À la Une

Sanaga-Maritime : Édéa au carrefour des promesses industrielles et des fractures sociales

Située au cœur d’un axe stratégique entre Douala et Yaoundé, la ville d’Édéa cristallise les espoirs de développement industriel du Cameroun, mais fait face à des défis criants en matière d’inclusion sociale, d’infrastructures et de gouvernance. À 60 kilomètres de Douala, Édéa, chef-lieu du département de la Sanaga-Maritime, s’impose comme un pôle industriel historique au Cameroun. Dotée d’une centrale hydroélectrique majeure sur la Sanaga, d’une usine d’aluminium exploitée par Alucam, d’infrastructures portuaires en développement, et d’un réseau ferroviaire stratégique, la ville possède un potentiel économique considérable. Pourtant, sur le terrain, les promesses de développement se heurtent à des inégalités structurelles et à une gouvernance locale fragile. Un territoire riche en atouts… mal exploités Le département est traversé par des corridors logistiques cruciaux reliant les capitales économiques et politiques du pays. Il dispose aussi d’une biodiversité importante, d’un potentiel agricole sous-exploité (hévéa, palmier à huile, manioc, cacao) et d’un patrimoine touristique naturel et historique méconnu. La présence d’industries lourdes et de grandes entreprises agro-industrielles comme SOCAPALM ou Hevecam devrait logiquement tirer l’économie locale vers le haut. Mais la réalité est plus contrastée : chômage des jeunes, faible industrialisation en aval, pollution environnementale, expropriations foncières mal encadrées. « Le développement ne profite qu’à une minorité, et les populations locales peinent à en voir les retombées concrètes », explique un cadre local de la société civile, sous couvert d’anonymat. Déficit d’infrastructures et urbanisation anarchique La ville d’Édéa souffre d’un déficit chronique d’infrastructures de base : routes secondaires en mauvais état, accès limité à l’eau potable dans les zones rurales, services de santé saturés, équipements scolaires insuffisants. L’urbanisation progresse sans plan directeur clair, posant des risques en termes de sécurité, d’environnement et de cohésion sociale. La croissance démographique rapide, couplée à un exode rural mal maîtrisé, accentue les tensions foncières. De nombreux jeunes, sans emploi ni formation adéquate, se retrouvent marginalisés, ce qui nourrit des frustrations susceptibles d’alimenter l’instabilité sociale. Enjeux géopolitiques et de souveraineté économique Sur le plan stratégique, la Sanaga-Maritime joue un rôle pivot dans la stratégie énergétique nationale. La rivière Sanaga alimente plusieurs barrages majeurs, et des projets hydroélectriques supplémentaires sont en cours d’étude. « Celui qui contrôle l’énergie contrôle le développement », observe un analyste camerounais en intelligence économique. Cependant, la dépendance à des multinationales étrangères pour l’exploitation des ressources critiques (bauxite, aluminium, agro-industries) interroge la souveraineté économique locale. Le tissu industriel local reste embryonnaire, faute de politiques d’incitation à la transformation locale ou à la montée en gamme des chaînes de valeur. Quelles perspectives ? Pour que la Sanaga-Maritime devienne un vrai moteur du développement inclusif, plusieurs leviers sont nécessaires : • Un plan d’aménagement du territoire clair, intégrant les dimensions économique, sociale et écologique ; • Un dialogue transparent entre les industriels, les pouvoirs publics et les communautés locales, notamment sur les questions foncières ; • Un investissement accru dans la formation professionnelle, l’agro-industrie locale et l’économie circulaire ; • Une gouvernance locale renforcée, capable de planifier et de surveiller l’impact des investissements. À Édéa, le développement est en marche, mais il avance sur une ligne de crête. Entre opportunités industrielles majeures et inégalités persistantes, l’avenir du département dépendra de sa capacité à concilier modernisation économique, inclusion sociale et gestion responsable des ressources. La Sanaga-Maritime a les cartes en main – reste à savoir si les acteurs en présence sauront jouer une partie gagnante pour la population. Noël Ndong

Sanaga-Maritime : Édéa au carrefour des promesses industrielles et des fractures sociales Read More »

