6 août 2025

BEAC : une application mobile pour contrer la prolifération des faux billets

Face à la recrudescence de la contrefaçon monétaire dans l’espace CEMAC, la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) déploie une solution numérique innovante. L’application mobile gratuite « BEAC NG2020 », conçue pour permettre à chaque citoyen de vérifier l’authenticité des billets de la série « type 2020 ». Cette initiative fait suite à des saisies massives : près de 100 millions de FCFA en fausse monnaie à Douala en mars 2025, 32 millions à Maroua deux mois plus tôt. Les faussaires exploitent la forte circulation de liquidités dans les économies informelles, où les outils de contrôle sont souvent absents.  « L’objectif est de lutter plus efficacement contre la circulation des faux billets en mettant à la disposition du grand public un outil simple, rapide et fiable», indique la BEAC dans un communiqué officiel Un outil numérique accessible à tous Disponible sur Android et iOS, l’application utilise la caméra du téléphone pour scanner les billets (500, 1 000, 2 000, 5 000 et 10 000 FCFA). Elle détecte les éléments de sécurité et signale toute anomalie en temps réel. Une galerie explicative permet également d’identifier visuellement les billets authentiques. L’application entend démocratiser la détection de faux billets dans un contexte où la fraude gagne du terrain. « L’outil ne remplace pas les contrôles bancaires, mais c’est un bouclier numérique à la portée du citoyen lambda », confie un agent de la BEAC. Un fléau monétaire dans toute la zone CEMAC La circulation de faux billets est un phénomène régional préoccupant. Au Tchad, plusieurs arrestations ont eu lieu en 2024, avec des saisies estimées à plus de 40 millions de FCFA. En Centrafrique, les marchés de Bangui sont régulièrement inondés de coupures frauduleuses, notamment de 5 000 et 10 000 FCFA. Au Congo-Brazzaville et au Gabon, les autorités ont signalé une augmentation de 30 % des cas de fausse monnaie entre 2022 et 2024, selon des rapports bancaires confidentiels. Ce fléau déstabilise les économies locales, affaiblit la confiance dans la monnaie régionale et alimente l’économie parallèle. Dans des pays où plus de 80 % des transactions se font encore en espèces, les dégâts sont particulièrement visibles chez les petits commerçants et dans les zones frontalières. Un pas vers la digitalisation monétaire régionale L’initiative s’inscrit dans une stratégie plus large : la modernisation et la sécurisation de la monnaie CEMAC à l’ère numérique. Le plan 2023–2027 de la BEAC vise à renforcer les outils d’authentification, réduire l’usage de cash non traçable, et préparer l’introduction progressive de solutions numériques de paiement. Avec cette application, la BEAC espère non seulement freiner la contrefaçon, mais aussi restaurer la crédibilité du franc CFA dans un contexte de fragilités économiques et de pressions inflationnistes. Entre réponse technologique et stratégie de confiance, « BEAC NG2020 » pourrait devenir un outil-clé dans la lutte contre l’économie souterraine et la fraude monétaire. Son efficacité dépendra toutefois de sa diffusion massive, en particulier dans les zones les plus vulnérables de la CEMAC.

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Coopération Cameroun-Sénégal : Un axe stratégique se dessine entre Yaoundé et Dakar

