Afrique & Monde

CEMAC face au choc tarifaire américain : entre vulnérabilité relative et opportunité stratégique

Alors que Washington impose de nouveaux droits de douane, la zone CEMAC s’organise pour amortir l’onde de choc, réorienter ses priorités commerciales et renforcer sa résilience structurelle. La Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) réagit avec prudence mais vigilance à la récente hausse unilatérale des tarifs douaniers imposée par les États-Unis. Si le volume des exportations vers le marché américain reste marginal – 2,1% des exportations de la sous-région, loin derrière l’Union européenne (27,4%) et la Chine (24,5%), les autorités monétaires estiment que l’impact indirect pourrait se révéler plus large qu’il n’y paraît. Réunie en visioconférence le 24 juillet 2025, la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC) a convoqué experts, économistes et hauts décideurs à l’occasion de la première Journée économie et finance. Objectif : anticiper les effets systémiques de la nouvelle doctrine protectionniste américaine sur les six pays membres (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad), et poser les bases d’une riposte régionale concertée. « Ce relèvement viole les règles de l’OMC. Mais nous ne sommes pas dans une logique de guerre commerciale avec les États-Unis. Nous devons convertir cette pression extérieure en levier de transformation », a tempéré Guy Innocent Beffo, expert en commerce international et intervenant à la conférence. La décision américaine, initiée par l’administration Trump début avril, fixe désormais un droit plancher de 10 % pour le Congo, la Centrafrique et le Gabon, et 13 % pour le Cameroun, la Guinée équatoriale et le Tchad. Ces mesures s’inscrivent dans une stratégie plus large de réduction du déficit commercial américain et de relocalisation industrielle, mais leur portée mondiale remet en question l’équilibre des économies vulnérables. Impact économique et enjeux stratégiques À court terme, les secteurs pétrolier et forestier sont les plus exposés, en particulier au Cameroun, au Gabon et en Guinée équatoriale. La hausse des droits de douane risque de réduire les marges à l’exportation, de ralentir la croissance des réserves de change et de favoriser l’inflation importée, prévient un rapport interne de la BEAC. Au-delà du choc conjoncturel, les experts y voient un signal stratégique : la nécessité urgente pour la zone CEMAC de réduire sa dépendance aux marchés extérieurs, de diversifier sa base productive, et de stimuler le commerce intra-communautaire, actuellement très faible (moins de 5% des échanges totaux). « Nous devons tirer des leçons de la trajectoire des pays du Golfe : diversifier en profondeur, industrialiser, et tirer parti de notre potentiel régional », a plaidé un conseiller économique de la BEAC. Dans un contexte international marqué par la remontée du protectionnisme, la fragmentation des chaînes de valeur mondiales et les rivalités entre grandes puissances, cette décision américaine est aussi un révélateur des vulnérabilités structurelles des économies africaines, encore trop dépendantes de leurs partenaires traditionnels. La stabilité économique régionale, déjà mise à l’épreuve par des crises sécuritaires persistantes (notamment au Tchad et en Centrafrique), pourrait se fragiliser davantage si les États membres ne s’engagent pas dans des réformes d’intégration régionale, d’industrialisation, et de modernisation de la politique commerciale. Une réponse collective en gestation Face à cette situation, la BEAC appelle à une diplomatie économique plus affirmée, et à la mise en place d’un mécanisme régional de veille commerciale, capable de suivre les tendances tarifaires mondiales et de proposer des contre-mesures adaptées, y compris à travers de nouveaux accords Sud-Sud ou une meilleure valorisation des accords existants comme l’AfCFTA (ZLECAF). La CEMAC n’a pas les moyens d’une confrontation, mais elle dispose d’une carte à jouer : celle d’un réalignement stratégique vers des partenaires plus diversifiés, plus souples, et mieux connectés à ses priorités de développement. Noël Ndong

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Cameroun–Canada : Lorraine Anderson tire sa révérence après trois années de diplomatie stratégique et inclusive

