7 octobre 2025

Sécurité, énergie, jeunesse : Paul Biya réaffirme son emprise stratégique sur le Nord

À cinq jours de la présidentielle du 12 octobre 2025, le président Paul Biya a lancé depuis Maroua un message fort : cap sur l’économie, la jeunesse et la stabilité. Dans une région stratégique et convoitée, le chef de l’État joue la carte du développement contre les vents contraires d’une opposition montante. Un chef d’État-candidat en pleine reconquête Ce 7 octobre 2025, c’est un Paul Biya résolument offensif qui a foulé le sol brûlant de Maroua, capitale politique de l’Extrême-Nord, pour y livrer un discours à double tranchant : bilan et promesses. Candidat à un huitième mandat à 92 ans, le chef de l’État a fait de cette sortie une vitrine diplomatique et électorale majeure. « Beaucoup a été fait, mais le meilleur est à venir », a-t-il lancé devant des milliers de partisans rassemblés au stade Lamido Yaya Dairou. Dans une région aussi stratégique qu’instable, marquée par les incursions de Boko Haram et un taux de pauvreté dépassant 60 %, ce déplacement n’est pas une simple formalité protocolaire. Il s’agit d’une opération de reconquête politique où se joue, en creux, la crédibilité d’un pouvoir en place depuis 43 ans. Développement, infrastructures et énergie : le triptyque du discours présidentiel En appelant à un Cameroun de « productivité et d’opportunités », Paul Biya a recentré son discours autour de l’économie réelle. L’annonce de la mise en chantier imminente des axes stratégiques Mora–Dabanga–Kousseri et Garoua-Goundéré — dans une région enclavée – vise à restaurer la connectivité territoriale, fondement de la croissance locale. Le président a également salué la montée en puissance du barrage hydroélectrique de Nachtigal et l’élargissement du réseau solaire, affirmant que « la sécurité énergétique est une condition non négociable de l’industrialisation ». Objectif : faire du septentrion un hub énergétique, logistique et agro-industriel. Selon les chiffres du ministère de l’Économie, le Cameroun a investi plus de 2 000 milliards de FCFA dans les infrastructures en dix ans, avec près de 10 700 km de routes bitumées, un chiffre cité par Paul Biya lui-même à Maroua. Sécurité et stabilité : la clé de voûte de la stratégie présidentielle Le discours présidentiel n’a pas éludé la question sécuritaire. Paul Biya a salué les « succès incontestables de nos forces de défense » face à Boko Haram. Pourtant, la région reste sous tension : plus de 734 000 personnes y vivent en insécurité alimentaire (OCHA, décembre 2024), et les récentes inondations ont affecté 459 000 autres, détruisant habitations, cultures et cheptels. Face à cette situation, le président promet une réponse intégrée : militaro-humanitaire, mais aussi économique, avec le lancement de projets agricoles et de résilience climatique. « Sans paix, pas de développement. Et sans développement, la paix reste fragile », a-t-il martelé. La jeunesse comme levier stratégique Dans un pays où plus de 70 % de la population a moins de 35 ans, la jeunesse est la cible clé de la rhétorique présidentielle. À Maroua, Paul Biya a promis la réforme du Fonds national de l’emploi, le renforcement de la formation professionnelle et la facilitation du financement des projets jeunes. « Je ne prendrai aucun repos tant que des progrès significatifs n’auront pas été réalisés », a-t-il insisté, promettant des milliers d’emplois à travers les secteurs agricoles, artisanaux et numériques. Ce message s’adresse à une jeunesse souvent marginalisée, mais électoralement décisive. Un message d’unité nationale sous tension politique Alors que les régions anglophones (Nord-Ouest et Sud-Ouest) et l’Extrême-Nord sont toujours classées zones économiquement sinistrées, le président Biya a réaffirmé « la nécessité d’un Cameroun uni, paisible, moderne et prospère ». Un message d’unité nationale lancé dans un contexte où la cohésion territoriale est mise à rude épreuve. Mais cette volonté de stabilité se heurte à une réalité politique mouvante. Deux ex-alliés poids lourds du président, Issa Tchiroma Bakary et Bello Bouba Maïgari, désormais candidats, menacent l’hégémonie du RDPC dans le Septentrion. La clameur « Tchiroma Président ! » lancée par des élèves au passage du cortège présidentiel a cristallisé un malaise latent. Un signe que la dynamique de terrain pourrait échapper au contrôle de Yaoundé. Entre soft power interne et guerre d’influence Cette visite de Paul Biya à Maroua, au-delà de sa charge symbolique, est aussi une manœuvre d’intelligence politique. Elle vise à restaurer un capital de confiance dans un électorat stratégique, à rassurer les bailleurs internationaux et à maintenir le cap d’un Cameroun attractif pour les investisseurs. Sur le plan économique, le pays dispose de réserves minières encore sous-exploitées et d’un potentiel agropastoral considérable. La stabilité politique est donc un argument central pour maintenir les investissements étrangers, en particulier chinois, français et turcs, dans les infrastructures, les mines et l’énergie. Un pari risqué mais assumé À Maroua, Paul Biya a tenté de redéfinir la campagne sur ses propres termes : bilan, sécurité, développement. Mais dans un contexte d’émergence de figures alternatives, de fractures sociales persistantes et de fatigue démocratique, la réélection du doyen des chefs d’État africains repose sur un fragile équilibre entre l’ordre établi et l’appel au renouveau. À quelques jours du scrutin du 12 octobre, le septennat promis par Paul Biya ressemble autant à une offre de continuité qu’à une démonstration de force diplomatique face à une opposition qui monte et une jeunesse en attente. Encadré – Chiffres clés :