Neuf accords majeurs ont été signés entre le Cameroun et le Sénégal à l’issue de la 5ᵉ session de la grande commission mixte à Yaoundé. Cette coopération bilatérale multiforme, couvrant justice, éducation, économie et culture, illustre une volonté conjointe de structurer une nouvelle dynamique interrégionale en Afrique. Des accords à haute portée économique Parmi les accords signés figurent des engagements sur la mobilité des opérateurs économiques, la formation professionnelle, et le transport aérien. Objectif : fluidifier les échanges dans un contexte où les flux commerciaux entre les deux pays dépassent déjà 25 milliards FCFA par an. L’amélioration de la connectivité, notamment par la création de liaisons aériennes directes entre Douala, Yaoundé et Dakar, pourrait stimuler les échanges commerciaux et le tourisme intra-africain. « Ces accords marquent une étape importante vers une coopération économique structurée et durable », a affirmé Yassine Fall, ministre sénégalaise de l’Intégration africaine. Un repositionnement diplomatique afro-centré La signature de ces accords reflète aussi une convergence géopolitique assumée. Le Cameroun et le Sénégal, considérés comme des pivots de stabilité en Afrique centrale et de l’Ouest, affichent leur volonté de porter un leadership interrégional africain, au moment où les blocs CEDEAO et CEEAC traversent des recompositions internes. « Nous parvenons au terme de deux jours d’échanges riches et fructueux, dans une atmosphère de fraternité », a salué Lejeune Mbella Mbella, ministre camerounais des Relations extérieures. Culture et intelligence économique en toile de fond Au-delà de l’économie, ces accords touchent aussi aux droits de l’enfant, à l’environnement, et à la coopération cinématographique, preuve que l’intelligence économique et le soft power font partie de la stratégie. Le développement d’un hub audiovisuel afro-francophone, adossé à une offre de formation conjointe, renforcerait la souveraineté cognitive et culturelle des deux États. Avec plus de 60 % de jeunes de moins de 25 ans en Afrique, l’accord sur la mobilité étudiante pourrait aussi répondre à un besoin urgent de formation qualifiante. L’ambition est claire : faire du tandem Yaoundé-Dakar un modèle opérationnel de coopération Sud-Sud. Mais pour transformer l’essai, les deux pays devront assurer la mise en œuvre concrète des engagements, assortie de mécanismes de suivi, de financement et d’évaluation. Ces accords ne sont pas qu’un symbole diplomatique : ils pourraient bien amorcer une nouvelle ère de relations interrégionales africaines, fondées sur le pragmatisme, la solidarité et la souveraineté partagée.

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UNESCO : Matoko face à El-Enany – vision globale contre revendication régionale

