructure Partners, un fonds de 100 Mds $ ayant des participations dans des ports, aéroports (dont Gatwick) et pipelines.
- Tope Awotona, fondateur de Calendly, plateforme de gestion de rendez-vous valorisée à plus de 3 milliards de dollars, représente la nouvelle génération de tech entrepreneurs afro-américains.
Le Maroc et le Kenya dans l’arène
Le Marocain Marc Lasry (1,9 Mds $), fondateur du hedge fund Avenue Capital. Il a notamment été conseiller économique de Bill Clinton et a figuré dans le top 50 des figures les plus influentes de Wall Street. Enfin, Bharat Desai, né à Mombasa (Kenya), cofondateur de Syntel, entreprise de services technologiques revendue pour 3,4 milliards de dollars à Atos. Sa fortune est estimée à 1,6 milliard $.
Une diaspora qui pèse sur les choix stratégiques
Ces fortunes ne se limitent pas à leur portefeuille. Elles influencent les flux d’investissement vers l’Afrique, soutiennent des incubateurs technologiques, financent des programmes éducatifs, et modèlent les perceptions politiques. « Ces milliardaires sont les ambassadeurs silencieux d’un soft power afro-américain émergent, qui redéfinit la notion même d’influence économique », note l’analyste en intelligence économique, Fatou Diarra.
Comparatif chiffré (budget vs fortunes privées)
Pays africain | Budget annuel 2024-2025 (en USD) | Comparaison |
Nigeria | 41 milliards USD | 10 fois inférieur aux 413 Mds $ |
Afrique du Sud | 88 milliards USD | ≈ 4,7 fois inférieur |
Égypte | 131 milliards USD | ≈ 3 fois inférieur |
Côte d’Ivoire | 15,5 milliards USD | ≈ 26 fois inférieur |
Kenya | 23 milliards USD | ≈ 18 fois inférieur |
Maroc | 58 milliards USD | ≈ 7 fois inférieur |
Cameroun | 10,6 milliards USD | ≈ 39 fois inférieur |
RDC | 17 milliards USD | ≈ 24 fois inférieur |
Mali | 5,5 milliards USD | ≈ 75 fois inférieur |
Burkina Faso | 4,3 milliards USD | ≈ 96 fois inférieur |
À 413 milliards de dollars, la fortune cumulée de ces 8 individus dépasse largement le budget combiné de plus de 30 pays africains. Elle équivaut à environ 28 % du PIB du continent africain (≈ 1 500 milliards $). Le seul Elon Musk (393 Mds $) possède une fortune plus élevée que les budgets de l’Égypte, du Nigeria et de l’Afrique du Sud réunis. Alors que l’Afrique ne compte actuellement qu’une vingtaine de milliardaires sur son sol.
Diplomatie & géoéconomie
« Ces chiffres soulignent à quel point la richesse des diasporas peut potentiellement transformer les économies africaines – si des mécanismes de transfert, d’investissement ou de partenariat étaient activés », a déclaré Omar Benjelloun, économiste du développement. La diaspora africaine en Occident, en particulier aux États-Unis, détient un pouvoir économique équivalent à des États. Cette concentration de capital chez les privés interroge sur le rôle potentiel de ces fortunes dans les politiques de développement, d’investissement stratégique ou de diplomatie économique Sud-Sud. Leur réussite reflète non seulement la force d’intégration des élites migrantes dans l’économie américaine, mais aussi le potentiel inexploité du capital humain africain dans les chaînes de valeur mondiales.
Noël Ndong