6 novembre 2025

Triangle Atlantique : la France tente de refonder les relations Europe-Afrique-Brésil

De la mémoire coloniale à la diplomatie climatique, la France cherche un nouvel axe stratégique entre l’Europe, le Brésil et l’Afrique Sous les lumières de Salvador de Bahia, Emmanuel Macron a choisi le symbole et la scène. En évoquant la transformation de l’ancien « triangle de la honte » – celui du commerce triangulaire – en « triangle amoureux » entre l’Europe, le Brésil et l’Afrique, le président français esquisse plus qu’un geste mémoriel : une vision géopolitique. Derrière la métaphore culturelle, il plaide pour une relation transatlantique ré-imaginée, ancrée dans la culture, la durabilité et la souveraineté partagée. Le message s’adresse à un monde fracturé. Le Brésil de Lula s’impose comme porte-voix du Sud global, l’Afrique cherche à convertir son potentiel agricole et énergétique en pouvoir géo-économique, tandis qu’une Europe dépendante en ressources et en marchés tente de se redéfinir dans un ordre post-occidental. Dans cette équation, Macron veut faire de la triangulation atlantique un levier stratégique : reconnecter les continents par leurs mémoires et leurs transitions. Du commerce des hommes au commerce du vivant Les anciennes routes de l’esclavage sont devenues les nouveaux corridors de l’économie verte. L’Amazonie, les savanes africaines et les plaines européennes partagent désormais les mêmes menaces : déforestation, stress hydrique, volatilité alimentaire et financiarisation du carbone. Le changement climatique ne crée plus seulement des déséquilibres écologiques, mais de véritables lignes de fracture géopolitiques. En reliant Europe, Afrique et Amérique du Sud, Paris cherche à bâtir un arc transatlantique de coopération environnementale. L’objectif : conjuguer savoirs traditionnels africains, puissance agricole brésilienne et technologies européennes pour façonner une économie circulaire et décarbonée. Ce triangle aurait pour cœur la biodiversité, pour colonne vertébrale la sécurité alimentaire, et pour moteur la régulation du carbone. Soft power et rééquilibrage des influences La visite de Macron à Bahia, ponctuée de références à l’héritage afro-brésilien et à la restitution du patrimoine africain, illustre un soft power réparateur. Il s’agit de retisser la confiance culturelle et symbolique avec les partenaires du Sud, à l’heure où la France perd de l’influence au Sahel et sur le continent africain. Mais ce projet reste fragile. Pour devenir un véritable espace d’innovation et non un slogan, le « triangle amoureux » devra s’incarner dans des investissements équitables, une gouvernance partagée et une diplomatie climatique cohérente.Faute de quoi, l’Atlantique Sud – ce carrefour d’histoires et de ressources – risquerait de redevenir non pas un lien, mais un champ de rivalités.

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Brazzaville : l’Algérie prend les rênes de la future Banque africaine de l’énergie

Vers une souveraineté financière du Sud global face au désengagement occidental. À Brazzaville, le 4 novembre 2025, l’Organisation africaine des producteurs de pétrole (APPO) a confié à l’Algérie la direction du chantier le plus stratégique de son histoire : la création de la Banque africaine de l’énergie (BAE). Un outil destiné à financer, par des capitaux africains, le développement pétrolier, gazier et les transitions énergétiques du continent. Derrière la décision de confier ce mandat à Alger se dessine une recomposition du pouvoir énergétique africain. Alors que les bailleurs occidentaux se détournent des hydrocarbures, les seize États membres de l’APPO entendent consolider leur autonomie financière. La Banque – dotée d’un capital initial de 500 millions de dollars – ambitionne de devenir le bras armé d’une diplomatie énergétique sud-sud, à l’image d’Afreximbank pour le commerce intra-africain. Pour Mohamed Arkab, ministre algérien de l’Énergie et président du groupe de travail chargé du projet, l’enjeu est clair : sortir de la dépendance aux institutions financières du Nord et créer un cadre de financement qui conjugue sécurité énergétique, souveraineté et transition. Cette initiative intervient au moment où les pressions climatiques internationales restreignent l’accès des producteurs africains aux capitaux nécessaires pour moderniser leurs infrastructures. Mais le projet reste suspendu à une condition clé : la mobilisation effective des contributions nationales. Sans la mise de départ des États membres, la Banque ne pourra pas être opérationnelle. L’AEICorp, le bras financier de l’APPO, en assurera la supervision technique, tandis qu’un second groupe, dirigé par le Sénégal, veillera à la cohérence institutionnelle du dispositif. Pour Alger, ce mandat renforce une stature déjà consolidée. L’Algérie, acteur pivot entre Afrique du Nord, Sahel et Golfe de Guinée, capitalise sur son expertise hydrocarbure et son positionnement géopolitique. Engagée dans des projets structurants – du gazoduc transsaharien Nigeria-Algérie à la coopération sécuritaire avec le Niger et le Mali -, elle s’impose comme chef d’orchestre énergétique du Sud global. Cette décision traduit aussi un changement d’échelle : les producteurs africains ne cherchent plus seulement à négocier avec les marchés mondiaux, mais à créer leurs propres instruments d’influence. Dans un monde fragmenté par les rivalités énergétiques, la Banque africaine de l’énergie pourrait devenir l’un des leviers d’une autonomie stratégique africaine, articulant hydrocarbures, financement et intelligence économique. Le Congo, hôte de la session, accueillera en 2026 le premier sommet des chefs d’État de l’APPO, où la BAE sera présentée comme le pilier d’une nouvelle diplomatie énergétique africaine – à la croisée des ressources, de la sécurité et de la souveraineté.