Après un mandat remarqué à Yaoundé, la Haut-Commissaire du Canada, Lorraine Janel Anderson, quitte le Cameroun sur fond d’un renforcement inédit des relations bilatérales. Son départ, salué par les plus hautes autorités, marque un tournant dans la coopération entre Ottawa et Yaoundé. Arrivée au terme de sa mission diplomatique de trois ans, Son Excellence Lorraine Janel Anderson, Haut-Commissaire du Canada au Cameroun, a été reçue en audience le 22 juillet 2025 par le Premier Ministre Joseph Dion Ngute, au Star Building, pour une cérémonie d’adieux empreinte de reconnaissance et de respect mutuel. Elle a également rencontré le lendemain Stanislas Oyono, Inspecteur général au ministère des Relations extérieures. « J’ai eu un mandat très fructueux au Cameroun. J’ai pu constater l’énergie et le potentiel de ce pays dans tant de domaines », a confié la diplomate à l’issue de son entretien avec le chef du gouvernement. Une diplomatie d’impact et de proximité Sous sa houlette, la coopération bilatérale Canada–Cameroun a connu une montée en puissance dans des secteurs clés. Les échanges commerciaux ont progressé, avec plus de 65 millions de dollars enregistrés en volume annuel en 2024, selon les données de la Banque mondiale. Parallèlement, plus de 30 entreprises canadiennes sont désormais actives ou en partenariat au Cameroun, dans l’agriculture, l’éducation, l’énergie verte et les technologies numériques. L’engagement canadien s’est également affirmé sur le plan humanitaire et social, avec plus de 28 millions de dollars canadiens investis entre 2020 et 2024 dans des projets de développement, d’éducation, de santé, de lutte contre les violences basées sur le genre et d’assistance aux personnes vulnérables. « La richesse du patrimoine, la protection des droits humains et la promotion de l’État de droit ont toujours été au cœur de notre action », a rappelé Lorraine Anderson. Une influence géopolitique discrète mais affirmée Son mandat s’est déroulé dans un contexte sensible, marqué par des tensions dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Mme Anderson a joué un rôle de facilitatrice discrète dans les discussions sur la gouvernance inclusive, contribuant au dialogue sur la bonne gouvernance et la paix durable, salué officiellement par le Premier Ministre. « Le gouvernement apprécie les efforts de Mme Anderson pour la promotion de la bonne gouvernance et l’appui aux solutions durables aux tensions socio-politiques », a souligné Joseph Dion Ngute. La diplomate a également renforcé l’ancrage canadien dans les mécanismes multilatéraux, notamment à travers la coopération universitaire, la formation diplomatique, et le renforcement du partenariat dans le cadre du Commonwealth. Un départ stratégique, un héritage durable Alors qu’Ottawa s’apprête à nommer un successeur, Lorraine Anderson laisse derrière elle un bilan solide, combinant résultats économiques tangibles, impact social mesurable, et dialogue politique crédible. « Lorraine Anderson incarne une diplomatie moderne, inclusive et orientée vers les résultats. Son départ est un tournant, mais aussi une base solide pour le futur de notre partenariat », confie un haut responsable du ministère camerounais des Relations extérieures. Noël Ndong

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Présidentielle 2025 : l’UE soutient le Cameroun dans la lutte contre la désinformation

