27 juillet 2025

Afrique centrale : une région sous haute tension

Entre transitions contestées, pressions sécuritaires et résilience autoritaire. L’Afrique centrale traverse une période charnière, marquée par une recomposition politique rapide, une instabilité sécuritaire croissante et un durcissement des régimes en place. Du Cameroun à la RDC, en passant par le Tchad, le Gabon, la Centrafrique et la Guinée équatoriale, la région oscille entre réformes institutionnelles, crispations autoritaires et enjeux de souveraineté stratégique. Cameroun : verrou électoral et exclusion Alors que l’élection présidentielle est prévue pour octobre 2025, le régime du président Paul Biya (92 ans, au pouvoir depuis 1982) vient de valider 13 candidatures, excluant Maurice Kamto, chef de file de l’opposition. Le rejet de son dossier, confirmé par le Conseil constitutionnel, accentue la fracture politique, notamment dans les régions anglophones toujours en conflit. RDC : Kabila dans la tourmente, justice sous pression L’ancien président Joseph Kabila est poursuivi pour haute trahison et participation à une insurrection armée. Son procès, renvoyé au 31 juillet 2025, intervient dans un contexte post-électoral tendu, où le président Félix Tshisekedi cherche à consolider son autorité. La judiciarisation du conflit entre anciens et nouveaux cercles du pouvoir pourrait alimenter des tensions institutionnelles, voire tribales, dans l’est du pays déjà instable. Gabon : entre transition militaire et incertitude démocratique Un an après le coup d’État militaire d’août 2023, le Gabon peine à définir les contours d’un retour à l’ordre constitutionnel. Le président de la transition, Brice Oligui Nguema, maintient un discours d’apaisement, mais aucune date d’élection n’est fixée, alimentant les doutes sur une réelle transition démocratique. L’armée demeure le principal acteur politique, dans un pays historiquement dominé par le clan Bongo. Centrafrique : vers un troisième mandat sous influence En RCA, le président Faustin-Archange Touadéra a annoncé sa candidature pour un troisième mandat, rendu possible par la nouvelle Constitution adoptée en 2023. Avec un fort soutien militaire russe (ex-Wagner), Bangui s’éloigne progressivement des partenaires occidentaux. L’opposition, affaiblie et divisée, peine à contester ce glissement autoritaire. Tchad : militarisation du pouvoir civil Le président Mahamat Idriss Déby, issu de la transition militaire après la mort de son père, a récemment procédé à une restructuration sécuritaire d’envergure : police, gendarmerie, renseignement, tout a été réorganisé. Ce durcissement intervient dans un climat marqué par des violences communautaires, des tensions politiques non résolues et des accusations de répression des opposants. Guinée équatoriale : une succession opaque Le président Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, au pouvoir depuis 1979, reste l’un des derniers dinosaures politiques africains. Officiellement, son fils Teodorín, vice-président, semble destiné à lui succéder, mais les luttes internes et la méfiance internationale, notamment autour des questions de gouvernance, obscurcissent l’avenir politique du pays. Une crise de succession pourrait fragiliser ce pilier de la stabilité pétrolière régionale. Une région stratégique sous pression géopolitique Vers une « stabilité autoritaire » ? L’Afrique centrale semble s’orienter vers un modèle de stabilité autoritaire, où les régimes maintiennent un semblant d’ordre au prix d’un rétrécissement démocratique. Si cette configuration satisfait certains partenaires extérieurs soucieux de sécurité (notamment dans la lutte antiterroriste ou la maîtrise des flux migratoires), elle risque à moyen terme de provoquer des soulèvements populaires imprévisibles, à l’image des vagues de coups d’État en Afrique de l’Ouest. Noël Ndong

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Présidentielle 2025 au Cameroun : l’exclusion de Maurice Kamto, entre manœuvres juridiques et ambiguïtés politiques

L’alliance MRC-MANIDEM mise à l’épreuve du droit électoral. La candidature de Maurice Kamto, figure majeure de l’opposition camerounaise, n’a pas été retenue par le Conseil électoral d’Élections Cameroon (Elecam) dans la liste officielle des candidats à la présidentielle du 12 octobre 2025. Cette décision, très commentée, suscite à la fois incompréhension et débats quant à ses fondements juridiques et politiques. Si le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), aujourd’hui présidé par Mamadou Mota, a dénoncé une exclusion « calculée », le contexte institutionnel révèle une situation plus complexe que ne laisse supposer une lecture purement politique. Une stratégie alternative risquée : du MRC au MANIDEM Écarté des élections législatives de 2020 pour des raisons similaires, Maurice Kamto a choisi en 2025 de se faire investir par un autre parti légalement reconnu, le MANIDEM (Mouvement Africain pour la Nouvelle Indépendance et la Démocratie), afin de contourner les obstacles liés au statut juridique contesté du MRC auprès du Ministère de l’Administration Territoriale. Mais cette stratégie a fini par se retourner contre lui. Le Conseil électoral a évoqué une « pluralité d’investiture » concernant le MANIDEM – le ministère ayant enregistré un autre nom de président pour le même parti, ce qui aurait créé un conflit d’autorité sur la signature de la candidature du Pr Maurice Kamto. Le MRC, dans sa déclaration, accuse le ministre Atanga Nji d’avoir orchestré une modification unilatérale des données officielles du parti, ce qui rendrait la procédure de dépôt invalide. Entre droit électoral et tactique politique Sur le plan du droit électoral, Elecam affirme avoir appliqué les textes en vigueur, notamment ceux relatifs à la cohérence des documents d’investiture et à l’unicité de candidature par parti. En l’absence de clarification formelle entre les différentes ailes du MANIDEM, l’organe électoral a préféré écarter le dossier plutôt que de l’invalider a posteriori. Toutefois, cette décision n’est pas sans conséquences politiques. Elle pourrait renforcer le sentiment, chez une partie de l’opinion, que les institutions électorales restent fortement politisées, dans un contexte où le président sortant Paul Biya est en course pour un nouveau mandat. Un recours encore possible, mais une marge étroite Le MRC a annoncé un recours devant le Conseil constitutionnel, avec l’espoir d’un repêchage juridique. Toutefois, les chances de succès sont minces, à en juger par la jurisprudence constante du Conseil, souvent alignée sur les positions d’Elecam. À noter également que le délai légal pour statuer est bref – quelques jours après la notification du rejet. Un signal d’alerte plus qu’une surprise Si l’exclusion de Maurice Kamto peut apparaître comme un coup dur pour le pluralisme politique, elle s’inscrit aussi dans un contexte de tensions institutionnelles persistantes entre opposition et appareil d’État. Elle révèle les limites de la stratégie juridique indirecte adoptée par Maurice Kamto et les failles du système d’enregistrement au Cameroun. Plus qu’un incident isolé, cette affaire relance les débats sur la réforme des institutions électorales, la transparence de l’administration territoriale, et la nécessité d’un consensus national sur les règles du jeu démocratique. Noël Ndong Correspondance d’ELECAM au Pr Maurice Kamto

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