21 juillet 2025

Cameroun/Intelligence Artificielle : une ambition réaliste ou un mirage numérique ?

Lancée début juillet par la ministre des Postes et Télécommunications, Minette Libom Li Likeng, la Stratégie Nationale d’Intelligence Artificielle (SNIA) du Cameroun propose une transformation numérique ambitieuse à l’horizon 2040. Mais cette vision peut-elle réellement être mise en œuvre ? Et à quel coût ? Un écart entre ambition et capacités actuelles Le plan prévoit la création d’un GPT multilingue camerounais, 15 nœuds d’Edge Computing à énergie solaire, et la formation de 4 000 spécialistes IA par an via 5 centres d’excellence. Or, le budget initial global estimé avoisinerait 400 à 600 milliards FCFA (environ 650 à 1 milliard USD sur 15 ans) selon les premières analyses d’experts en politiques publiques numériques. À titre de comparaison, le Cameroun consacre aujourd’hui moins de 0,8 % de son PIB à la recherche et au numérique combinés. Infrastructures insuffisantes Le pays accuse encore un retard critique en connectivité (pénétration Internet de 34 % en 2025 selon DataReportal), et une capacité énergétique fragile (taux d’électrification rural à 28 %). Déployer des centres IA alimentés à l’énergie solaire nécessite non seulement des investissements lourds, mais aussi des compétences techniques peu disponibles localement à grande échelle. Formation : l’autre pilier incertain Former 4 000 experts par an représenterait près de 20 % de la capacité actuelle des universités technologiques du Cameroun. Le défi est donc autant financier qu’organisationnel. L’État devra s’appuyer sur des partenariats public-privé et une coopération accrue avec des institutions internationales (AFD, BAD, Banque mondiale). Positionnement géopolitique en Afrique centrale Politiquement, la SNIA sert aussi de levier pour positionner le Cameroun comme leader technologique régional, face à un environnement sous-régional encore peu structuré en matière d’IA. Mais sans coordination active avec ses voisins (Congo, Gabon, Tchad), la promesse d’un réseau IA d’Afrique centrale pourrait rester théorique. La stratégie camerounaise d’IA est visionnaire, mais sa réalisation dépendra d’un alignement rare entre volonté politique, financements durables, infrastructures numériques, et capital humain. Si ces conditions sont réunies, le Cameroun pourrait devenir un véritable hub technologique régional. Sinon, la SNIA risque de rester un catalogue d’intentions sans transformation concrète. Noël Ndong

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Afrique centrale & Cameroun : une croissance démographique à double tranchant

Alors que la population mondiale devrait atteindre environ 10 milliards d’habitants d’ici 2050, l’Afrique centrale enregistre l’une des croissances les plus rapides au monde. Selon les projections démographiques actualisées de l’ONU (2024), la population de l’Afrique centrale atteindra près de 260 millions d’habitants en 2050, contre environ 183 millions en 2025. Cette région, qui regroupe notamment le Cameroun, le Tchad, la RCA, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et la RDC, sera un des foyers majeurs de la croissance africaine. Cameroun : un doublement en perspective Avec 28,6 millions d’habitants en 2025, le Cameroun pourrait franchir le cap des 50 millions à l’horizon 2050, si les tendances actuelles se maintiennent. Ce dynamisme s’explique par un taux de fécondité moyen de 4,3 enfants par femme, bien au-dessus de la moyenne mondiale (2,3). Le pays est aujourd’hui l’un des plus peuplés de la région, juste derrière la RDC. Dynamique urbaine et pression sur les infrastructures Plus de 60 % de la population camerounaise vivra en milieu urbain d’ici 2040, contre 57 % aujourd’hui. Les villes comme Douala, Yaoundé ou Garoua deviennent des pôles de pression démographique, avec une jeunesse massive (plus de 60 % ont moins de 25 ans) et des besoins accrus en éducation, santé, emploi et logement. Vers un rééquilibrage mondial Si le vieillissement s’accélère en Europe et en Asie – où les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 18 ans dès 2080-, l’Afrique centrale, elle, restera jeune et dynamique, mais confrontée à un défi d’insertion sociale et économique. « Cette jeunesse, c’est un dividende démographique, mais seulement si l’investissement dans le capital humain suit », avertit un expert démographe de la CEA. Le Cameroun et l’Afrique centrale s’inscrivent dans un futur où leur poids démographique pèsera lourd sur la scène économique et géopolitique. La vraie question n’est pas combien ils seront, mais dans quelles conditions ils vivront. Noël Ndong

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Cameroun : restitution des biens culturels, enjeux, jurisprudence et perspectives