À quelques mois du choix du nouveau Directeur général de l’UNESCO, deux candidatures du Sud cristallisent une opposition de fond : celle d’un universalisme réformateur face à une diplomatie régionale structurée. Le Congolais Firmin Edouard Matoko – 35 ans à l’Unesco – et l’Égyptien Khaled El-Enany incarnent deux visions du rôle de l’UNESCO dans un monde en recomposition. Une bataille de candidatures, mais surtout une bataille d’idées. L’UNESCO, gardienne du patrimoine mondial, de l’éducation pour tous et de l’éthique scientifique, entre dans une phase cruciale. Le mandat d’Audrey Azoulay touche à sa fin, et les États membres s’apprêtent à désigner son successeur. Deux figures issues du Sud s’imposent : le diplomate congolais Firmin Edouard Matoko, sous-directeur général de l’Unesco en charge de l’Afrique de 2019 à 2025, et l’ancien ministre égyptien de la Culture, Khaled El-Enany, soutenu par la Ligue arabe. Or, ces candidatures ne sont pas seulement concurrentes. Elles sont conceptuellement opposées. Représentation ou refondation ? Dans une déclaration conjointe publiée en juillet 2025, les pays arabes ont justifié leur soutien à El-Enany par « l’absence historique d’un Arabe à la tête de l’UNESCO ». Un argument de rattrapage symbolique, qui soulève une question diplomatique majeure : les institutions multilatérales doivent-elles fonctionner par rotation régionale, ou par mérite et projet ? Firmin Edouard Matoko, lui, défend une candidature détachée des logiques de quotas. Pour ce diplomate expérimenté – il aura passé 35 ans à l’Unesco -, le véritable enjeu est de réaffirmer l’UNESCO comme plateforme universelle, au service de tous, « sans assignation identitaire ni logique de blocs ». Deux trajectoires, deux philosophies -Khaled El-Enany, archéologue et universitaire respecté, ancien ministre, incarne une diplomatie structurée par les intérêts collectifs de la Ligue arabe. Sa campagne repose sur une logique de « tour de rôle » au sommet des organisations internationales. -Firmin Edouard Matoko, 35 ans à l’UNESCO, sous-directeur général pour la priorité Afrique de 2019 à 2025, porte une vision réformiste : décoloniser les savoirs sans créer de blocs régionaux, renforcer les capacités internes de l’UNESCO, et intégrer pleinement le numérique, l’éthique de l’IA, et l’éducation inclusive dans une gouvernance culturelle mondiale. Un choix stratégique pour l’Afrique et au-delà Un diplomate africain en poste à Paris affirme : « L’Afrique ne doit pas se réduire à une revendication d’identité ou de rattrapage historique […]. Elle a une voix singulière, mais aussi une responsabilité universelle ». Par ailleurs, le soutien à Firmin Edouard Matoko dépasse les clivages géopolitiques : il est vu comme une candidature d’équilibre, capable de rassembler les continents autour d’une gouvernance de la culture, de la paix et de l’innovation. Ce duel reflète aussi une crise de l’universalité, dans un système multilatéral de plus en plus fragmenté. Pour nombre d’observateurs, l’UNESCO a besoin d’un dirigeant qui dépasse les blocs et incarne une diplomatie de projet, non de quota. Rappel historique L’UNESCO, née sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale, repose sur une logique d’universalisme culturel et de coopération transnationale – non sur une logique de quotas régionaux. En ce sens, le raisonnement de Khaled El-Enany, perçu comme une revendication de tour de rôle géopolitique, risque d’entrer en contradiction avec l’esprit même de l’UNESCO, qui valorise la diversité sans assigner les postes de direction à des identités collectives. La gouvernance mondiale ne peut se bâtir sur la compensation des absences passées, mais sur la qualité du projet porté et la capacité à fédérer au-delà des appartenances. Enjeux géopolitiques et culturels Sur le plan géopolitique,  le soutien de la Ligue arabe à El-Enany pourrait fracturer les équilibres au sein du Groupe africain, traditionnellement uni dans les négociations UNESCO. Sur le plan culturel,  la vision d’Edouard Firmin Matoko ouvre une réflexion sur l’accès égal aux cultures, aux langues et aux connaissances, y compris dans le numérique. Enfin sur le plan stratégique, le prochain Directeur général de l’UNESCO devra gérer la transition technologique, la polarisation Nord-Sud, et les tensions entre souveraineté et patrimoine partagé. Des questionnements Faut-il élire un Directeur général pour réparer une absence historique, ou pour bâtir un avenir commun ? faut-il représenter les régions ou repenser les équilibres culturels mondiaux ? En juillet dernier, Firmin Edouard Matoko déclarait :  « Le prochain dirigeant de l’UNESCO doit restaurer la confiance dans le multilatéralisme culturel. Pas en redistribuant les postes, mais en redonnant du sens au projet commun ». En défendant une approche universaliste, Firmin Edouard Matoko redonne à l’UNESCO son ambition originelle : unir l’humanité non autour d’identités fixes, mais autour de valeurs partagées et d’idées en mouvement. La décision attendue fin 2025 sera scrutée de près. Plus qu’un choix de personne, c’est un test pour la capacité de l’UNESCO à se réinventer sans se fragmenter. L’Afrique, aujourd’hui au cœur du débat, pourrait bien redonner au multilatéralisme son souffle universel, l’âme même  de l’Organisation.  A lire son projet, cette ambition semble habiter Firmin Edouard Matoko.

