Afrique & Monde

Ruptures avec le FMI : révélateur multidimensionnel des vulnérabilités africaines

La liste publiée le 12 août 2025 par le FMI sur les retards prolongés dans les consultations au titre de l’article IV expose bien plus qu’un simple non-respect de procédures. Elle révèle des fragilités systémiques, où la gouvernance économique, la stabilité politique, la sécurité nationale et les dynamiques géopolitiques s’entrecroisent. Cinq pays africains – Soudan, Érythrée, Tunisie, Libéria et Sénégal – y figurent. Leur exclusion de fait du circuit de financement multilatéral illustre une crise de confiance aux conséquences profondes. Sur le plan géopolitique, la rupture du dialogue avec le FMI reflète souvent une marginalisation diplomatique. L’Érythrée, coupée de tout processus d’évaluation depuis 2019, s’est installée dans une posture de repli stratégique. Le Soudan, englué dans une guerre civile depuis 2020, voit sa désintégration sécuritaire se traduire par une paralysie institutionnelle complète. Dans ces cas, l’absence de sécurité nationale devient un obstacle structurel au dialogue international. La dimension géoéconomique est tout aussi centrale. Le Sénégal, pourtant présenté comme un modèle de stabilité jusqu’en 2023, illustre la fragilité des architectures financières africaines : la découverte de dettes cachées (7 milliards USD) a suffi à suspendre les programmes du FMI, témoignant de l’impact de la transparence budgétaire sur la crédibilité financière. Le Liberia, quant à lui, montre que les transitions politiques peuvent momentanément désorganiser l’appareil administratif sans nécessairement compromettre la reprise du dialogue, à condition de restaurer rapidement la stabilité post-électorale. Cette situation prend une résonance particulière en Afrique centrale, région souvent sous-analy­sée dans les discussions sur les retards Article IV, mais exposée à des fragilités comparables. Si aucun pays d’Afrique centrale ne figure actuellement sur la liste du FMI, plusieurs – comme la Centrafrique, le Tchad ou le Congo – restent classés à risque élevé d’endettement, exposés aux chocs sécuritaires (groupes armés, instabilité frontalière) et dépendants des matières premières. Dans cette région, le risque n’est pas uniquement économique, mais aussi sécuritaire : le sous-investissement dans la gouvernance budgétaire alimente des tensions sociales, qui elles-mêmes nourrissent l’instabilité. Sur le plan diplomatique, la sortie récente de pays comme l’Égypte ou l’Éthiopie confirme que le rétablissement du dialogue avec le FMI est possible. Leur retour traduit une volonté politique claire, mais aussi une mobilisation de leviers stratégiques : ancrage dans des programmes d’assistance technique, apaisement des tensions internes, ou renforcement du partenariat avec d’autres bailleurs (Banque africaine de développement, Chine, etc.). En somme, la liste du FMI agit comme un thermomètre des équilibres nationaux. Elle confirme que les retards dans les consultations ne sont pas des anomalies administratives, mais des symptômes d’un désordre plus large. Dans ce contexte, l’Afrique centrale doit tirer les leçons de ses voisins : renforcer ses capacités institutionnelles, professionnaliser la gestion de la dette, et intégrer les enjeux de sécurité au cœur des stratégies de développement. Car sans stabilité sécuritaire ni transparence budgétaire, l’accès aux financements internationaux – et donc aux leviers de transformation – restera hors de portée.

Ruptures avec le FMI : révélateur multidimensionnel des vulnérabilités africaines Read More »

Etoudi -12 octobre 2025 (Cameroun) : Paul Biya jour l’unité comme arme électorale