Alors que le Cameroun se prépare à élire son prochain président le 12 octobre 2025, les autorités et les partenaires internationaux s’attaquent à un fléau devenu central dans les processus électoraux : la désinformation. Le 24 juillet 2025, le ministre de la Communication, René Emmanuel Sadi, a reçu en audience Jean-Marc Châtaigner, ambassadeur de l’Union européenne, pour discuter d’un programme d’appui à la régulation de l’information et à la lutte contre les contenus toxiques diffusés notamment sur les réseaux sociaux. « L’Union européenne souhaite accompagner le Cameroun dans la promotion d’un environnement médiatique fiable, libre et responsable, surtout en période électorale », a déclaré Jean-Marc Châtaigner. Ce partenariat s’inscrit dans un projet régional financé par l’Union européenne, en collaboration avec Canal France International (CFI), la Fédération internationale des journalistes (FIJ) et l’ONG locale Eduk Média. Il prévoit notamment la formation d’environ 200 journalistes à la vérification des faits, à la déconstruction des rumeurs, et à la sécurisation de l’espace public d’information. « La désinformation est une menace réelle pour la cohésion sociale et la stabilité des institutions. Un seul faux contenu peut suffire à enflammer une communauté ou délégitimer tout un processus électoral », a souligné René Emmanuel Sadi. Selon un rapport de l’Observatoire des médias au Cameroun (2024), près de 64 % des informations partagées sur les réseaux sociaux en période électorale ne sont pas vérifiées, et 1 internaute sur 3 relaie une fausse information sans s’en rendre compte. Les conséquences sont multiples : perte de confiance dans les institutions, manipulation de l’opinion publique, incitation à la haine ethnique ou politique. Le programme soutenu par l’UE inclura également des campagnes de sensibilisation citoyenne, notamment dans les écoles, les universités et les médias communautaires, afin de renforcer l’esprit critique des jeunes électeurs, première cible des contenus viraux. À un peu plus de deux mois du scrutin, ce soutien européen est perçu comme un levier stratégique pour garantir un climat électoral apaisé, une presse plus outillée, et des électeurs mieux informés. Noël Ndong

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Trafic animalier : 92 cas recensés en Afrique lors de l’opération Sama-2

L’Afrique au cœur d’un trafic d’espèces menacées en pleine expansion. L’opération multinationale Sama-2, pilotée par l’ONU, révèle l’ampleur d’un marché criminel devenu l’un des plus lucratifs au monde. L’Office des Nations unies contre le crime et la drogue (ONUDC) a dévoilé les résultats de l’opération Sama-2 (Saving African Wildlife through Multilateral Assistance), menée sur une trentaine de territoires africains. Résultat : 92 cas de trafic d’espèces protégées ont été détectés depuis le début de l’année, confirmant l’urgence environnementale sur le continent. Parmi les saisies majeures : des écailles de pangolins, des défenses d’éléphants et près de 800 tortues radiées, espèce endémique et gravement menacée à Madagascar. Ces produits illégalement extraits de la faune africaine étaient en partance pour des marchés extérieurs, notamment les Émirats arabes unis, la Tanzanie ou l’Angola. Un trafic qui change d’échelle L’opération Sama-2 s’inscrit dans une stratégie plus large de lutte contre le quatrième marché illégal mondial, après la drogue, les armes et la traite humaine. Le trafic d’animaux sauvages génère chaque année près de 20 milliards de dollars, selon l’ONU. Il est désormais structuré en réseaux transnationaux sophistiqués, avec des ramifications logistiques, douanières et parfois militaires. Un signal d’alerte pour les États africains L’opération Sama-2 n’est pas seulement une initiative répressive : elle vise aussi à renforcer les capacités douanières, à développer l’échange de renseignements entre pays africains, et à inscrire la protection des espèces dans une dynamique de coopération régionale. Mais les ONG soulignent un manque chronique de moyens, de formation et de coordination. La situation au Cameroun et en Afrique centrale Le Cameroun est identifié comme l’un des principaux pays d’exportation de pangolins dans la sous-région. Plus de 250 kg d’écaille de pangolin y ont été saisis en 2023, entraînant l’arrestation de neuf trafiquants. Les recherches estiment que chaque année jusqu’à 2,7 millions de pangolins sont tués en Afrique centrale, ce commerce représentant des milliards de francs CFA. Éléphants et stratégie verte Dans le Parc national de Bouba Ndjida, des milices lourdement armées de pays voisins (Tchad, Soudan) ciblent régulièrement les éléphants pour l’ivoire. Depuis une attaque massive en 2012, le Cameroun a adopté une stratégie dite de « militarisation verte » : 600 soldats, 60 véhicules de combat et un escadron aérien sont déployés chaque année, notamment entre décembre et mai, pour sécuriser les populations d’éléphants. Enjeux institutionnels et légaux Malgré quelques succès – une baisse apparente du commerce visible -, lalégislation reste lacunaire : peine trop faible, manque d’enquêtes centralisées, tolérance du marché d’ivoire domestique sous permis gouvernemental. En réponse, une nouvelle loi forestière et faunique, adoptée en juillet 2024, introduit des sanctions renforcées (amendes de 20‑50 millions de FCFA, peines de prison jusqu’à 20 ans) et reconnaît la gestion communautaire des ressources naturelles. Coopération et crise en Afrique centrale Le Cameroun a conclu un accord historique avec le Nigeria en avril 2024 pour partager renseignements et renforcer les actions transfrontalières contre le trafic d’ivoire et de pangolins. Ce partenariat renforce la surveillance sur un corridor de plus de 2 000 km entre les deux pays, terrains communs à plusieurs espèces menacées (gorilles, chimpanzés, éléphants). La forêt du Bassin du Congo, partagée entre plusieurs pays (Cameroun, Congo, Gabon, RCA, RDC, Guinée équatoriale), est devenue le centre d’un trafic massif de pangolin. Selon ENACT et C4ADS, entre 2013 et 2023, plus de 26 tonnes d’écailles, soit environ 66 000 pangolins interceptés, proviennent d’Afrique centrale. Noël Ndong