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L’UA investit dans le savoir stratégique : la plateforme ATTP au service d’un développement ancré dans l’expertise africaine

L’Union africaine (UA) franchit un pas stratégique dans la refondation de ses politiques publiques avec le lancement officiel de la plateforme ATTP (African Think Tank Platform). Cette initiative, soutenue financièrement par des partenaires comme la Banque mondiale et techniquement par l’AUDA-NEPAD et la Fondation ACBF, vise à transformer les cercles de réflexion africains en véritables catalyseurs de décisions politiques continentales. Dotée d’un budget de 50 millions USD sur cinq ans, elle ambitionne de combler le déficit chronique en recherche stratégique sur le continent. Un levier d’autonomie africaine Cette nouvelle plateforme s’inscrit dans une dynamique plus large de souveraineté intellectuelle africaine. En centralisant les propositions politiques à travers un comité indépendant d’experts (ICE) et des appels à projets compétitifs, l’UA cherche à créer une chaîne de valeur africaine du savoir, où les Think tanks ne se contentent plus d’être des prestataires de diagnostics, mais deviennent des acteurs du pilotage stratégique du continent. Ce projet vient répondre à une carence structurelle : l’Afrique produit moins de 1 % de la recherche mondiale. Cette marginalité épistémique freine la formulation de politiques adaptées aux réalités locales, laissant le champ libre à des modèles exogènes souvent inadaptés. En rassemblant les travaux de 3 à 5 Think tanks par consortium, avec des subventions allant jusqu’à 10 millions USD, l’ATTP vise à générer des solutions africaines fondées sur des preuves africaines. Penser les transitions du continent L’impact économique potentiel est considérable. Les thématiques prioritaires ciblées – transformation économique, climat, ZLECAf, flux financiers illicites, capital humain, sécurité alimentaire – recoupent les grands chantiers du développement continental. En intégrant systématiquement les Think tanks dans la conception de politiques sur ces enjeux, l’UA veut faire émerger une gouvernance économique plus réactive, interconnectée et contextualisée. Ce positionnement répond aussi aux impératifs de l’Agenda 2063, qui mise sur des cadres d’action cohérents, informés par les données (CRF, STISA-2024, etc.). Comme le souligne Selma Malika Haddadi, vice-présidente de la Commission de l’UA, « la réalisation de l’Agenda 2063 exige davantage que de simples aspirations. Elle nécessite des preuves ». Un enjeu stratégique pour l’influence africaine Enfin, le soutien affiché de bailleurs internationaux – dont la Banque mondiale – montre une reconnaissance croissante de l’intelligence stratégique africaine. Mais pour éviter toute dépendance, l’Afrique devra capitaliser sur cette plateforme pour construire une autonomie durable de la pensée stratégique, condition essentielle à une influence géopolitique crédible sur la scène mondiale.

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Bill Gates injecte 2,5 milliards de dollars en Afrique : levier de santé publique ou diplomatie d’influence ?

La Fondation Gates lance le plus vaste programme privé jamais engagé pour la santé des femmes en Afrique, dans un contexte de désengagement public occidental. Dans un mouvement d’ampleur sans précédent, la Fondation Bill & Melinda Gates a annoncé le 4 août un engagement de 2,5 milliards de dollars dédié à la santé des femmes en Afrique. Cette somme, la plus importante jamais débloquée d’un seul trait par la fondation sur le continent, marque le début d’un plan global visant à distribuer près de 200 milliards de dollars d’ici à 2045, date prévue de sa fermeture. Ce financement, réparti sur une quarantaine de projets innovants, vise à réduire la mortalité maternelle, améliorer la santé gynécologique et soutenir la recherche sur les infections sexuellement transmissibles, la prééclampsie ou encore des contraceptions non hormonales. L’enjeu est double : réduire les coûts des politiques publiques et accélérer leur efficacité grâce à l’innovation. « Ce programme vise à combler des lacunes critiques là où les financements publics sont absents », précise le communiqué de la fondation. Une stratégie sanitaire… et géopolitique Sur le plan sanitaire, cet engagement intervient dans un contexte fragile : les systèmes de santé de nombreux pays africains, déjà sous pression post-Covid, peinent à financer des services de base. La féminisation de la pauvreté, la sous-médicalisation des zones rurales, et le recul de l’aide publique au développement (APD) rendent cette initiative potentiellement salvatrice. Mais selon Bruno Cabrillac, économiste à la Fondation pour les études et la recherche sur le développement international (Ferdi), la montée en puissance des fondations pose aussi des questions d’équilibre : « Les fondations philanthropiques ne veulent pas se substituer à l’aide publique, car cela risquerait de créer un aléa moral et d’encourager les États à se désengager ». Une reconfiguration de l’intelligence économique mondiale ? À moyen terme, cette stratégie peut aussi être lue comme un investissement dans la stabilité des marchés africains, essentiels à la croissance mondiale. Les fondations comme Gates, fortement intégrées à des réseaux technologiques et pharmaceutiques mondiaux, influencent déjà les normes de santé, les chaînes de valeur et les régulations, ce qui confère un poids stratégique croissant aux acteurs privés dans les politiques publiques. Dans un contexte où l’USAID ferme des programmes et où l’aide européenne se fragilise, les fondations américaines prennent le relais – mais avec leurs logiques, leurs agendas, et leurs priorités. Réserves et vigilance Si l’impact potentiel est énorme, des réserves persistent. L’absence de contrôle parlementaire, la faiblesse des systèmes de redevabilité locaux et le risque de dépendance technologique pourraient altérer la souveraineté sanitaire des États bénéficiaires. Le danger, à long terme, serait un décrochage stratégique africain, piloté par des mécènes plutôt que par des politiques concertées.

