Afrique & Monde

Cameroun : Paul Biya supprime les lignes 65 et 94  – Vers une nouvelle ère de transparence ou simple manœuvre politique ?

Dans une décision sans précédent, le président camerounais Paul Biya a ordonné la suppression des lignes budgétaires 65 (dépenses communes de fonctionnement) et 94 (interventions en investissements) dès l’exercice 2026. Ces lignes, longtemps au cœur des critiques pour leur opacité, sont désormais au centre d’un vaste débat politique, économique et électoral, à l’approche de la présidentielle de 2025. Les lignes 65 et 94 : leviers d’opacité budgétaire Pendant plus d’une décennie, les lignes 65 et 94 ont permis de financer diverses dépenses publiques sans obligation claire de justification, ni visibilité publique. En 2022, un audit ordonné par la présidence a révélé que plus de 5 000 milliards de FCFA avaient été engagés entre 2010 et 2021 via ces canaux. Parmi les irrégularités relevées : Suppression actée et nouvelle dotation plafonnée Le chef de l’État a décidé de mettre fin définitivement à ces lignes budgétaires à compter de 2026. À leur place, une nouvelle ligne appelée « dotation spéciale » sera introduite, avec un plafond de 10 % des crédits du budget de l’État. Cette réforme a pour objectif de centraliser, justifier et rationaliser les dépenses non programmées, tout en réduisant les risques de corruption. Réactions de l’opposition : « Une victoire incomplète » La classe politique d’opposition, notamment le MRC de Maurice Kamto – candidat à l’élection présidentiel sous la bannière Manidem – et le PCRN de Cabral Libii, a accueilli favorablement l’annonce, mais déplore une absence de poursuites concrètes contre les responsables identifiés. Selon un communiqué du MRC : « Cette suppression est la preuve d’une mauvaise gestion longtemps dénoncée. Si elle n’est pas suivie d’enquêtes judiciaires et de sanctions exemplaires, elle restera un simple effet d’annonce ». L’opposition appelle également à plus de transparence sur les résultats de l’audit, à une publication des noms des agents impliqués, et à une réforme globale des mécanismes de contrôle budgétaire. Comparaisons régionales *Rwanda : Avec un indice de perception de la corruption élevé (57/100), le Rwanda est l’un des rares pays de la sous-région à avoir réussi à réduire significativement la corruption, grâce à la numérisation des services publics, des sanctions sévère et un engagement politique contre l’impunité. *RDC & RCA : En République Démocratique du Congo et en Centrafrique, les lignes budgétaires équivalentes sont souvent encore plus opaques, avec très peu de contrôle parlementaire ou citoyen. L’indice Open Budget Survey 2023 classe la RCA à 6/100, l’un des pires scores au monde. *Cameroun : Avec 50/100 au même indice, le Cameroun se situe au-dessus de la moyenne régionale, mais loin des standards internationaux. La suppression des lignes 65 et 94 pourrait permettre une remontée significative dans les classements internationaux, à condition que la réforme soit réelle, suivie et auditable. Implications pour l’élection présidentielle de 2025 * Certains observateurs, y voient une manœuvre politique pour désarmer les critiques internes (clans rivaux au sein du régime) ;montrer une image réformiste à la communauté internationale ; restaurer la légitimité du pouvoir avant l’élection prévue fin 2025. *Mobilisation de l’opposition : Des mouvements citoyens comme « 11 millions d’inscrits » visent à encourager l’enrôlement des jeunes sur les listes électorales. La réforme budgétaire pourrait alimenter leur discours, en montrant que le changement est possible si la pression citoyenne augmente. *Risque de désillusion : Si aucune suite judiciaire n’est donnée à l’audit et que les mêmes mécanismes de détournement se réinstallent ailleurs, cela pourrait aggraver le désenchantement politique, en particulier chez les jeunes, qui représentent près de 60 % de la population électorale, mais dont beaucoup restent non-inscrits. Rupture ou recyclage du système ? La suppression des lignes 65 et 94 représente une occasion historique de restaurer la transparence budgétaire au Cameroun. Elle constitue un signal fort, mais son efficacité dépendra de la volonté politique à poursuivre les fautifs ; de la réforme structurelle des mécanismes de contrôle. Dans le contexte sensible de la présidentielle de 2025, cette réforme budgétaire pourrait devenir un tournant décisif – soit en instaurant une nouvelle ère de gestion publique, soit en révélant une énième opération de communication sans suite. Noël Ndong