À deux mois du scrutin, le président mise sur le discours d’unité pour consolider son image d’homme d’ordre face à des fractures sociales et sécuritaires persistantes. Alors que le Cameroun s’apprête à vivre une nouvelle échéance électorale, le président Paul Biya recentre son discours sur des valeurs consensuelles : paix, concorde, cohésion nationale. « Nous devons en tout temps chérir la paix et rechercher la concorde », a-t-il déclaré dans un message à forte portée politique, rappelant les fondements de son projet de société fondé sur le « vivre-ensemble ». Ce message n’est pas anodin. Il intervient dans un climat de fragilisation sécuritaire (notamment dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, toujours en proie à une insurrection séparatiste), de tensions communautaires latentes dans le septentrion, et de polarisation numérique croissante, les réseaux sociaux étant devenus un terrain de confrontation idéologique entre partisans du pouvoir et de l’opposition. En plaçant la paix au centre du débat, Paul Biya adopte une posture de garant de la stabilité, une stratégie bien rodée qui vise à disqualifier toute alternative politique perçue comme potentiellement déstabilisatrice. Ce positionnement sert aussi à rassurer les partenaires internationaux et les investisseurs étrangers inquiets de l’évolution de la situation sécuritaire et institutionnelle du pays. Sur le plan géopolitique, cet appel peut être lu comme un signal à l’endroit des observateurs africains et internationaux : le Cameroun reste, malgré ses tensions internes, un pôle d’équilibre dans une Afrique centrale en recomposition (RCA, Tchad, Gabon), et un acteur-clé dans la lutte contre Boko Haram et les flux migratoires transfrontaliers. À l’approche de la présidentielle, ce retour aux fondamentaux du régime biyaïste – paix, unité, stabilité – illustre la prédominance d’une communication politique de préservation, face à des revendications de plus en plus fortes pour une alternance démocratique et un renouvellement générationnel. Ce message d’appel à la concorde, loin d’être neutre, s’inscrit dans une stratégie électorale maîtrisée. Mais à l’heure où la jeunesse urbaine se politise, où la diaspora devient un acteur de plus en plus vocal, et où les fractures internes demeurent vives, la paix ne peut plus être simplement invoquée : elle doit être concrètement négociée, redistribuée et institutionnalisée. C’est le véritable défi de cette présidentielle.

Etoudi -12 octobre 2025 (Cameroun) : Paul Biya jour l’unité comme arme électorale Read More »

Tchad : l’arrestation du fils présumé du fondateur de Boko Haram, entre défi sécuritaire et recomposition régionale

Une opération antiterroriste relance les enjeux de coopération régionale, de stabilité économique et de leadership stratégique en Afrique centrale. L’interpellation à l’ouest du Tchad de six individus suspectés d’activités terroristes, dont l’un serait Muslim Mohammed Yusuf – fils cadet du fondateur de Boko Haram – , marque un tournant potentiel dans la lutte contre les groupes djihadistes sahéliens. Si l’identité du jeune homme, arrêté sous un faux nom, reste à confirmer, la symbolique de cette opération alimente autant les dynamiques sécuritaires que diplomatiques. Sur le plan sécuritaire, cette arrestation intervient dans une zone sensible, théâtre d’activités transfrontalières de l’ISWAP, branche dissidente de Boko Haram ralliée à l’État islamique. La porosité des frontières dans le bassin du lac Tchad rend la coordination militaire cruciale. Le Tchad, fort d’un appareil sécuritaire aguerri et appuyé par des partenaires internationaux, cherche à réaffirmer son rôle de pivot dans la lutte contre l’extrémisme violent. Cette opération pourrait renforcer la coopération avec ses voisins immédiats (Nigéria, Cameroun, Niger) via le cadre de la Force multinationale mixte (FMM). Mais au-delà de la sécurité immédiate, l’enjeu est aussi géopolitique : une telle arrestation, si elle se confirme, repositionne N’Djamena comme interlocuteur clé dans les discussions régionales sur la paix et la stabilité. Dans une Afrique centrale marquée par l’instabilité politique (Soudan, RCA, RDC) et des rivalités d’influence (Russie, Chine, France), la maîtrise de la menace djihadiste devient un levier diplomatique. Sur le plan géoéconomique, la persistance de foyers terroristes freine l’exploitation des ressources (pétrole, agriculture, infrastructures logistiques régionales). Le contrôle sécuritaire est donc étroitement lié aux perspectives de développement et d’intégration économique sous-régionale. Les attaques récurrentes dans le lac Tchad affectent les corridors commerciaux et les flux d’investissement, notamment dans les zones rurales enclavées, alimentant pauvreté et radicalisation. Enfin, l’absence d’identité formellement établie des suspects renforce la nécessité d’un volet d’intelligence économique et judiciaire, avec une meilleure coordination du renseignement, du suivi migratoire et des bases de données criminelles régionales. L’arrestation annoncée ne saurait être réduite à un simple fait divers sécuritaire. Elle cristallise les tensions entre menace persistante, ambitions diplomatiques et impératif de développement durable dans un espace régional toujours en quête de stabilité. Le Tchad, en quête de légitimité interne et d’influence externe, pourrait en tirer des dividendes stratégiques, à condition d’ancrer cette opération dans une approche multidimensionnelle et concertée.