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Pollution plastique : vers un traité mondial, 1.500 milliards de raisons d’agir

Près de 180 pays se sont réunis le 5 août sous l’égide de l’ONU pour une nouvelle session de négociations sur le premier traité international contraignant contre la pollution plastique. L’enjeu est immense : 1.500 milliards de dollars par an de coûts économiques et sanitaires, selon une étude publiée dans The Lancet Planetary Health. Un chiffre qui alerte autant les diplomates que les économistes. « La pollution plastique est un danger grave, systémique, et largement sous-estimé pour la santé humaine et l’environnement mondial », alertent les auteurs du rapport, citant des liens avérés avec des cancers, des troubles hormonaux et des maladies respiratoires. Objectif : un accord juridiquement contraignant d’ici fin 2025 Les négociateurs du Comité intergouvernemental de négociation ont dix jours à Genève pour harmoniser les bases d’un traité universel, espéré à la fin 2025. Sera-t-il ambitieux ou simplement indicatif ? Les positions restent divergentes : tandis que l’UE, le Rwanda ou les îles du Pacifique plaident pour une réduction de la production à la source, les États-Unis et la Chine misent davantage sur le recyclage et la gestion des déchets. Intelligence économique et diplomatie environnementale Au cœur des tensions : la place de la pétrochimie, industrie qui représente à elle seule plus de 400 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel. De nombreuses multinationales cherchent à éviter un encadrement strict des polymères, redoutant un précédent réglementaire global. « Il ne s’agit pas seulement d’écologie, mais de souveraineté industrielle, de stratégies d’influence, et de repositionnement des chaînes d’approvisionnement mondiales », observe une diplomate africaine sous anonymat. Un coût sanitaire étouffant Le rapport de The Lancet insiste : microplastiques et nanoplastiques sont omniprésents, dans l’eau, l’air, les sols – et jusque dans le sang humain. Le coût en santé publique pourrait dépasser 250 milliards de dollars par an d’ici 2040 si aucune régulation globale n’est mise en place. Le lien avec des maladies chroniques pose aussi un problème d’injustice environnementale, les pays les plus vulnérables étant les plus exposés. Un enjeu sécuritaire et climatique Au-delà de la santé, la pollution plastique alimente l’instabilité : engorgement des littoraux, perturbation des écosystèmes halieutiques, dépendance aux importations de déchets, tensions entre États côtiers. Le plastique est aussi un facteur climatique, sa production étant responsable de 5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, selon le PNUE, le Programme des Nations unies pour l’environnement. Ce qu’il faut retenir Vers un compromis global ? La question reste : l’accord sera-t-il universellement contraignant ou fragmenté par régions et volontés politiques ? La réponse dépendra autant de la diplomatie que des capacités industrielles à se transformer. « Il ne s’agit plus de ralentir l’effondrement, mais de choisir comment nous voulons survivre au plastique », résume Benjamin Von Wong, artiste et militant, auteur de l’installation Le fardeau du Penseur, érigée symboliquement à Genève.