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Économie bleue : le Gabon avance, le Cameroun cherche sa voie dans un Golfe de Guinée sous tension

En juillet 2025, le Gabon a officialisé sa stratégie nationale pour l’économie bleue, ambitionnant de structurer durablement ses secteurs maritime et halieutique. Présentée par la ministre de la Mer, cette feuille de route s’articule autour de six axes prioritaires : gouvernance, cadre juridique, infrastructures, surveillance, durabilité et coopération. « Le Gabon fait le choix d’un développement intégré et durable des ressources maritimes. C’est une réponse à la fois économique, sociale et environnementale », a souligné Laurence Ndong. Cameroun : un potentiel à structurer Le Cameroun, pourtant doté de 402 km de côtes et d’un potentiel halieutique estimé à 150 000 tonnes/an, ne dispose pas encore d’une stratégie d’économie bleue unifiée. Les efforts sont dispersés entre modernisation portuaire, accords bilatéraux de pêche, et projets côtiers ponctuels. Dr Hugues Nguemwo, expert en économie maritime basé à Douala, explique : « Il manque une vision intersectorielle, articulée à la planification nationale et aux enjeux climatiques et sécuritaires ». Ajoutant : « Le Gabon donne l’exemple d’une gouvernance cohérente. Le Cameroun gagnerait à s’en inspirer pour valoriser ses ressources et sécuriser son espace maritime ». Une région sous haute tension : les risques maritimes croissants Le Golfe de Guinée, qui s’étend de la Guinée au Congo, est devenu en une décennie l’épine dorsale maritime de l’Afrique de l’Ouest et centrale, mais aussi une zone à haut risque. Il concentre plus de 40 % des incidents de piraterie maritime en Afrique, selon l’Office maritime international (OMI, 2024). « La piraterie a évolué vers des formes plus organisées, impliquant parfois des complicités locales, et affectant les chaînes logistiques », note un rapport de l’Institut d’études de sécurité basé à Dakar. Autres menaces majeures : Face à cela, la coordination régionale demeure limitée, malgré la mise en place de mécanismes tels que le Code de conduite de Yaoundé (2013) et les centres régionaux de sécurité maritime (CRESMAO et CRESMAC). « Sans une coopération régionale renforcée et des stratégies nationales robustes, le potentiel économique de la mer restera vulnérable », alerte un officier de la Commission du Golfe de Guinée. Alors que le Gabon structure son économie bleue dans une approche proactive et durable, le Cameroun dispose d’atouts stratégiques mais manque encore d’un cadre politique intégré. Dans un Golfe de Guinée en proie à des risques croissants, la souveraineté maritime, la sécurité des ressources et l’attractivité économique dépendent désormais d’une vision partagée, sécurisée et écologiquement viable. Noël Ndong

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UNESCO : nouveau retrait des Etats-Unis, une fracture dans l’engagement multilatéral

Le gouvernement américain a annoncé un nouveau retrait de l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture), effectif au 31 décembre 2026. Il s’agit du troisième retrait historique des Etats-Unis depuis 1945 : après les départs de 1984  sous Reagan et 2018 sous Trump I , puis la réintégration en 2023 sous l’administration Biden. L’administration Trump II avance que l’UNESCO promeut des agendas « divisifs« , jugés contraires aux intérêts nationaux : soutien à la reconnaissance de l’État palestinien, biais anti-israélien, initiatives « DEI » (diversité, équité, inclusion) qualifiées de « woke« . Impact budgétaire et stratégique Les États-Unis contribuaient à environ 8 % du budget de l’UNESCO (contre 20‑22 % jusqu’en 2011), et leur départ entraînera une réduction notable des financements couverts, notamment en matière d’éducation, patrimoine et droits humains. Bien que moins dépendante qu’auparavant, l’agence subira néanmoins les effets sur certains programmes clés, notamment ceux soutenus historiquement par les États-Unis. Enjeux géopolitiques et diplomatiques Ce retrait s’inscrit dans la doctrine « America First », marquée par une défiance vis-à-vis des organisations multilatérales. Il reprend la logique de retrait d’autres entités internationales telles que l’OMS ou le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Des critiques mentionnent une tentative de neutralisation de l’influence croissante de la Chine au sein de l’UNESCO, notamment dans les domaines éducatifs et technologiques. En s’éloignant, les États-Unis perdent une position stratégique dans la légitimation des normes globales. Réactions et périmètre d’impact La directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, a exprimé ses regrets tout en assurant que l’organisation resterait résiliente, renforcée par ses financements diversifiés. Pour les experts, ce retrait pourrait affaiblir la lutte contre les inégalités éducatives, la protection du patrimoine mondial, la mémoire de l’Holocauste, ou encore la liberté de la presse, domaines dans lesquels les États-Unis jouaient un rôle pivot. Noël Ndong