Tchad : l’arrestation du fils présumé du fondateur de Boko Haram, entre défi sécuritaire et recomposition régionale Read More »

Mali–France : une arrestation, une rupture, une recomposition

L’arrestation de Yann Vezilier, ressortissant français accusé par les autorités maliennes de participer à une tentative de déstabilisation du régime, cristallise une fracture désormais profonde entre la France et le Mali. Présenté par Bamako comme un agent des services de renseignement, Yann Vezilier aurait, selon les accusations, mobilisé des militaires maliens et des membres de la société civile dans un complot avorté. Paris, de son côté, dénonce des accusations « sans fondement » et affirme que l’intéressé est un diplomate accrédité, bénéficiant d’immunité. Cette affaire intervient dans un contexte de purge interne : plus de 50 personnes auraient été arrêtées, dont plusieurs généraux de haut rang. Pour le pouvoir militaire malien, il s’agit de démontrer sa vigilance face à des menaces extérieures et intérieures. Pour la France, il s’agit d’une violation du droit diplomatique international, mais surtout d’un signal d’alarme dans une relation déjà exsangue. Une fracture politique aux résonances géopolitiques L’épisode ne fait que confirmer une tendance lourde : la rupture progressive, mais irréversible, entre Paris et les régimes militaires du Sahel. Depuis le retrait des troupes françaises de l’opération Barkhane et la montée en puissance de l’Alliance des États du Sahel (AES), la France est devenue la cible symbolique d’un rejet politique, nourri par un discours souverainiste de plus en plus radical. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger se tournent désormais vers d’autres partenaires, principalement la Russie, la Chine et la Turquie, perçus comme moins intrusifs. L’arrestation de Yann Vezilier, qu’elle repose ou non sur des faits avérés, s’inscrit dans ce récit : celui d’un État qui affirme sa souveraineté en s’émancipant de son ancienne puissance coloniale. Le droit diplomatique bousculé par le politique Le flou entretenu autour du statut exact de l’arrêté alimente les tensions. Si Yann Vezilier est bien un diplomate protégé par la Convention de Vienne, sa détention constitue une entorse grave au droit international. Si ce n’est pas le cas, la France est fragilisée par la perception d’un double jeu. Dans tous les cas, cette affaire montre que les règles diplomatiques ne suffisent plus à garantir le dialogue dans un contexte de rupture politique. Une recomposition régionale en marche Plus qu’un incident, cette arrestation marque un point de bascule : la fin du « privilège français » au Sahel. Dans une région en pleine recomposition stratégique, la France doit désormais affronter une réalité dure : elle n’est plus perçue comme un acteur légitime de la stabilité, mais comme un corps étranger d’un ordre révolu.

Mali–France : une arrestation, une rupture, une recomposition Read More »

Etoudi – 12 octobre 2025 (Cameroun) : ELECAM engage les candidats dans le processus de supervision