Les diasporas, un atout essentiel du continent africain

écrit par Noël N’DONG 3 juin 2024 5 minutes lire Quelque 1,3 milliard de personnes et 2,6 milliards d’habitants prévus en Afrique 2050, dont 200 millions font déjà partie de la diaspora. Dans leur pays d’adoption, les diasporas participent aux innovations, aux échanges culturels, à l’accélération de l’économie. Elles sont également un soutien essentiel pour leur pays d’origine. La question a été abordée lors du 16e sommet économique États-Unis-Afrique, qui s’est tenu du 3 au 6 mai à Dallas. Aux Etats-Unis. Aux Etats-Unis, l’Etat du Texas abrite la majorité de la diaspora africaine.  Augmenter la participation des diaspora dans les strates politiques américaines En septembre 2023, l’administration Biden a créé le conseil présidentiel de l’engagement de la diaspora, avec comme présidente Deniece Laurent-Matney. Selon cette dernière, l’impact de la diaspora est rendu de plus en plus visible. Elle pense qu’« il est nécessaire d’utiliser la diaspora comme un outil, et comme générateur de recommandations de politiques publiques ». Deniece Laurent-Matney rappelle la forte participation de la diaspora africaine à la construction des États-Unis. Aujourd’hui, les Afro-Américains, Afro-Caribéens, les 1ʳᵉ et 2ᵉ générations veulent se connecter avec le continent. « C’est notre rôle en tant que gouvernement de leur donner l’espace pour le faire », appuie-t-elle. L’ambassadrice de Tanzanie aux Etats-Unis, Elsie Sia Kanza, déclare: « Ma préoccupation actuelle est de voir comment on peut augmenter la participation de la diaspora dans les différentes strates politiques américaines. Que ce soit dans le gouvernement fédéral, au niveau des États ou des villes. C’est important, car c’est là que les décisions sont faites ». Elle se réfère à la représentation phénoménale de la diaspora indienne dans les différentes strates américaines. « On les voit au Congrès, dans l’administration, au niveau local. Ils se positionnent là où sont les ressources. Nous aussi, on a besoin de plus d’engagement politique des diasporas dans le pays où ils habitent », martèle-t-elle. La diaspora africaine en France Les diasporas représentent potentiellement 20 % de la population française. Les liens avec le pays d’origine se matérialisent entre autres par des transferts d’argent en augmentation croissante : 520 milliards de dollars transférés dans le monde en 2018 selon la Banque mondiale, dont 8 milliards transférés de la France vers l’Afrique en 2018. Les tendances récentes montrent également une augmentation générale du niveau de diplôme des diasporas ainsi qu’une féminisation accrue, selon les données OCDE-AFD 2019. Les initiatives portées par les diasporas Si l’essentiel des transferts des diasporas vers leurs pays d’origine est destiné à la consommation des familles restées au pays (consommation courante, frais de scolarité, de logement ou de santé), on estime qu’en moyenne 15 % de ces transferts sont dédiés à des investissements, en particulier dans l’immobilier. Une même personne est parfois mobilisée pour un soutien familial, un engagement associatif, un projet d’entreprise ou un projet immobilier. Des pratiques différentes émergent avec les nouvelles générations, enfants dits de 2ème et 3ème générations : une plus grande place à l’entreprise et à l’investissement privé, une implication dans les grandes causes que sont le climat et la lutte contre les inégalités. Des personnalités emblématiques du monde économique, politique, de la culture, du sport, s’engagent et font figure d’ambassadeurs de la solidarité internationale. Preuve que ces diasporas peuvent avoir un immense impact. Le rôle essentiel des « repatriés »  Parmi les nouvelles générations de la diaspora émerge le mouvement des « repats », abréviation de « repatriés », par opposition aux expatriés. 70 % des étudiants africains en MBA veulent ainsi se relocaliser en Afrique. Ce retour des talents appuyés par des dispositifs comme AfricTalent, Forum Elit, MoveMeBack, Careers in Africa, est caractérisé par une forte légitimité, l’intérêt personnel pour le développement du continent, mais également l’intelligence émotionnelle et la capacité à repérer les tendances. Les grandes entreprises comme Orange, Unilever, CFAO, Canal+ font déjà des diasporas un atout majeur de leur développement en Afrique. Les données sur ces nouveaux profils sont encore peu nombreuses, mais l’association Inspire Africa estime que : 76 % des « repats » ont vécu en France, 26 % en Amérique du Nord ; un tiers ne rentre pas dans son pays d’origine mais privilégie un autre pays d’Afrique ; 32% des « repats » seraient des entrepreneurs. Les principales raisons du retour en Afrique sont la volonté d’avoir un impact sur le continent, les opportunités professionnelles intéressantes et la pression familiale et sociale. Les diasporas s’imposent de plus en plus aux sein des institutions. Leur apport à la vie citoyenne, politique et économique est de plus en plus reconnu par les gouvernements des pays d’origine, notamment au Maroc, au Sénégal, en Guinée et au Mali, des députés, ministres du gouvernement sont issus des diasporas.

