19 août 2025

Etoudi -12 octobre 2025 (Cameroun) : Paul Biya jour l’unité comme arme électorale

À deux mois du scrutin, le président mise sur le discours d’unité pour consolider son image d’homme d’ordre face à des fractures sociales et sécuritaires persistantes. Alors que le Cameroun s’apprête à vivre une nouvelle échéance électorale, le président Paul Biya recentre son discours sur des valeurs consensuelles : paix, concorde, cohésion nationale. « Nous devons en tout temps chérir la paix et rechercher la concorde », a-t-il déclaré dans un message à forte portée politique, rappelant les fondements de son projet de société fondé sur le « vivre-ensemble ». Ce message n’est pas anodin. Il intervient dans un climat de fragilisation sécuritaire (notamment dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, toujours en proie à une insurrection séparatiste), de tensions communautaires latentes dans le septentrion, et de polarisation numérique croissante, les réseaux sociaux étant devenus un terrain de confrontation idéologique entre partisans du pouvoir et de l’opposition. En plaçant la paix au centre du débat, Paul Biya adopte une posture de garant de la stabilité, une stratégie bien rodée qui vise à disqualifier toute alternative politique perçue comme potentiellement déstabilisatrice. Ce positionnement sert aussi à rassurer les partenaires internationaux et les investisseurs étrangers inquiets de l’évolution de la situation sécuritaire et institutionnelle du pays. Sur le plan géopolitique, cet appel peut être lu comme un signal à l’endroit des observateurs africains et internationaux : le Cameroun reste, malgré ses tensions internes, un pôle d’équilibre dans une Afrique centrale en recomposition (RCA, Tchad, Gabon), et un acteur-clé dans la lutte contre Boko Haram et les flux migratoires transfrontaliers. À l’approche de la présidentielle, ce retour aux fondamentaux du régime biyaïste – paix, unité, stabilité – illustre la prédominance d’une communication politique de préservation, face à des revendications de plus en plus fortes pour une alternance démocratique et un renouvellement générationnel. Ce message d’appel à la concorde, loin d’être neutre, s’inscrit dans une stratégie électorale maîtrisée. Mais à l’heure où la jeunesse urbaine se politise, où la diaspora devient un acteur de plus en plus vocal, et où les fractures internes demeurent vives, la paix ne peut plus être simplement invoquée : elle doit être concrètement négociée, redistribuée et institutionnalisée. C’est le véritable défi de cette présidentielle.

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Tchad : l’arrestation du fils présumé du fondateur de Boko Haram, entre défi sécuritaire et recomposition régionale