À deux mois de l’élection présidentielle prévue pour le 12 octobre 2025, Elections Cameroon (ELECAM) poursuit la mise en place progressive de son dispositif électoral. Dans un communiqué publié ce week-end, l’organe en charge de l’organisation des scrutins invite les douze candidats définitivement retenus à désigner leurs représentants au sein des commissions départementales de supervision. Ces structures, présentes dans les chefs-lieux de département, jouent un rôle central dans le suivi du processus électoral au niveau local. Leur mission est d’assurer la régularité des opérations électorales, en permettant une surveillance multipartite – un levier de transparence souvent revendiqué par les formations politiques et la société civile. « Les candidats ou leurs mandataires sont invités à se rapprocher des services régionaux ou départementaux d’ELECAM pour déposer les noms de leurs représentants », indique le communiqué. Un processus institutionnel dans un contexte de prudence Si cette étape s’inscrit dans la continuité du calendrier électoral, elle intervient dans un climat politique empreint de réserves, notamment du côté des partis d’opposition. Ces derniers, bien que légalement intégrés au processus, continuent d’exprimer des doutes sur les garanties offertes par le cadre électoral actuel. Des déclarations récentes d’acteurs du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), parti au pouvoir, critiquant l’attitude de certaines formations comme le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), ont suscité des réactions. L’un des cadres du parti majoritaire, Essomba Bengono, a affirmé que « le MRC ne prépare pas les élections, mais une contestation », une sortie perçue comme polémique par plusieurs observateurs. Ces tensions verbales témoignent d’un environnement politique toujours polarisé, où la suspicion envers l’organe électoral persiste, malgré le respect formel des échéances. Une liste de candidats validée sans surprise Sur les 13 dossiers initialement acceptés par ELECAM, un seul, celui de Hilaire Macaire Dzipan, a été écarté à l’issue du contentieux électoral devant le Conseil constitutionnel. La demande de réintégration formulée par Christine Moullende (Mouvement Progressiste) n’a pas été retenue. Au final, douze candidats participeront à la course, dont le président sortant Paul Biya. Il se retrouve face à onze concurrents, issus de formations diverses, avec des profils et programmes contrastés. Si la pluralité des candidatures est saluée dans certains cercles, la réalité de la compétition politique continue de faire débat, dans un système jugé par plusieurs analystes comme marqué par une forte concentration du pouvoir exécutif. Vers un scrutin sous observation La mise en place des commissions de supervision marque un jalon important dans la préparation du scrutin. Toutefois, la confiance dans le processus reste partielle, tant pour une partie de l’opinion publique que pour les partenaires internationaux. Plusieurs points sensibles, comme la composition perçue comme déséquilibrée d’ELECAM, ou le mode de publication des résultats, reviennent régulièrement dans les critiques adressées au cadre électoral camerounais. En 2018, des contestations avaient émergé autour de l’issue du scrutin, alimentées par une absence perçue de transparence dans le dépouillement et l’annonce des résultats. Une élection à forts enjeux, mais à l’issue incertaine Dans les prochaines semaines, les regards se porteront sur la campagne électorale, l’équité d’accès aux médias publics, et la capacité des institutions à garantir un traitement impartial des candidats. Si le respect des étapes techniques du calendrier électoral est globalement observé, la légitimité du scrutin dépendra aussi de la perception de son intégrité. À l’heure où le Cameroun est confronté à de nombreux défis – économiques, sécuritaires et sociaux -, cette élection présidentielle représente un test important pour ses institutions. Plus encore qu’un simple exercice démocratique, elle interroge sur la capacité du système politique à évoluer dans un cadre pacifique, pluraliste et inclusif.

Etoudi – 12 octobre 2025 (Cameroun) : ELECAM engage les candidats dans le processus de supervision Read More »

Cameroun – Extrême-Nord : enlèvement de onze civils sur l’axe Kousseri-Maroua, Boko Haram de nouveau en cause