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L’Église catholique en Afrique trace son cap pour 2050 : évangélisation, réconciliation et souveraineté spirituelle au cœur d’un continent en mutation

Réunis à Kigali, les évêques du Symposium des Conférences Épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM) ont adopté une feuille de route visionnaire pour les 25 prochaines années, structurée autour de 12 piliers stratégiques, allant de l’évangélisation à l’autonomie institutionnelle. Un tournant spirituel à forte portée politique. Alors que l’Afrique s’apprête à entrer dans une phase critique de transformation démographique, sociale et sécuritaire, l’Église catholique continentale prend position. Du 30 juillet au 4 août 2025, à Kigali, plus de 300 hauts responsables ecclésiaux ont entériné un document stratégique de long terme visant à réarticuler la mission de l’Église autour de valeurs d’espérance, de paix et de réconciliation, mais aussi d’autonomie économique et d’enracinement culturel. « L’évangélisation ne peut rester théorique : elle doit transformer les cultures et guérir les fractures humaines », a affirmé le Père Rafael Simbine, secrétaire général du SCEAM, en présentant la vision continentale. 12 piliers : vers une Église résiliente, décolonisée et actrice de paix Chaque pilier du document combine un diagnostic socioculturel africain, une orientation stratégique et un modèle concret d’action, témoignant de la volonté de sortir d’une dépendance pastorale ou financière postcoloniale. Parmi les priorités : « L’Afrique est un foyer spirituel. Notre foi doit parler au monde depuis notre terre, nos blessures et nos espoirs », a résumé le Cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa. Une réponse à l’urgence : guerres, fractures sociales, perte d’espérance Dans leur message final, les évêques ont condamné les « souffrances inimaginables » provoquées par les conflits armés, les divisions ethniques et la pauvreté systémique. L’appel à une Église actrice de médiation, de justice réparatrice et de pardon radical résonne particulièrement dans les pays comme le Cameroun, la RDC, le Soudan du Sud ou le Mozambique, où les communautés chrétiennes sont souvent à la fois victimes et témoins. Le SCEAM appelle les dirigeants politiques à intégrer l’éducation à la paix dans les systèmes scolaires et à promouvoir le dialogue intercommunautaire comme priorité de gouvernance. Focus Cameroun : une Église face à la crise anglophone et à la fragmentation sociale Au Cameroun, où l’Église catholique reste l’une des institutions les plus respectées, la mise en œuvre de cette feuille de route pourrait jouer un rôle majeur dans la pacification de la crise anglophone, qui a déjà fait plus de 3000 morts et déplacé 800 000 personnes depuis 2016, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des nations unies (OCHA). Le clergé local, souvent en première ligne, est appelé à « former les consciences à la paix, sans compromis sur la justice et la vérité ». Le pays est également invité à investir dans la formation des laïcs, des jeunes et des familles, pour éviter l’atomisation communautaire et renforcer l’Église-Famille de Dieu, modèle privilégié par le SCEAM. Une diplomatie spirituelle africaine à l’horizon 2050 Dans un continent aux enjeux géopolitiques mouvants – urbanisation galopante, montée des extrémismes, instabilité sécuritaire, pressions migratoires -, le SCEAM affirme l’Église comme un acteur de souveraineté morale, de cohésion sociale et de résilience stratégique. La vision portée à Kigali invite à articuler foi, culture et développement humain intégral, tout en appelant à un leadership africain éclairé, aussi bien dans les sphères ecclésiales que politiques. « C’est à partir de l’Afrique que l’Église universelle pourra retrouver un souffle d’espérance. Mais cela exige de bâtir des ponts durables entre spiritualité, paix et responsabilité publique », a résumé un évêque sahélien sous couvert d’anonymat.

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