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France : Rachida Dati reste au gouvernement malgré son renvoi en justice

La ministre de la Culture, mise en cause dans l’affaire Ghosn, dénonce une instrumentalisation politique et affirme ne rien lâcher. Une affaire sensible pour l’exécutif à moins d’un an de la présidentielle. La ministre française de la Culture, Rachida Dati, a confirmé qu’elle restait en poste, malgré son renvoi devant le tribunal correctionnel pour corruption passive et recel d’abus de pouvoir. « Je ne renoncerai à rien », a-t-elle martelé sur LCI, dénonçant un procès « politique » et une procédure entachée « d’incidents ». En cause : des prestations de conseil rémunérées entre 2010 et 2012 par le groupe Renault-Nissan, dirigé alors par Carlos Ghosn, alors qu’elle était avocate et députée européenne. Le parquet soupçonne un conflit d’intérêts et l’usage de son influence pour favoriser l’entreprise dans ses rapports avec les institutions européennes. Une ligne de défense offensive Rachida Dati, ancienne garde des Sceaux sous Nicolas Sarkozy, rejette toute malversation. Elle conteste la légitimité de la procédure et l’impartialité de certains magistrats. Son ton combatif vise à maintenir une posture d’intégrité : « Ils essaient de me mettre un genou à terre, mais je ne vais pas mettre le deuxième », a-t-elle lancé, comme pour conjurer la chute politique. Une affaire à hauts risques politiques Du côté de l’Élysée, la réaction se veut mesurée : le président Macron a « pris note » du renvoi, rappelant qu’aucune condamnation n’a été prononcée. Rachida Dati continue donc d’exercer ses fonctions, avec le soutien de plusieurs membres du gouvernement, dont son collègue l’actuel Garde des Sceaux, Gérald Darmanin, qui a salué une « grande femme politique » et réaffirmé la présomption d’innocence. Cette affaire intervient dans un contexte politique tendu, à moins d’un an de l’élection présidentielle, où les questions de probité et de justice sont scrutées de près. Rachida Dati, personnalité populaire à droite, reste perçue comme une pièce stratégique au sein du gouvernement, notamment sur le terrain de la reconquête électorale à Paris. Noël Ndong