Une attaque armée survenue mercredi matin dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun a conduit à l’enlèvement de onze personnes, ont confirmé les autorités locales jeudi. L’incident a eu lieu sur un axe routier stratégique reliant Kousseri à Maroua, à proximité de la frontière avec le Nigeria. Le bus de transport public, circulant sur la route nationale n°1, a été intercepté par un groupe d’hommes armés, vraisemblablement membres de Boko Haram, selon les premières analyses sécuritaires. Les assaillants ont contraint les passagers à descendre, ont relâché les femmes et le chauffeur, et ont emmené onze hommes adultes vers une destination inconnue. Aucune revendication n’a encore été formulée, mais l’attaque porte la signature classique du groupe jihadiste, actif dans la région depuis plus d’une décennie. Ce mode opératoire – embuscade sur axe routier, sélection des otages, retrait rapide – est typique des stratégies de harcèlement et d’enlèvement utilisées pour alimenter les réseaux de rançon, d’endoctrinement ou de recrutement forcé. Une zone sous haute tension depuis plus de dix ans L’Extrême-Nord camerounais, et en particulier les zones de Logone-et-Chari et du Mayo-Sava, constitue depuis 2013 l’un des points névralgiques de la guerre asymétrique que mène Boko Haram contre les États riverains du bassin du lac Tchad. Le Cameroun y a déployé d’importants moyens militaires, notamment via le BIR (Bataillon d’intervention rapide) et les comités de vigilance locaux, appuyés par la Force multinationale mixte (FMM), en coordination avec le Tchad, le Nigeria et le Niger. Malgré ces efforts, le groupe jihadiste continue de tirer profit de la porosité des frontières, de la pauvreté endémique et de la difficulté d’accès à certaines zones rurales. Le retrait progressif de certaines forces régionales et l’usure des dispositifs de surveillance facilitent la résurgence d’attaques ciblées, souvent dirigées contre des civils ou des cibles logistiques. Conséquences humanitaires et enjeux sécuritaires Outre l’insécurité routière qu’elle renforce, cette attaque souligne la persistance d’un risque élevé pour les populations civiles, déjà affectées par des déplacements massifs (plus de 350 000 déplacés internes selon l’OCHA en 2024) et la détérioration des conditions de vie dans la région. Elle relance également le débat sur l’efficacité des dispositifs de renseignement territorial, le manque de couverture sécuritaire permanente sur les grands axes, et la nécessité de renforcer la coopération transfrontalière avec les pays voisins. Le gouvernement camerounais n’a, pour l’instant, pas communiqué officiellement sur les mesures prises à la suite de l’incident.

Cameroun – Extrême-Nord : enlèvement de onze civils sur l’axe Kousseri-Maroua, Boko Haram de nouveau en cause Read More »

TICAD9 : Japon-Afrique, une alliance stratégique fondée sur la jeunesse et l’innovation

À la veille de la Conférence de Yokohama, Tokyo réaffirme son engagement envers un développement africain co-construit, porté par les jeunes et la sécurité humaine. À quelques jours de l’ouverture de la 9ᵉ Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD9), qui se tiendra du 20 au 22 août à Yokohama, le Japon réaffirme, par la voix de Tanaka Akihiko, président de la JICA (Agence japonaise de coopération internationale), une vision stratégique du partenariat nippo-africain : un développement fondé sur l’innovation, la jeunesse et la coopération équitable. « L’avenir n’est pas quelque chose à recevoir, c’est quelque chose à construire, ensemble », affirme-t-il dans une tribune. Une vision fondée sur la sécurité humaine Face aux défis mondiaux croissants – changement climatique, fragmentation géopolitique, inégalités économiques -, le Japon s’appuie sur un principe fondateur de sa coopération : la sécurité humaine, qui vise à garantir la dignité, la résilience et l’autonomie des individus. Ce principe, inscrit dans la nouvelle charte de l’APD japonaise révisée en 2023, se décline sur le terrain africain à travers des initiatives concrètes. La Coalition pour le développement du riz en Afrique (CARD), lancée en 2008, a permis de doubler la production de riz sur le continent en dix ans. Objectif 2030 : atteindre 56 millions de tonnes et faire de l’Afrique une puissance agricole autosuffisante. Miser sur la jeunesse comme moteur de transformation Avec un Africain sur quatre dans le monde d’ici 2050, le Japon perçoit la jeunesse africaine comme un levier stratégique. Les programmes comme ABE (African Business Education), lancé en 2013, ont permis à près de 2 000 étudiants africains d’étudier et de travailler au Japon. Parmi eux, Pelonomi Moiloa, créatrice de Lelapa AI, incarne la réussite d’un transfert technologique Sud-Nord réciproque. En 2025, la JICA élargit cet engagement avec TOMONI Africa : un programme d’échanges visant à rapprocher les jeunesses japonaise et africaine autour de projets culturels, éducatifs et économiques. « Tomoni » signifie “ensemble” en japonais, une philosophie de coopération horizontale plutôt que descendante. Innovation et financement : la nouvelle ère de la coopération Au-delà des aides classiques, le Japon franchit une étape historique. La JICA, dont le mandat a été élargi par la loi en avril 2025, peut désormais prendre des risques financiers pour catalyser les investissements privés. Un virage stratégique incarné par l’initiative IDEA (Impact Investing for Development of Emerging Africa), qui vise à orienter les capitaux vers les start-ups africaines dans les secteurs clés : climat, santé, numérique. Déjà, le Nigeria a reçu un premier don pour soutenir l’écosystème des startups locales. Ce geste inaugure une nouvelle diplomatie économique nippone : soutenir l’émergence africaine par le biais d’une économie d’impact, mêlant capital, innovation et autonomie locale. Coopération multilatérale et sud-sud : une diplomatie globale Le format multilatéral de TICAD – associant États, secteur privé et société civile – reste un modèle de référence. Le Japon coopère étroitement avec le Secrétariat de la ZLECAf pour bâtir une zone économique africaine intégrée, et soutient les corridors logistiques régionaux. La JICA mise également sur des partenariats triangulaires, notamment avec l’Indonésie, le Brésil ou l’Égypte, pour partager expertises et technologies avec les pays africains. Une diplomatie du « co-développement » qui ancre l’Afrique dans une géopolitique multipolaire, hors du seul prisme Chine-Occident. Vers une diplomatie de co-création L’Afrique est à un carrefour historique. Les vulnérabilités – gouvernance, conflits, pauvreté – sont profondes, mais le potentiel démographique et entrepreneurial est immense. Le Japon choisit d’y répondre non par l’assistanat, mais par une coopération de co-création, fondée sur le respect, la confiance et la responsabilité partagée. À Yokohama, TICAD9 ne se limitera pas à des annonces de financements. Elle incarne une transformation plus profonde : celle d’un partenariat égalitaire, où la jeunesse et l’innovation deviennent les piliers d’un avenir commun, construit main dans la main.