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USA, Expulsions

États‑Unis : Eswatini, première escale pour cinq déportés « sans pays »

Dans le cadre d’un programme controversé de déportations vers des pays tiers, les États-Unis ont expulsé cinq individus condamnés pour crimes graves (meurtre, viol sur mineur) vers Eswatini, petit royaume d’Afrique australe de 1,2 million d’habitants. Ces personnes, originaires du Vietnam, de Jamaïque, de Cuba, du Yémen et du Laos, avaient vu leurs pays refuser leur réadmission, privant Washington de l’alternative classique de renvoi direct: d’où le recours inédit à une déportation vers un État tiers. À ce jour, cinq individus ont été expédiés vers Eswatini au cours de la deuxième quinzaine de juillet 2025. Il ne s’agit que de la deuxième opération en Afrique en juillet, après l’expulsion de huit hommes vers le Soudan du Sud quelques jours auparavant. Aucun autre vol vers Eswatini n’a été confirmé depuis – malgré des spéculations sur d’éventuelles autres coopérations classifiées. Conditions de détention : confinement strict Dès leur arrivée, les cinq ont été placés en isolement cellulaire, vraisemblablement au Matsapha Correctional Complex, prison de haute sécurité située près de Mbabane. Le gouvernement eswatinien considère ces détenus comme étant « en transit » et envisage une réexpédition progressive vers leurs pays d’origine, mais sans délai annoncé. Enjeux diplomatiques et géopolitiques La décision de Washington suit une décision de la Cour suprême américaine du 23 juin 2025, autorisant les déportations vers des pays tiers, même sans lien juridique ou familial. Eswatini est une monarchie. Plusieurs voix dénoncent un accord secret, probablement obtenu via des concessions politiques ou économiques américaines. Dimension stratégique, intelligence économique Ce procédé exprime une stratégie de territorialisation sécuritaire : ne pouvant pas renvoyer certaines catégories de migrants vers leurs pays d’origine, l’administration privilégie des États vulnérables mais coopératifs. Cela permet de maintenir un discours sécuritaire domestique tout en contournant les blocages diplomatiques classiques. Certains observateurs y voient une mise sous influence discrète : Eswatini (comme précédemment d’autres pays africains ou latino-américains) pourrait être incité à collaborer en échange d’avantages bilatéraux, inscrivant cette politique dans une logique d’intelligence économique globalisée. Risques juridiques et droits humains Les ONG alertent sur une possible violation du principe de non-refoulement : l’absence d’accès à un recours individuel, la détention prolongée en isolement, ainsi que l’opacité des accords sont perçus comme contraires au droit international. Essentiellement, en absence d’évaluations claires, des individus accusés de crimes, même graves, peuvent ne pas bénéficier d’un procès équitable ou d’une procédure transparente. Noël Ndong

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RDC – M23 : un cessez-le-feu fragile dans une guerre de trente ans