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UE-Chine

UE-Chine : un sommet pour éviter la rupture géoéconomique

Le sommet qui se tient aujourd’hui entre l’Union européenne et la Chine à Pékin, à l’occasion du 50e anniversaire de leurs relations diplomatiques, ressemble à un exercice d’équilibrisme diplomatique. Le sommet qui se tient aujourd’hui entre l’Union européenne et la Chine à Pékin, à l’occasion du 50e anniversaire de leurs relations diplomatiques, ressemble à un exercice d’équilibrisme diplomatique. Derrière les formules consensuelles et les poignées de main officielles, le climat est orageux. L’Europe et la Chine, deux géants économiques structurellement interdépendants, s’enlisent dans une logique de méfiance réciproque aux relents de guerre commerciale. Sur le plan géoéconomique, les déséquilibres sont flagrants : l’UE accuse un déficit commercial record de plus de 300 milliards d’euros vis-à-vis de Pékin, alimenté par l’inondation du marché européen par des produits chinois subventionnés, notamment les véhicules électriques et les équipements solaires. Face à cette offensive industrielle, Bruxelles a renforcé ses instruments de défense commerciale, imposant des droits de douane sur plusieurs secteurs stratégiques. La Chine, en retour, menace de taxer les produits agroalimentaires et pharmaceutiques européens, notamment français. Mais au-delà des chiffres, le cœur du problème réside dans l’absence de réciprocité. Alors que les entreprises chinoises prospèrent en Europe, les groupes européens déplorent toujours un accès limité au marché chinois et une compétition biaisée. Pékin défend son modèle, mais multiplie les appels à un « dialogue rationnel », tentant de contenir l’escalade protectionniste. Les conséquences d’un durcissement durable seraient lourdes : fragmentation accrue des chaînes de valeur, contraction des investissements croisés, et affaiblissement des ambitions climatiques globales. Car si un terrain d’entente existe, c’est bien celui du climat – sujet sur lequel une déclaration conjointe pourrait sauver la face du sommet. À défaut d’un tournant, ce sommet pourrait au mieux offrir un sursis : une pause dans la spirale de tensions, sans véritable inflexion stratégique. L’Europe, désormais lucide face à la dépendance technologique et commerciale, semble prête à durcir sa posture. Pékin, quant à lui, joue la montre dans un contexte de ralentissement économique. Le bras de fer est engagé – le sommet de Pékin n’en est peut-être que le prélude. Noël Ndong

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Patrimoine africain : Ils ont pillé l’Afrique, ils doivent rendre !

Trésors volés, justice en retard : la France promet enfin d’agir, mais l’Afrique n’en peut plus d’attendre. Des milliers d’objets d’art et de mémoire pillés durant la colonisation dorment encore dans les musées français. À ce jour, seulement 27 objets ont été restitués, dont 26 au Bénin. Pendant ce temps, le Cameroun, l’Algérie, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, Madagascar et d’autres attendent que leurs richesses culturelles retrouvent leur terre d’origine. « La France est à la traîne », dénonce la chercheuse Saskia Cousin. En 2022, l’Allemagne a restitué 1 100 œuvres au Nigeria. Pendant ce temps, la France tergiverse. Le Cameroun, par exemple, réclame depuis des années les masques, statues et objets rituels emportés de force durant la période coloniale – sans succès. Le 30 juillet, un projet de loi “historique” devrait être présenté au conseil des ministres. Il permettrait la restitution de biens culturels par simple décret, sans passer par un vote parlementaire, jusqu’ici obligatoire. Une petite révolution, mais qui arrive bien tard. Certains restent sceptiques. « Ce n’est pas au Parlement d’écrire l’histoire, mais de réparer les fautes », rappelle le sénateur Pierre Ouzoulias, évoquant les restitutions de crânes à l’Algérie, dont 18 sur 24 n’avaient pas d’origine confirmée. L’Afrique ne veut plus attendre, ni de symboles mal ficelés. Le Cameroun et les autres nations exigent leurs biens, pas des débats sans fin. Noël Ndong

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L’Europe au carrefour africain : valeurs ou influence ?