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RDC : La France au cœur des nouvelles guerres africaines

Entre diplomatie humanitaire, rivalités régionales et guerre de l’influence. Sous les ors du Quai d’Orsay, la Conférence internationale sur la crise humanitaire en République démocratique du Congo a ressemblé à une opération de secours. En réalité, elle a marqué le retour d’une diplomatie française qui cherche à exister dans une Afrique des Grands Lacs devenue champ de bataille géopolitique mondial. Emmanuel Macron a promis 1,5 milliard d’euros pour un pays épuisé par trente ans de guerre. Mais derrière les chiffres, une question s’impose : la France peut-elle encore peser sur les lignes de fracture africaines, quand s’y affrontent désormais puissances régionales et intérêts globaux ? « Nous ne pouvons pas rester spectateurs », a lancé le président français, en écho à une opinion internationale anesthésiée. Car la tragédie congolaise n’est plus seulement humanitaire — elle est stratégique. À l’est du Congo, là où s’entrecroisent minerais critiques, milices et armées étrangères, la guerre a muté. Le M23, soutenu selon Kinshasa par Kigali, contrôle des zones minières stratégiques ; les campagnes de désinformation enflamment les réseaux ; les corridors humanitaires deviennent autant d’enjeux militaires que de survie civile. Dans ce contexte, la France avance ses pions. Soutien au Togo, médiateur désigné par l’Union africaine, projet de réouverture de l’aéroport de Goma, coordination avec l’ONU : Paris tente de conjuguer geste humanitaire et posture d’influence. Mais Kigali a immédiatement répliqué : « La France ne peut rouvrir un aéroport dans une zone sous contrôle rebelle ». L’avertissement est clair. Cette crispation illustre une recomposition plus vaste. Tandis que Washington renforce sa coopération sécuritaire avec le Rwanda, Pékin sécurise son accès au cobalt congolais et Moscou infiltre l’espace informationnel africain via ses proxies numériques, la France veut éviter d’être réduite au rôle d’observateur compatissant. Emmanuel Macron plaide pour un « humanitaire stratégique » : une aide visible, traçable, connectée à une lutte contre les ingérences et les manipulations en ligne. C’est aussi une manière d’affirmer une souveraineté européenne sur les routes du cobalt et du coltan, devenues les nouvelles artères du monde numérique. La crise congolaise agit alors comme un miroir : elle révèle une Afrique centrale où se croisent guerres hybrides, diplomatie algorithmique et économie de survie. Dans cette nouvelle ère, chaque avion humanitaire, chaque corridor sécurisé, chaque mot prononcé devient un acte de puissance. Et la France, entre idéal moral et calcul stratégique, tente d’y redéfinir sa place.

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Cameroun : Paul Biya, le serment de la continuité et de la stabilité

Sous les ors de l’Assemblée nationale, Paul Biya, a prêté serment pour un nouveau mandat présidentiel. Le chef d’État engage un nouveau cycle politique, entre fidélité à la stabilité et nécessité de transformation. « Le Cameroun demeurera un et indivisible. Je continuerai de défendre la paix, la sécurité et l’unité nationale », a déclaré Paul Biya, lors de son discours d’investiture, le 6 novembre 2025. Un serment à forte portée symbolique La date n’a rien d’un hasard : le 6 novembre 1982, Paul Biya accédait au pouvoir. Quarante-trois ans plus tard, le président camerounais prononce de nouveau son serment, devant un Parlement réuni en congrès, en présence de délégations étrangères venues d’Afrique, d’Europe et d’Asie. La cérémonie, marquée par une salve de 101 coups de canon, s’est déroulée dans un climat solennel. Plus de 2 000 invités, dont des représentants de l’Union africaine et de la Francophonie, ont assisté à l’événement. « L’image que renvoie le Cameroun est celle d’une stabilité institutionnelle rare dans la région », a rappelé Souleymane Bachir Diagne, philosophe et observateur de la vie politique africaine. Des défis internes immenses Derrière la continuité, les défis demeurent. Le pays fait face à une triple tension : la crise anglophone, qui continue de fragiliser le nord-ouest et le sud-ouest ; la menace de Boko Haram, toujours active dans le bassin du lac Tchad ; l’attente sociale d’une jeunesse nombreuse, frustrée par le chômage et le manque d’alternatives politiques. Le président Paul Biya a promis de « renforcer la décentralisation » et d’encourager l’entrepreneuriat des jeunes, soulignant que « le dialogue et la concertation » seront les piliers de son mandat. Un regard international mesuré Les capitales étrangères observent attentivement Yaoundé. La France a salué « la stabilité institutionnelle du Cameroun », tandis que la CEEAC a réaffirmé son soutien à « la sécurité régionale et à la coopération économique ». Pour autant, la communauté internationale reste prudente. L’ONG Human Rights Watch, a exhorté le gouvernement à garantir « une gouvernance plus inclusive et respectueuse des libertés fondamentales ». Dans une Déclaration conjointe de diplomates africains à Yaoundé, il est écrit : « La stabilité ne doit pas être synonyme d’immobilisme : elle doit préparer l’avenir ». Un équilibre à trouver À 92 ans, Paul Biya incarne la continuité, mais aussi le poids d’un long exercice du pouvoir. Ses partisans saluent « l’expérience et la résilience » d’un homme d’État ayant préservé la paix dans un environnement régional instable. Ses critiques, eux, réclament une ouverture politique réelle. « Le Cameroun n’a pas besoin d’une révolution, mais d’une respiration », a déclaré un diplomate. Le nouveau mandat s’annonce donc comme celui de l’équilibre : entre stabilité et réforme, entre fidélité et passage de témoin, entre héritage et avenir. Pour conclure : «Le serment que je prête aujourd’hui est celui de la fidélité à la nation et à son avenir», a clamé Paul Biya. Les chiffres du mandat Biya

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