Les diasporas, un atout essentiel du continent africain Read More »

Afrique du Sud : l’ancien président Jacob Zuma en visite au Maroc

Après la crise du Covid-19, l’Afrique sera confrontée à une réalité nouvelle. Compter plus sur ses propres ressources que sur l’aide au développement pour faire face aux séquelles laissées par la pandémie. L’ancien Premier ministre du Burkina Faso, Tertius Zongo, directeur de la chaire Sahel de la Fondation pour les études et la recherche sur le développement international (Ferdi) et Emmanuel Pinto Moreira, directeur de recherche à la Banque africaine de développement (Bad), font le point. Emmanuel Pinto Moreira appelle à une autre mondialisation. A court terme, il s’interroge sur le ciblage des personnes les plus pauvres, souligne la difficulté de confiner des populations qui travaillent dans l’informel – prioritaires en matière d’aides. À plus long terme, il pense que cette crise va donner l’opportunité à une forme de « déglobalisation », en termes de blocs (Chine, Europe et Occident, Afrique, etc.). A cet égard, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) représente « une opportunité intéressante », souligne-t-il, « à condition qu’elle soit bien menée : taxation commune, politiques de libéralisations communes, etc ». Tertius Zongo souligne pour sa part que l’Afrique est diverse. C’est le cas de la région du Sahel, confrontée à l’insécurité et à la pauvreté. Ce qui ne permet pas d’assurer le développement. Il rappelle que l’aide au développement n’a jamais créé le développement – elle l’accompagne simplement – néanmoins, « il s’agit de parer au plus urgent, face aux difficultés budgétaires des pays africains ». Ces facteurs de fragilité sont enracinés dans les pays sahéliens. Et la paix est un bien public qui impose d’agir, indique l’ancien Premier. « Mais comment-agir ? « , poursuit-il. Il propose de « croiser les différents regards afin de définir les points sur lesquels il faut avancer ». « Les politiques économiques n’ont jamais pris en compte les facteurs de fragilité de l’Afrique. Il faut améliorer la réflexion sur l’économie-politique de nos pays ; il faut s’appuyer davantage sur l’histoire de nos sociétés. Cette question n’est jamais posée ainsi », ajoute-t-il. Pour que l’aide soit efficace, plusieurs conditions doivent être remplies. A savoir, une approche collégiale, une association de tous les acteurs, une innovation en matière d’acteurs, « ne faisant plus appel systématiquement au grandes institutions ou aux grandes entreprises, en associant les ONG et les collectivités locales, en aidant les pays à rester maîtres de leur politique« . L’urgence, pour Tertius Zongo, revient à sauver des vies, en renforçant les systèmes de santé. Il faut aussi garder l’économie en état de marche, garantir le bon fonctionnement des services publics, et parvenir à « planter les graines d’une résilience future ». Sur le plan politique, il plaide pour un équilibre entre la liberté et la sécurité. Pour conclure; « il faut éteindre rapidement les velléités nationalistes qui affaiblissent les efforts de panafricanisme, accélérer la coopération et l’intégration régionale. » Noël Ndong

Afrique du Sud : l’ancien président Jacob Zuma en visite au Maroc Read More »

Scroll to Top