Sécurité, énergie, jeunesse : Paul Biya réaffirme son emprise stratégique sur le Nord Read More »

Les Émirats arabes unis en Afrique centrale : une stratégie d’influence ciblée, le cas du Cameroun

L’influence croissante des Émirats arabes unis (EAU) en Afrique ne se limite plus aux grandes puissances régionales ou aux zones côtières stratégiques.  L’Afrique centrale, longtemps marginalisée dans les dynamiques d’investissements globaux, devient à son tour une zone d’intérêt croissant pour Abou Dhabi. Ce recentrage géographique illustre une ambition claire : étendre leur empreinte à des régions encore peu disputées, tout en sécurisant des ressources et des leviers d’influence politique. Le Cameroun, avec sa position géostratégique entre l’Afrique de l’Ouest et centrale, attire de plus en plus l’attention émiratie. En 2024, des discussions ont été amorcées autour de projets dans les domaines portuaire, énergétique et agricole. Les Émirats envisagent notamment de moderniser des infrastructures logistiques, via DP World, et d’investir dans l’agriculture irriguée dans le Nord-Cameroun, région confrontée à l’insécurité alimentaire et aux effets du changement climatique. Ce type d’initiative renforce non seulement leur image de partenaire du développement, mais aussi leur présence dans des zones frontalières sensibles, où se jouent des enjeux de sécurité transnationale (extrémisme violent, trafics). Au niveau régional, les Émirats ont conclu en 2025 un partenariat économique global (CEPA) avec la République centrafricaine, assorti de projets miniers et d’investissements dans les infrastructures. En parallèle, des initiatives sont en préparation autour du Plan national de développement du Tchad, avec l’organisation d’une table ronde à Abou Dhabi. Cette diplomatie économique vise à positionner les Émirats comme des facilitateurs de stabilité dans une région marquée par l’instabilité politique et le désengagement progressif des bailleurs traditionnels. Sur le plan géoéconomique, ces investissements permettent aux EAU de sécuriser des chaînes d’approvisionnement critiques (or, uranium, agriculture) tout en diversifiant leurs propres relais de croissance. La région, en particulier le Cameroun, constitue un marché en expansion, encore peu saturé, et un point d’ancrage logistique entre Golfe de Guinée et zones sahéliennes. Enfin, la stratégie des Émirats s’inscrit dans un vide géopolitique croissant. Le retrait progressif de la France, la prudence de la Chine, et les limites de l’engagement américain ouvrent un espace que les Émirats investissent avec rapidité et pragmatisme. Pour les États d’Afrique centrale, notamment le Cameroun, ces partenariats offrent des opportunités financières et diplomatiques, mais posent aussi la question de la soutenabilité sociale, environnementale et politique de cette nouvelle dépendance.

Les Émirats arabes unis en Afrique centrale : une stratégie d’influence ciblée, le cas du Cameroun Read More »

Cameroun/Présidentielle 2025 : 8 millions de voix en jeu, le compte à rebours est lancé

À quelques jours de l’élection présidentielle prévue le 12 octobre 2025, le chiffre est désormais officiel. À quelques jours de l’élection présidentielle prévue le 12 octobre 2025, le chiffre est désormais officiel. Cette annonce saluée par certains comme un gage de transparence, suscite également attentes dans un climat politique tendu. Conformément aux articles 96 et 97 du Code électoral, le Directeur général des Élections, Dr Erik Essousse, a rendu publiques les listes des électeurs et des bureaux de vote dans chaque commune, ainsi qu’auprès des ambassades et consulats à l’étranger. 31 652 bureaux de vote ont été répertoriés à travers le territoire, et 34 296 électeurs sont inscrits à l’étranger dans 107 bureaux. Cette transparence est essentielle pour éviter les soupçons », souligne un observateur électoral à Yaoundé. Cette publication vise à renforcer la confiance dans le processus électoral, souvent sujet à controverse au Cameroun. Pour Christian Essomba Okah, président de la Commission d’impression du matériel électoral, cela permet aussi d’écarter tout risque de bureaux de vote fictifs. Du côté des états-majors politiques, ces listes sont un outil stratégique : elles permettent de cibler les zones à fort potentiel électoral et de mieux planifier les campagnes de terrain. Pour les observateurs nationaux et internationaux, ces données sont également cruciales pour surveiller le déroulement du scrutin. « L’opinion publique doit savoir combien d’électeurs sont inscrits par commune, et où voter », explique Patrick Pagbe, chef service des listes à Elecam. Les électeurs peuvent consulter ces listes dans les antennes communales ou en ligne via les plateformes numériques d’Elecam – une modernisation saluée, dans un pays où l’accès à l’information électorale a longtemps été jugé opaque. Alors que les tensions préélectorales montent, la publication anticipée des listes vise à prévenir toute contestation post-électorale. Cette ouverture suffira-t-elle à garantir la crédibilité du scrutin et l’acceptation de ses résultats par tous les acteurs politiques ?

Cameroun/Présidentielle 2025 : 8 millions de voix en jeu, le compte à rebours est lancé Read More »

Scroll to Top