« La paix est un choix… une responsabilité à construire », a déclaré le ministre de l’Intérieur de la RDC. Un fragile espoir de paix refait surface à l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Le gouvernement de Kinshasa et les représentants du groupe rebelle M23, soutenu par le Rwanda, ont signé LE 19 juillet à Doha une déclaration d’intention en vue d’un cessez-le-feu permanent, prélude à un « accord de paix global ». Si le ministre de l’Intérieur, Jacquemain Shabani, se dit « pleinement convaincu » que le pays est « proche de la paix », l’histoire récente invite à la prudence : les précédents accords de cessez-le-feu ont souvent été violés, parfois dans les semaines suivant leur signature. Depuis 30 ans, l’est du pays – région frontalière du Rwanda et de l’Ouganda, riche en or, coltan et cobalt – reste enlisé dans un conflit multidimensionnel, où s’entrelacent rivalités ethniques, enjeux économiques, influences régionales et faillite de l’État. Le retour du M23, mouvement politico-militaire déjà actif entre 2012 et 2013, a ravivé les tensions depuis fin 2021, avec une offensive éclair menée en appui de troupes rwandaises, selon Kinshasa et l’ONU. Face à une armée congolaise débordée, les combats ont provoqué des milliers de morts et plus d’un million de déplacés, accentuant une crise humanitaire aiguë. La déclaration de Doha prévoit une feuille de route pour la restauration de l’autorité de l’État dans les zones sous contrôle du M23. Kinshasa y voit une première étape vers un redéploiement administratif et sécuritaire, précisant que ce retrait se fera dans le cadre d’un processus négocié, ce qui a suscité des critiques au sein de l’opinion publique congolaise, impatiente de voir un retour immédiat des institutions. Malgré ce nouveau cadre diplomatique, les lignes de front n’ont pas bougé depuis février, et le terrain reste instable. Le M23 continue d’affronter une myriade de milices locales pro-Kinshasa, dans une logique de guerre asymétrique difficile à contenir. Cette guérilla permanente, conjuguée à l’implication d’acteurs non étatiques et de puissances voisines, complexifie toute issue militaire ou politique durable. Pour les autorités congolaises, la réussite du processus repose sur une double dynamique : un soutien populaire renforcé et des concessions mutuelles. « Nous voulons une paix définitive, une paix durable », a martelé le ministre de la Communication Patrick Muyaya, en appelant à un effort collectif de reconstruction. Si la signature de Doha constitue un jalon symbolique, le chemin vers la paix réelle demeure semé d’incertitudes. Les partenaires régionaux, l’Union africaine et les Nations unies seront scrutés quant à leur capacité à garantir la mise en œuvre et le respect des engagements. En RDC, où chaque cessez-le-feu a jusqu’ici précédé une nouvelle flambée de violences, la vigilance reste de mise. Noël Ndong

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La population mondiale à l'horizon 2100

10 milliards d’habitants ? Le monde au bord du basculement démographique

« L’humanité n’a jamais été aussi nombreuse… ni aussi proche du déclin », selon  le rapport des Nations unies sur la population mondiale, 2025. Alors que la planète se prépare à franchir le cap des 10 milliards d’habitants vers 2050, une vérité plus discrète s’impose dans les modèles démographiques des Nations unies : le pic de population mondiale pourrait être atteint plus tôt que prévu, suivi d’un déclin global dès la fin du siècle. En 2022, l’humanité comptait 8 milliards de personnes. D’ici à 2080, la courbe pourrait commencer à s’inverser, amorçant un retournement historique sans précédent. Une stagnation qui masque un basculement En vingt ans, la population mondiale a gagné deux milliards d’habitants. Les 60 prochaines années devraient produire le même résultat – mais à un rythme plus lent, signe d’un essoufflement. Le rapport onusien indique que la population mondiale diminuera de 13 millions de personnes d’ici à 2100, si les tendances actuelles se confirment. Le taux de natalité plonge, tandis que la mortalité repart à la hausse, aggravée par les pandémies, les conflits et le vieillissement. Vieillir plus vite que l’on ne naît Le tournant est déjà perceptible : en 2030, il y aura plus de personnes âgées de plus de 80 ans que d’enfants de moins d’un an. À l’échelle mondiale, les plus de 65 ans dépasseront les moins de 18 ans dès 2080, redéfinissant les priorités économiques, sociales et sanitaires des États. « Nous entrons dans une ère où la démographie devient un facteur de vulnérabilité stratégique », indique un analyste de l’Institut international des études démographiques (IIED). Des pays au seuil de saturation Un quart de l’humanité vit déjà dans des pays dits « démographiquement saturés », c’est-à-dire où les infrastructures, les ressources et l’environnement ne peuvent plus soutenir une croissance continue. Des mégapoles tentaculaires en Afrique, en Asie et en Amérique latine concentrent les défis du siècle : gestion de l’eau, urbanisation incontrôlée, alimentation, emploi. Conséquences économiques et stratégiques Le vieillissement global reconfigure les modèles économiques : réduction de la population active, explosion des dépenses de santé, crise des retraites, et redéploiement des investissements. Des pays comme le Japon, l’Italie, ou la Corée du Sud expérimentent déjà cette transition démographique à marche forcée, et certains experts estiment qu’elle pourrait affecter la compétitivité globale de ces économies d’ici 2050. L’intelligence économique à l’ère post-démographique À long terme, la démographie devient un outil d’anticipation stratégique. Les géants technologiques et industriels investissent dans l’automatisation, la robotique, l’intelligence artificielle pour compenser la raréfaction des forces vives. La guerre de demain pourrait aussi être une guerre de cerveaux, entre nations jeunes et vieillissantes, entre créativité démographique et épuisement social. L’humanité approche du sommet de sa courbe démographique. Derrière le chiffre symbolique des 10 milliards se profile une autre réalité : le monde entre dans une ère de décroissance silencieuse, porteuse d’opportunités écologiques… mais aussi de fragilités économiques et géopolitiques inédites. Noël Ndong