Une opération antiterroriste relance les enjeux de coopération régionale, de stabilité économique et de leadership stratégique en Afrique centrale. L’interpellation à l’ouest du Tchad de six individus suspectés d’activités terroristes, dont l’un serait Muslim Mohammed Yusuf – fils cadet du fondateur de Boko Haram – , marque un tournant potentiel dans la lutte contre les groupes djihadistes sahéliens. Si l’identité du jeune homme, arrêté sous un faux nom, reste à confirmer, la symbolique de cette opération alimente autant les dynamiques sécuritaires que diplomatiques. Sur le plan sécuritaire, cette arrestation intervient dans une zone sensible, théâtre d’activités transfrontalières de l’ISWAP, branche dissidente de Boko Haram ralliée à l’État islamique. La porosité des frontières dans le bassin du lac Tchad rend la coordination militaire cruciale. Le Tchad, fort d’un appareil sécuritaire aguerri et appuyé par des partenaires internationaux, cherche à réaffirmer son rôle de pivot dans la lutte contre l’extrémisme violent. Cette opération pourrait renforcer la coopération avec ses voisins immédiats (Nigéria, Cameroun, Niger) via le cadre de la Force multinationale mixte (FMM). Mais au-delà de la sécurité immédiate, l’enjeu est aussi géopolitique : une telle arrestation, si elle se confirme, repositionne N’Djamena comme interlocuteur clé dans les discussions régionales sur la paix et la stabilité. Dans une Afrique centrale marquée par l’instabilité politique (Soudan, RCA, RDC) et des rivalités d’influence (Russie, Chine, France), la maîtrise de la menace djihadiste devient un levier diplomatique. Sur le plan géoéconomique, la persistance de foyers terroristes freine l’exploitation des ressources (pétrole, agriculture, infrastructures logistiques régionales). Le contrôle sécuritaire est donc étroitement lié aux perspectives de développement et d’intégration économique sous-régionale. Les attaques récurrentes dans le lac Tchad affectent les corridors commerciaux et les flux d’investissement, notamment dans les zones rurales enclavées, alimentant pauvreté et radicalisation. Enfin, l’absence d’identité formellement établie des suspects renforce la nécessité d’un volet d’intelligence économique et judiciaire, avec une meilleure coordination du renseignement, du suivi migratoire et des bases de données criminelles régionales. L’arrestation annoncée ne saurait être réduite à un simple fait divers sécuritaire. Elle cristallise les tensions entre menace persistante, ambitions diplomatiques et impératif de développement durable dans un espace régional toujours en quête de stabilité. Le Tchad, en quête de légitimité interne et d’influence externe, pourrait en tirer des dividendes stratégiques, à condition d’ancrer cette opération dans une approche multidimensionnelle et concertée.

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Mali–France : une arrestation, une rupture, une recomposition

L’arrestation de Yann Vezilier, ressortissant français accusé par les autorités maliennes de participer à une tentative de déstabilisation du régime, cristallise une fracture désormais profonde entre la France et le Mali. Présenté par Bamako comme un agent des services de renseignement, Yann Vezilier aurait, selon les accusations, mobilisé des militaires maliens et des membres de la société civile dans un complot avorté. Paris, de son côté, dénonce des accusations « sans fondement » et affirme que l’intéressé est un diplomate accrédité, bénéficiant d’immunité. Cette affaire intervient dans un contexte de purge interne : plus de 50 personnes auraient été arrêtées, dont plusieurs généraux de haut rang. Pour le pouvoir militaire malien, il s’agit de démontrer sa vigilance face à des menaces extérieures et intérieures. Pour la France, il s’agit d’une violation du droit diplomatique international, mais surtout d’un signal d’alarme dans une relation déjà exsangue. Une fracture politique aux résonances géopolitiques L’épisode ne fait que confirmer une tendance lourde : la rupture progressive, mais irréversible, entre Paris et les régimes militaires du Sahel. Depuis le retrait des troupes françaises de l’opération Barkhane et la montée en puissance de l’Alliance des États du Sahel (AES), la France est devenue la cible symbolique d’un rejet politique, nourri par un discours souverainiste de plus en plus radical. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger se tournent désormais vers d’autres partenaires, principalement la Russie, la Chine et la Turquie, perçus comme moins intrusifs. L’arrestation de Yann Vezilier, qu’elle repose ou non sur des faits avérés, s’inscrit dans ce récit : celui d’un État qui affirme sa souveraineté en s’émancipant de son ancienne puissance coloniale. Le droit diplomatique bousculé par le politique Le flou entretenu autour du statut exact de l’arrêté alimente les tensions. Si Yann Vezilier est bien un diplomate protégé par la Convention de Vienne, sa détention constitue une entorse grave au droit international. Si ce n’est pas le cas, la France est fragilisée par la perception d’un double jeu. Dans tous les cas, cette affaire montre que les règles diplomatiques ne suffisent plus à garantir le dialogue dans un contexte de rupture politique. Une recomposition régionale en marche Plus qu’un incident, cette arrestation marque un point de bascule : la fin du « privilège français » au Sahel. Dans une région en pleine recomposition stratégique, la France doit désormais affronter une réalité dure : elle n’est plus perçue comme un acteur légitime de la stabilité, mais comme un corps étranger d’un ordre révolu.

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