Face à une Afrique en pleine transformation, l’Union européenne se retrouve à un moment critique. Alors que la Chine construit et que la Russie arme, Bruxelles peine à définir une voie claire, oscillant entre principes et pragmatisme.  Un rapport du Centre de Politique Européenne (CEP) met en garde : l’UE pourrait bien perdre l’Afrique, non pas faute de discours, mais faute de stratégie. Une Afrique convoitée, un terrain de rivalités géoéconomiques En 2024, la Chine a investi près de 11 milliards de dollars dans des infrastructures clés en Afrique – routes, lignes électriques, ports, data centers. La Russie, de son côté, a étendu son empreinte militaire en signant des accords de défense dans plus de 20 pays africains, tout en consolidant ses positions dans des zones en conflit. L’Union européenne, pourtant historiquement bien implantée via l’aide publique au développement, semble de plus en plus spectatrice, cantonnée à une posture normative centrée sur la démocratie, la bonne gouvernance et les droits humains. « L’Europe parle de valeurs, mais n’investit pas à la hauteur de ses ambitions », résume Eleonora Poli, économiste au CEP et coautrice du rapport Perdre l’Afrique ?. En clair, les principes ne suffisent plus, surtout quand les rivaux apportent des solutions concrètes. Une politique commerciale désalignée Le CEP critique l’inadéquation entre les discours européens et les attentes africaines. Si les Accords de Partenariat Économique (APE) ou les dialogues techniques existent, ils ne génèrent ni emploi ni valeur suffisante sur le continent. Or, deux domaines pourraient changer la donne : Du discours normatif à la stratégie partenariale Le CEP plaide pour une refonte profonde de l’approche européenne. Il ne s’agit plus de « former » l’Afrique à la norme européenne, mais de co-construire des projets basés sur le partage des risques et la création de valeur locale. Des outils concrets sont proposés : garanties de crédit à l’exportation, accords d’achat public, dialogues réglementaires bilatéraux, et fonds de co-investissement dans les chaînes de valeur africaines. « Ceux qui veulent gagner l’Afrique doivent cesser de parler pour elle, et commencer à bâtir avec elle », insiste André Wolf, coauteur du rapport. Une urgence stratégique Dans un contexte où l’Afrique cherche à diversifier ses alliances, l’Europe est confrontée à un choix existentiel : rester un acteur crédible ou disparaître du jeu africain. Le risque est réel : se voir reléguée au rang de puissance secondaire, au profit de partenaires perçus comme plus efficaces, moins intrusifs, et plus cohérents. Pour Eleonora Poli, « l’Afrique n’a plus besoin de donneurs de leçons, mais de co-bâtisseurs de solutions ». L’Europe doit sortir de l’ambiguïté. Si elle souhaite rester un acteur clé en Afrique, elle devra assumer une nouvelle posture : stratégique, collaborative, et ancrée dans les réalités économiques africaines. Il ne s’agit plus de savoir ce que l’Europe veut faire en Afrique, mais ce qu’elle veut être face à une Afrique qui, désormais, choisit ses partenaires. Noël Ndong

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Gabon : le PDG au bord de l’implosion à l’approche des législatives

Exclusion des pro-Bongo, guerre de clans : la plus vieille formation politique du pays vacille à deux mois du scrutin À quelques mois des élections législatives et municipales prévues en septembre 2025, le Parti Démocratique Gabonais (PDG), longtemps machine électorale du régime Bongo, traverse une crise interne sans précédent. La nouvelle direction du parti a récemment interdit l’accès au siège aux cadres proches d’Ali Bongo, acte fort qui symbolise une rupture nette avec l’ancien pouvoir. Ce bras de fer pour le contrôle du PDG révèle un conflit de légitimité entre l’ancienne garde et la nouvelle direction issue de la transition. Ce climat délétère fragilise davantage une formation déjà affaiblie depuis la chute d’Ali Bongo en 2023. Des accusations de dérives autoritaires, d’exclusion et de règlements de comptes internes alimentent les tensions, menaçant l’unité du parti. Les conséquences politiques sont lourdes : cette désunion pourrait provoquer des candidatures parallèles, la démobilisation des bases locales, voire la scission du PDG. À deux mois d’un scrutin décisif pour le nouvel équilibre institutionnel du Gabon, ce chaos interne risque de reléguer le PDG au second plan, ouvrant un boulevard aux partis émergents et à la majorité de transition. Ce qui se joue aujourd’hui dépasse une querelle de leadership : c’est l’avenir politique même de l’ex-parti au pouvoir qui est en jeu. Noël Ndong