TICAD9 : Japon-Afrique, une alliance stratégique fondée sur la jeunesse et l’innovation Read More »

Nouveaux tarifs douaniers de Trump : l’Afrique centrale sous pression

Le Cameroun préservé, mais les chaînes de valeur régionales interrogées. Le président américain Donald Trump a signé, le 31 juillet 2025, un décret imposant de nouvelles taxes douanières sur les importations aux États-Unis. À compter du 7 août, la majorité des pays africains devront composer avec des surtaxes de 10 à 15 %, sauf quelques exceptions comme l’Afrique du Sud (30 %). L’AGOA, accord préférentiel longtemps favorable à l’Afrique subsaharienne, est désormais caduc. Afrique centrale : une zone d’alerte modérée Avec une surtaxe fixée à 10 %, le Cameroun limite la casse. Il devient l’un des pays africains les moins pénalisés, ce qui pourrait le positionner comme un hub régional alternatif pour des chaînes d’approvisionnement souhaitant contourner les pays plus lourdement taxés. Toutefois, la RDC ou la Guinée équatoriale, avec leurs 15 % de surtaxe, risquent un recul dans les secteurs déjà fragiles comme les exportations de minerais ou d’hydrocarbures. Tableau comparatif – Afrique centrale : droit de douane US (à partir du 7 août 2025) Pays Surtaxe US (%) Produits clés exportés vers les USA Risque commercial Cameroun 10 % Cacao, textile, bois, aluminium Faible – Potentiel de repositionnement RDC 15 % Cobalt, cuivre, bois, produits agricoles Modéré – Secteurs exposés Guinée équatoriale 15 % Hydrocarbures Fort – Concurrence accrue Gabon 10 % Manganèse, bois, caoutchouc Modéré – Nécessité de diversification Congo-Brazzaville 10 % Pétrole, bois Modéré – Dépendance au brut Tchad 10 % Pétrole brut Faible – Exportations peu diversifiées Interrogations 1. Qui profite réellement de la « modération » des taxes ?Les baisses annoncées ne doivent pas masquer une réalité : les États-Unis renforcent leur levier stratégique sur les économies africaines. Un taux « bas » peut créer une illusion de compétitivité tout en maintenant une dépendance structurelle. Le Cameroun ou le Tchad, bien que « épargnés », sont intégrés à des chaînes de valeur dictées par la demande américaine. 2. Menace sur la souveraineté économique régionale ?La disparition de l’AGOA, combinée aux surtaxes, réduit l’espace de manœuvre des pays africains en matière commerciale. Les décisions unilatérales américaines exposent les États de la sous-région à un risque de vassalisation économique : ajuster ses exportations, ses normes et ses priorités au bon vouloir de Washington. 3. Opportunités pour la Chine, l’Inde et la Turquie ?Les surtaxes américaines redessinent les flux commerciaux. De nombreux pays africains pourraient réorienter leurs exportations vers des partenaires asiatiques, plus stables ou moins exigeants politiquement. Une fenêtre s’ouvre pour Pékin, Ankara ou New Delhi pour capter les produits délaissés par les États-Unis ou offrir des débouchés alternatifs. 4. Quelles ripostes africaines coordonnées ?La situation relance un débat majeur : où est la stratégie commerciale continentale ? L’ZLECAf, en gestation, doit répondre à cette asymétrie de négociation avec les grandes puissances. Faute d’un front commun, l’Afrique centrale reste morcelée et vulnérable face aux chocs extérieurs. Le Cameroun : inertie ou levier stratégique ? Le Cameroun, avec une taxation modérée, pourrait devenir un relais industriel régional pour des multinationales cherchant à contourner les surtaxes imposées à d’autres pays africains ou asiatiques. Encore faut-il que le pays améliore ses infrastructures logistiques, sa stabilité fiscale et son climat des affaires. Sans stratégie d’intelligence économique intégrée – croisant diplomatie commerciale, veille tarifaire, et attractivité industrielle – ce relatif avantage pourrait se diluer dans une simple inertie de court terme.