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Afrique centrale & Cameroun : une croissance démographique à double tranchant

Alors que la population mondiale devrait atteindre environ 10 milliards d’habitants d’ici 2050, l’Afrique centrale enregistre l’une des croissances les plus rapides au monde. Selon les projections démographiques actualisées de l’ONU (2024), la population de l’Afrique centrale atteindra près de 260 millions d’habitants en 2050, contre environ 183 millions en 2025. Cette région, qui regroupe notamment le Cameroun, le Tchad, la RCA, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale et la RDC, sera un des foyers majeurs de la croissance africaine. Cameroun : un doublement en perspective Avec 28,6 millions d’habitants en 2025, le Cameroun pourrait franchir le cap des 50 millions à l’horizon 2050, si les tendances actuelles se maintiennent. Ce dynamisme s’explique par un taux de fécondité moyen de 4,3 enfants par femme, bien au-dessus de la moyenne mondiale (2,3). Le pays est aujourd’hui l’un des plus peuplés de la région, juste derrière la RDC. Dynamique urbaine et pression sur les infrastructures Plus de 60 % de la population camerounaise vivra en milieu urbain d’ici 2040, contre 57 % aujourd’hui. Les villes comme Douala, Yaoundé ou Garoua deviennent des pôles de pression démographique, avec une jeunesse massive (plus de 60 % ont moins de 25 ans) et des besoins accrus en éducation, santé, emploi et logement. Vers un rééquilibrage mondial Si le vieillissement s’accélère en Europe et en Asie – où les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 18 ans dès 2080-, l’Afrique centrale, elle, restera jeune et dynamique, mais confrontée à un défi d’insertion sociale et économique. « Cette jeunesse, c’est un dividende démographique, mais seulement si l’investissement dans le capital humain suit », avertit un expert démographe de la CEA. Le Cameroun et l’Afrique centrale s’inscrivent dans un futur où leur poids démographique pèsera lourd sur la scène économique et géopolitique. La vraie question n’est pas combien ils seront, mais dans quelles conditions ils vivront. Noël Ndong

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Cameroun : restitution des biens culturels, enjeux, jurisprudence et perspectives

Le Cameroun multiplie aujourd’hui les initiatives en faveur du rapatriement des biens culturels exportés pendant la colonisation – en particulier vers la France et l’Allemagne. Parmi les artefacts emblématiques visés se trouve le « Dzom So’o », masque initiatique Fang‑Beti conservé à Munich, objet central des négociations en cours entre Yaoundé et les autorités germanophones. Un comité interministériel, créé en 2022, coordonne ces démarches. Une délégation officielle a récemment visité Berlin, Stuttgart et Brême pour identifier plus de 40 000 objets camerounais en Allemagne, dont plus de 2 700 à Brême, et entamer les négociations de restitution. Cadre juridique international : conventions et prescription Le Cameroun s’appuie sur les conventions de 1970 (UNESCO) et de 1995 (UNIDROIT), ratifiées pour encadrer les demandes de restitution des biens « volés ou illicitement exportés ». Ces textes prévoient des obligations de diligence et un délai d’action légal (généralement entre trois et cinquante ans) pour engager des procédures de retour. Perceptions diplomatiques et contextes institutionnels Les Camerounais tels que le Prince Kum’a Ndumbe III dénoncent une gestion bureaucratique déséquilibrée du processus : le comité interministériel, jugé peu inclusif, serait dominé par des fonctionnaires, sans intégration suffisante des acteurs culturels et des communautés concernées. Enjeux géopolitiques, diplomatiques et de mémoire La restitution est à la fois un acte symbolique de reconnaissance et une exigence diplomatique. La France a entamé une réforme législative en 2020 pour faciliter les retours, mais a limité ses engagements à certaines anciennes colonies comme le Bénin et le Sénégal, laissant le Cameroun en marge. Malgré cela, un fonds franco-allemand de 2,1 millions d’euros soutient aujourd’hui des recherches de provenance sur les objets africains, priorisant les anciennes colonies allemandes (dont le Cameroun), dans le but d’éclairer les négociations à venir. La restitution des biens culturels camerounais est un enjeu juridique et diplomatique majeur. Le succès dépendra de la rigueur des inventaires, du respect des conventions internationales, et d’une approche inclusive et participative. Le chemin vers la restitution est encore long, mais la détermination de Yaoundé, alliée au mouvement global pour la mémoire décoloniale, ouvre une nouvelle ère dans la gestion du patrimoine africain. Noël Ndong