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Infrastructure au Cameroun

Infrastructure : le Cameroun et l’Afrique centrale face au défi de l’autofinancement

L’Afrique pourrait autofinancer son développement. C’est le message fort du State of Africa’s Infrastructure Report 2025 publié par l’Africa Finance Corporation (AFC). Le document met en lumière un potentiel colossal de plus de 4 000 milliards de dollars en capital domestique, et appelle à une mobilisation concertée. Une aubaine pour l’Afrique centrale, et notamment le Cameroun, où les besoins en énergie, transport, industrie et numérique restent urgents. Des ressources locales sous-utilisées Le rapport recense 1 100 milliards $ issus des fonds institutionnels (pensions, assurances, banques publiques, fonds souverains), 2 500 milliards $ d’actifs bancaires et 470 milliards $ de réserves de banques centrales. Pourtant, ces ressources sont massivement investies dans des actifs liquides peu risqués, loin des grands chantiers d’infrastructures. « Ce capital pourrait transformer l’Afrique, si on adapte nos politiques et nos instruments d’investissement », souligne Samaila Zubairu, PDG de l’AFC. Énergie : l’Afrique centrale à la traîne En 2024, le continent n’a ajouté que 6,5 GW de capacités électriques, bien loin des 48,6 GW des États-Unis. Le Cameroun, avec son potentiel hydroélectrique sous-exploité (comme les barrages de Nachtigal ou Memve’ele), incarne ce retard. L’AFC recommande une accélération par des interconnexions régionales, des réformes tarifaires, et la structuration de projets à grande échelle. Transports : la modernisation passe par les corridors Le Corridor de Lobito, reliant l’Angola à la RDC et à la Zambie, illustre une tendance régionale : la montée du rail privé. Avec 7 000 km de nouvelles lignes en projet sur le continent, l’Afrique centrale, où les infrastructures ferroviaires restent vieillissantes, pourrait bénéficier de cette dynamique. Les routes rurales, notamment au nord du Cameroun ou dans le Bassin du Congo, sont aussi identifiées comme des leviers de désenclavement stratégique. Industrie : réduire la dépendance aux importations L’AFC alerte : l’Afrique importe chaque année 300 milliards $ en acier, engrais et pétrole raffiné. Le Cameroun est particulièrement vulnérable sur les engrais (consommation moyenne de 15 kg/ha, très en dessous des 140 kg recommandés). Numérique : un levier de souveraineté et d’inclusion Avec les nouveaux câbles sous-marins comme 2Africa, le numérique devient un pilier stratégique. L’AFC appelle à étendre la fibre en zones rurales ; créer des data centers régionaux (à l’image du projet à Kribi) ; harmoniser les régulations (notamment sur la protection des données) ; promouvoir l’e-ID, les paiements mobiles et la formation numérique. Vers un modèle d’autonomie financière Face à la crise de la dette et à la raréfaction des financements extérieurs, l’autofinancement devient une nécessité. L’AFC évalue le déficit annuel en infrastructures à 400 milliards $. Pour combler ce fossé, trois recommandations : 1.     Réformer la réglementation des fonds institutionnels pour permettre l’investissement long terme, 2.     Mitiger les risques pour attirer ces capitaux vers les projets, 3.     Créer des véhicules d’investissement : PPP, fonds souverains, fonds thématiques. Un moment de bascule pour l’Afrique centrale Les outils sont là. Le capital aussi,  à mettre en mouvement les institutions et les dirigeants. Pour le Cameroun, pays charnière d’Afrique centrale, c’est l’occasion de capitaliser sur ses ressources et ses pôles structurants (Kribi, Douala, Garoua…) pour bâtir une base industrielle solide et durable. Reste à transformer cette impulsion, à travers la convergence des réformes, un climat des affaires amélioré, et la confiance des investisseurs locaux, pour redonner à l’Afrique centrale le sourire de son propre décollage. Noël Ndong

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