Nouveaux tarifs douaniers de Trump : l’Afrique centrale sous pression Read More »

Afrique – IA : L’Union africaine trace la ligne rouge pour la souveraineté des peuples autochtones

  L’intégration des peuples autochtones dans l’ère numérique est devenue une question de souveraineté, de justice et de sécurité. L’Union africaine appelle à un encadrement stratégique et inclusif de l’intelligence artificielle pour éviter une nouvelle marginalisation. « L’IA ne doit pas perpétuer les injustices historiques », alerte la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP), organe consultatif de l’Union africaine (UA), à l’occasion de la Journée internationale des peuples autochtones. Au cœur des débats : l’intégration éthique des peuples autochtones africains dans l’essor des technologies émergentes, notamment l’intelligence artificielle (IA), alors que la compétition numérique mondiale s’accélère. Une question stratégique et géopolitique En Afrique, les peuples autochtones – souvent gardiens des écosystèmes vitaux du continent – se trouvent aujourd’hui à la croisée des chemins : entre reconnaissance de leurs droits et menaces d’une nouvelle forme d’exclusion, cette fois numérique. Leur marginalisation, souvent héritée des dynamiques coloniales et postcoloniales, risque d’être reconduite si les États et les acteurs technologiques n’intègrent pas leurs besoins et savoirs dans les stratégies nationales et régionales. « L’IA doit être construite avec et pour les peuples autochtones », insiste Aimé Ange Wilfrid Bininga, ministre congolais de la Justice et des Droits humains. Un message politique fort dans un contexte où les technologies, si elles ne sont pas encadrées, peuvent alimenter des logiques d’extraction de données, de désinformation, voire de perte de souveraineté culturelle et territoriale. Données, savoirs, territoires : la souveraineté en question L’UA appelle les États africains à intégrer dans leurs stratégies numériques le « consentement libre, préalable et éclairé » des communautés concernées. Une disposition qui s’inscrit dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, mais qui peine encore à se traduire en politiques publiques concrètes. Car au-delà des droits humains, c’est aussi une bataille stratégique pour la souveraineté des données. Nombre de savoirs autochtones – liés à l’environnement, à la santé, aux langues – sont aujourd’hui numérisés sans cadre légal clair, souvent exploités par des entreprises étrangères ou des projets technologiques non supervisés. « Il est impératif de mettre fin aux pratiques abusives et d’engager un véritable partenariat avec les communautés autochtones », souligne la CADHP. Cela implique une refonte des cadres juridiques, un dialogue inclusif, mais aussi une coopération entre gouvernements, secteur privé, société civile et universités. Risque sécuritaire : exclusion numérique et fracture culturelle Si les peuples autochtones sont exclus du développement de l’IA, les conséquences ne seront pas uniquement sociales ou culturelles, mais également sécuritaires. Marginalisation accrue, érosion identitaire, conflits fonciers aggravés par des projets technologiques imposés : les signaux d’alerte se multiplient. Audrey Azoulay, directrice générale de l’UNESCO, avertit : « En l’absence de dispositions pour garantir un développement éthique de l’IA, nous risquons de renforcer des préjugés néfastes et de dénaturer les langues autochtones ». Dans certains pays comme le Tchad ou la Tanzanie, des initiatives pilotes montrent qu’une collaboration respectueuse est possible. L’IA y est utilisée pour traduire les savoirs ancestraux en données environnementales ou climatiques, intégrées dans des programmes de gestion durable des ressources. Un modèle prometteur, mais encore trop marginal. Vers une diplomatie numérique panafricaine ? À l’heure où l’Afrique cherche à renforcer sa voix dans la gouvernance mondiale de l’IA – notamment à travers le Fonds africain pour l’IA éthique lancé en 2024 – la protection des droits des peuples autochtones devient une pierre angulaire de la diplomatie numérique africaine. Il s’agit désormais pour l’Union africaine d’articuler les objectifs du développement technologique avec les principes de justice historique, de diversité culturelle et de souveraineté économique. L’intelligence artificielle ne peut être un progrès pour l’Afrique que si elle respecte ses peuples les plus enracinés. L’enjeu n’est pas technologique mais civilisationnel : bâtir un avenir numérique inclusif ou répéter les erreurs du passé.