Le Cameroun multiplie aujourd’hui les initiatives en faveur du rapatriement des biens culturels exportés pendant la colonisation – en particulier vers la France et l’Allemagne. Parmi les artefacts emblématiques visés se trouve le « Dzom So’o », masque initiatique Fang‑Beti conservé à Munich, objet central des négociations en cours entre Yaoundé et les autorités germanophones. Un comité interministériel, créé en 2022, coordonne ces démarches. Une délégation officielle a récemment visité Berlin, Stuttgart et Brême pour identifier plus de 40 000 objets camerounais en Allemagne, dont plus de 2 700 à Brême, et entamer les négociations de restitution. Cadre juridique international : conventions et prescription Le Cameroun s’appuie sur les conventions de 1970 (UNESCO) et de 1995 (UNIDROIT), ratifiées pour encadrer les demandes de restitution des biens « volés ou illicitement exportés ». Ces textes prévoient des obligations de diligence et un délai d’action légal (généralement entre trois et cinquante ans) pour engager des procédures de retour. Perceptions diplomatiques et contextes institutionnels Les Camerounais tels que le Prince Kum’a Ndumbe III dénoncent une gestion bureaucratique déséquilibrée du processus : le comité interministériel, jugé peu inclusif, serait dominé par des fonctionnaires, sans intégration suffisante des acteurs culturels et des communautés concernées. Enjeux géopolitiques, diplomatiques et de mémoire La restitution est à la fois un acte symbolique de reconnaissance et une exigence diplomatique. La France a entamé une réforme législative en 2020 pour faciliter les retours, mais a limité ses engagements à certaines anciennes colonies comme le Bénin et le Sénégal, laissant le Cameroun en marge. Malgré cela, un fonds franco-allemand de 2,1 millions d’euros soutient aujourd’hui des recherches de provenance sur les objets africains, priorisant les anciennes colonies allemandes (dont le Cameroun), dans le but d’éclairer les négociations à venir. La restitution des biens culturels camerounais est un enjeu juridique et diplomatique majeur. Le succès dépendra de la rigueur des inventaires, du respect des conventions internationales, et d’une approche inclusive et participative. Le chemin vers la restitution est encore long, mais la détermination de Yaoundé, alliée au mouvement global pour la mémoire décoloniale, ouvre une nouvelle ère dans la gestion du patrimoine africain. Noël Ndong

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Cameroun : l’État trace le mobile money pour asseoir sa souveraineté budgétaire

Dans un contexte de mutation numérique accélérée, le gouvernement camerounais déploie une nouvelle stratégie de traçabilité fiscale des flux issus du mobile money. Objectif : lutter contre les sous-déclarations, améliorer la transparence financière et sécuriser des recettes publiques indispensables. Une réforme qui, au-delà de sa dimension technique, revêt une portée géopolitique et économique régionale. Selon la BEAC, le Cameroun concentre à lui seul 71 % des volumes et 55 % de la valeur des transactions mobile money en zone CEMAC. En 2022, plus de 59 000 milliards FCFA ont transité par ces plateformes. Face à cet essor, un dispositif électronique de contrôle sera prochainement déployé pour interfacer les serveurs des opérateurs avec le fisc. La taxe forfaitaire de 4 FCFA par transaction, introduite dans la loi de finances 2025, pourrait générer 15 milliards FCFA supplémentaires pour le Trésor, tout en suscitant débats sur l’équilibre entre inclusion financière et pression fiscale. « Ce n’est pas seulement une mesure budgétaire, mais une stratégie de souveraineté économique », confie un conseiller à la présidence. En pleine reconfiguration des équilibres régionaux, le Cameroun veut afficher une gouvernance moderne et crédible. Cette réforme pourrait faire école dans une Afrique centrale encore largement dépendante de flux informels. À terme, elle pourrait repositionner le Cameroun comme pionnier d’une fiscalité numérique intelligente, équilibrée entre innovation, équité et développement. Noël Ndong

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Afrique centrale : entre ambitions numériques et réalignements stratégiques