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Cameroun : l’État trace le mobile money pour asseoir sa souveraineté budgétaire

Dans un contexte de mutation numérique accélérée, le gouvernement camerounais déploie une nouvelle stratégie de traçabilité fiscale des flux issus du mobile money. Objectif : lutter contre les sous-déclarations, améliorer la transparence financière et sécuriser des recettes publiques indispensables. Une réforme qui, au-delà de sa dimension technique, revêt une portée géopolitique et économique régionale. Selon la BEAC, le Cameroun concentre à lui seul 71 % des volumes et 55 % de la valeur des transactions mobile money en zone CEMAC. En 2022, plus de 59 000 milliards FCFA ont transité par ces plateformes. Face à cet essor, un dispositif électronique de contrôle sera prochainement déployé pour interfacer les serveurs des opérateurs avec le fisc. La taxe forfaitaire de 4 FCFA par transaction, introduite dans la loi de finances 2025, pourrait générer 15 milliards FCFA supplémentaires pour le Trésor, tout en suscitant débats sur l’équilibre entre inclusion financière et pression fiscale. « Ce n’est pas seulement une mesure budgétaire, mais une stratégie de souveraineté économique », confie un conseiller à la présidence. En pleine reconfiguration des équilibres régionaux, le Cameroun veut afficher une gouvernance moderne et crédible. Cette réforme pourrait faire école dans une Afrique centrale encore largement dépendante de flux informels. À terme, elle pourrait repositionner le Cameroun comme pionnier d’une fiscalité numérique intelligente, équilibrée entre innovation, équité et développement. Noël Ndong

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Afrique centrale : entre ambitions numériques et réalignements stratégiques

L’annonce par le Tchad, le 18 juillet 2025, d’un investissement de 1,5 milliard de dollars dans le cadre de son programme « Tchad Connexion 2030 » marque un tournant pour l’Afrique centrale.  Cette stratégie numérique, visant à porter le taux de pénétration d’Internet à 30 % d’ici 2030 (contre 13,2 % actuellement), s’inscrit dans une vision plus large de souveraineté technologique, de modernisation administrative et d’intégration régionale. En reliant N’Djamena au Niger, puis à la Libye et à l’Égypte, le Tchad affirme sa volonté de sortir de l’enclavement historique et de repositionner sa diplomatie régionale à travers les infrastructures numériques. C’est une réponse directe à l’effritement sécuritaire dans la région sahélienne, mais aussi à la fragmentation institutionnelle de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Cameroun : un carrefour stratégique sous pression Le Cameroun, pivot naturel de la sous-région, pourrait bénéficier ou pâtir de cette nouvelle donne. Avec ses câbles sous-marins à Douala et Kribi, et une infrastructure télécom plus avancée, Yaoundé est idéalement placé pour devenir une plaque tournante régionale. Mais en l’absence de réformes ambitieuses sur la fiscalité numérique, l’attractivité pour les opérateurs reste modérée. L’introduction de la taxe sur le mobile money en 2022 avait déjà refroidi plusieurs investisseurs. Dans un contexte où le Tchad noue des liens technologiques nouveaux avec ses voisins du nord, le Cameroun doit reconsidérer sa position stratégique. Une interconnexion plus profonde avec la RCA, en phase de stabilisation politique après l’accord de N’Djamena, ou un partenariat renforcé avec le Gabon et la Guinée équatoriale, s’impose comme une nécessité géopolitique. Géopolitique du numérique et sécurité régionale Derrière l’expansion numérique se jouent aussi des enjeux de souveraineté sécuritaire. À mesure que les administrations se numérisent, les cybermenaces transfrontalières se multiplient. Le Cameroun, confronté aux menaces dans l’Extrême-Nord et aux instabilités à ses frontières orientales, voit dans le numérique un levier de sécurisation des communications civiles et militaires. « Celui qui contrôle les infrastructures numériques contrôle demain les flux d’information, la gouvernance, la sécurité et la mémoire collective », confie un haut responsable de la CEEAC, appelant à un pacte numérique régional commun. Noël Ndong

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