Afrique – IA : L’Union africaine trace la ligne rouge pour la souveraineté des peuples autochtones Read More »

Sommet de Luanda : l’Afrique à la recherche de solutions concrètes pour ses infrastructures

Du 28 au 31 octobre 2025, Luanda, capitale de l’Angola, accueille un sommet crucial sur le financement des infrastructures en Afrique. L’enjeu : mobiliser les milliards nécessaires pour répondre aux ambitions continentales, dans un contexte de tensions économiques et de compétition géostratégique accrue. Organisé par l’AUDA-NEPAD et la Commission de l’Union africaine, ce sommet se tient à un moment décisif. Le continent fait face à un déficit de financement des infrastructures dépassant les 100 milliards de dollars par an, selon les estimations de l’Union africaine. À l’horizon 2040, c’est 1 300 milliards de dollars qui devront être levés pour concrétiser des projets structurants, notamment dans le secteur de l’énergie. L’un des piliers de cette ambition est le Plan directeur des systèmes électriques continentaux (CMP), conçu pour jeter les bases d’un marché unique de l’électricité. Objectif : connecter les réseaux nationaux, favoriser les énergies renouvelables, et améliorer l’accès à l’électricité pour des centaines de millions d’Africains. Une bataille géoéconomique à enjeux multiples Au-delà des promesses techniques, ce sommet s’inscrit dans une logique géoéconomique plus large. L’Afrique cherche à diversifier ses sources de financement et à sortir d’une dépendance excessive vis-à-vis des bailleurs traditionnels. Des partenariats plus équilibrés avec les pays émergents (Chine, Inde, Turquie, Brésil) sont recherchés, tout comme une meilleure mobilisation des ressources internes et des marchés de capitaux africains. La présence attendue de banques de développement, de fonds souverains africains et d’investisseurs privés vise à établir des modèles de financement innovants et durables, là où les aides classiques ont montré leurs limites. Une opportunité de leadership pour l’Angola Pour Luanda, l’enjeu est aussi diplomatique. En accueillant ce sommet, l’Angola affirme sa volonté de jouer un rôle de pivot régional dans la planification continentale des infrastructures. Ce positionnement s’inscrit dans la stratégie du président João Lourenço, qui cherche à renforcer le poids de son pays au sein de l’Union africaine et des grandes initiatives panafricaines. Mais l’ambition africaine ne pourra aboutir que si elle s’accompagne d’un cadre réglementaire harmonisé, d’une bonne gouvernance des projets, et d’une volonté politique ferme pour dépasser les blocages nationaux.

Sommet de Luanda : l’Afrique à la recherche de solutions concrètes pour ses infrastructures Read More »

Scroll to Top