L’annonce par le Tchad, le 18 juillet 2025, d’un investissement de 1,5 milliard de dollars dans le cadre de son programme « Tchad Connexion 2030 » marque un tournant pour l’Afrique centrale.  Cette stratégie numérique, visant à porter le taux de pénétration d’Internet à 30 % d’ici 2030 (contre 13,2 % actuellement), s’inscrit dans une vision plus large de souveraineté technologique, de modernisation administrative et d’intégration régionale. En reliant N’Djamena au Niger, puis à la Libye et à l’Égypte, le Tchad affirme sa volonté de sortir de l’enclavement historique et de repositionner sa diplomatie régionale à travers les infrastructures numériques. C’est une réponse directe à l’effritement sécuritaire dans la région sahélienne, mais aussi à la fragmentation institutionnelle de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Cameroun : un carrefour stratégique sous pression Le Cameroun, pivot naturel de la sous-région, pourrait bénéficier ou pâtir de cette nouvelle donne. Avec ses câbles sous-marins à Douala et Kribi, et une infrastructure télécom plus avancée, Yaoundé est idéalement placé pour devenir une plaque tournante régionale. Mais en l’absence de réformes ambitieuses sur la fiscalité numérique, l’attractivité pour les opérateurs reste modérée. L’introduction de la taxe sur le mobile money en 2022 avait déjà refroidi plusieurs investisseurs. Dans un contexte où le Tchad noue des liens technologiques nouveaux avec ses voisins du nord, le Cameroun doit reconsidérer sa position stratégique. Une interconnexion plus profonde avec la RCA, en phase de stabilisation politique après l’accord de N’Djamena, ou un partenariat renforcé avec le Gabon et la Guinée équatoriale, s’impose comme une nécessité géopolitique. Géopolitique du numérique et sécurité régionale Derrière l’expansion numérique se jouent aussi des enjeux de souveraineté sécuritaire. À mesure que les administrations se numérisent, les cybermenaces transfrontalières se multiplient. Le Cameroun, confronté aux menaces dans l’Extrême-Nord et aux instabilités à ses frontières orientales, voit dans le numérique un levier de sécurisation des communications civiles et militaires. « Celui qui contrôle les infrastructures numériques contrôle demain les flux d’information, la gouvernance, la sécurité et la mémoire collective », confie un haut responsable de la CEEAC, appelant à un pacte numérique régional commun. Noël Ndong

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Afrique centrale : entre désarmement fragile et réalignement stratégique

L’accord de paix signé le 19 juillet entre le gouvernement centrafricain et deux groupes armés majeurs (UPC et 3R), sous l’égide du Tchad et avec le soutien actif de l’Union africaine, pourrait marquer un tournant dans la géopolitique d’Afrique centrale.  La diplomatie régionale, longtemps marginalisée par la militarisation des conflits, reprend ainsi l’initiative. Mais les défis restent immenses. « C’est un jalon, pas une solution », tempère un haut fonctionnaire de la CEEAC. La RCA, plongée dans la guerre civile depuis 2013, reste un pays sous tension : plus de 3,1 millions de personnes nécessitent une aide humanitaire (OCHA, 2024), et 60 % du territoire demeure hors de contrôle étatique, selon l’ONU. Le Cameroun : un acteur pivot malgré une posture prudente Voisin direct, le Cameroun joue un rôle ambivalent. Frontalière de la RCA sur plus de 900 km, cette puissance sous-régionale absorbe une part importante du coût humain du conflit : plus de 350 000 réfugiés centrafricains y vivent encore en 2025, selon le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. Sur le plan militaire, Yaoundé coopère discrètement avec Bangui dans le domaine du renseignement et du contrôle des flux armés. Mais, empêtré dans ses propres tensions internes, le Cameroun privilégie une diplomatie de « stabilité minimale », sans s’engager frontalement dans la gouvernance régionale. Géoéconomiquement, la situation offre un paradoxe : les corridors Douala-Bangui et Kribi-Berbérati sont essentiels pour l’approvisionnement de la RCA, mais les insécurités récurrentes ralentissent les flux commerciaux. Des projets d’infrastructures stratégiques, tels que le bitumage de l’axe Béloko–Garoua-Boulaï, sont freinés faute de garanties sécuritaires sur le terrain. UA : diplomatie proactive mais attentes renforcées L’Union africaine tente de repositionner son rôle dans un environnement stratégique changeant, marqué par l’essoufflement de la MINUSCA, le retrait progressif des forces françaises et la montée en influence d’acteurs comme la Russie. La dissolution des groupes armés, saluée par le président de la Commission Mahmoud Ali Youssouf, intervient dans un contexte où l’UA cherche à faire valoir sa doctrine de « solutions africaines à des problèmes africains ». Mais le déficit de coordination entre pays membres, illustré récemment dans d’autres dossiers diplomatiques (Libye, Soudan, UNESCO), risque d’affaiblir cette dynamique. Pour réussir, la stratégie africaine devra intégrer justice transitionnelle, DDR (Désarmement, Démobilisation, Réintégration), et engagement budgétaire des États membres. Dans un contexte de recomposition régionale post-sécuritaire, l’accord de N’Djamena représente un test grandeur nature pour une Afrique centrale en quête de cohérence stratégique. La RCA veut passer du statut d’« État assisté » à celui d’acteur régional, le Cameroun devra choisir entre prudence diplomatique et leadership géopolitique, et l’Union africaine devra prouver qu’elle est capable de transformer des succès diplomatiques ponctuels en processus de paix durables. Noël Ndong

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