Afrique & Monde

Afrique centrale : entre ambitions numériques et réalignements stratégiques

L’annonce par le Tchad, le 18 juillet 2025, d’un investissement de 1,5 milliard de dollars dans le cadre de son programme « Tchad Connexion 2030 » marque un tournant pour l’Afrique centrale.  Cette stratégie numérique, visant à porter le taux de pénétration d’Internet à 30 % d’ici 2030 (contre 13,2 % actuellement), s’inscrit dans une vision plus large de souveraineté technologique, de modernisation administrative et d’intégration régionale. En reliant N’Djamena au Niger, puis à la Libye et à l’Égypte, le Tchad affirme sa volonté de sortir de l’enclavement historique et de repositionner sa diplomatie régionale à travers les infrastructures numériques. C’est une réponse directe à l’effritement sécuritaire dans la région sahélienne, mais aussi à la fragmentation institutionnelle de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). Cameroun : un carrefour stratégique sous pression Le Cameroun, pivot naturel de la sous-région, pourrait bénéficier ou pâtir de cette nouvelle donne. Avec ses câbles sous-marins à Douala et Kribi, et une infrastructure télécom plus avancée, Yaoundé est idéalement placé pour devenir une plaque tournante régionale. Mais en l’absence de réformes ambitieuses sur la fiscalité numérique, l’attractivité pour les opérateurs reste modérée. L’introduction de la taxe sur le mobile money en 2022 avait déjà refroidi plusieurs investisseurs. Dans un contexte où le Tchad noue des liens technologiques nouveaux avec ses voisins du nord, le Cameroun doit reconsidérer sa position stratégique. Une interconnexion plus profonde avec la RCA, en phase de stabilisation politique après l’accord de N’Djamena, ou un partenariat renforcé avec le Gabon et la Guinée équatoriale, s’impose comme une nécessité géopolitique. Géopolitique du numérique et sécurité régionale Derrière l’expansion numérique se jouent aussi des enjeux de souveraineté sécuritaire. À mesure que les administrations se numérisent, les cybermenaces transfrontalières se multiplient. Le Cameroun, confronté aux menaces dans l’Extrême-Nord et aux instabilités à ses frontières orientales, voit dans le numérique un levier de sécurisation des communications civiles et militaires. « Celui qui contrôle les infrastructures numériques contrôle demain les flux d’information, la gouvernance, la sécurité et la mémoire collective », confie un haut responsable de la CEEAC, appelant à un pacte numérique régional commun. Noël Ndong

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Afrique centrale : entre désarmement fragile et réalignement stratégique

L’accord de paix signé le 19 juillet entre le gouvernement centrafricain et deux groupes armés majeurs (UPC et 3R), sous l’égide du Tchad et avec le soutien actif de l’Union africaine, pourrait marquer un tournant dans la géopolitique d’Afrique centrale.  La diplomatie régionale, longtemps marginalisée par la militarisation des conflits, reprend ainsi l’initiative. Mais les défis restent immenses. « C’est un jalon, pas une solution », tempère un haut fonctionnaire de la CEEAC. La RCA, plongée dans la guerre civile depuis 2013, reste un pays sous tension : plus de 3,1 millions de personnes nécessitent une aide humanitaire (OCHA, 2024), et 60 % du territoire demeure hors de contrôle étatique, selon l’ONU. Le Cameroun : un acteur pivot malgré une posture prudente Voisin direct, le Cameroun joue un rôle ambivalent. Frontalière de la RCA sur plus de 900 km, cette puissance sous-régionale absorbe une part importante du coût humain du conflit : plus de 350 000 réfugiés centrafricains y vivent encore en 2025, selon le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés. Sur le plan militaire, Yaoundé coopère discrètement avec Bangui dans le domaine du renseignement et du contrôle des flux armés. Mais, empêtré dans ses propres tensions internes, le Cameroun privilégie une diplomatie de « stabilité minimale », sans s’engager frontalement dans la gouvernance régionale. Géoéconomiquement, la situation offre un paradoxe : les corridors Douala-Bangui et Kribi-Berbérati sont essentiels pour l’approvisionnement de la RCA, mais les insécurités récurrentes ralentissent les flux commerciaux. Des projets d’infrastructures stratégiques, tels que le bitumage de l’axe Béloko–Garoua-Boulaï, sont freinés faute de garanties sécuritaires sur le terrain. UA : diplomatie proactive mais attentes renforcées L’Union africaine tente de repositionner son rôle dans un environnement stratégique changeant, marqué par l’essoufflement de la MINUSCA, le retrait progressif des forces françaises et la montée en influence d’acteurs comme la Russie. La dissolution des groupes armés, saluée par le président de la Commission Mahmoud Ali Youssouf, intervient dans un contexte où l’UA cherche à faire valoir sa doctrine de « solutions africaines à des problèmes africains ». Mais le déficit de coordination entre pays membres, illustré récemment dans d’autres dossiers diplomatiques (Libye, Soudan, UNESCO), risque d’affaiblir cette dynamique. Pour réussir, la stratégie africaine devra intégrer justice transitionnelle, DDR (Désarmement, Démobilisation, Réintégration), et engagement budgétaire des États membres. Dans un contexte de recomposition régionale post-sécuritaire, l’accord de N’Djamena représente un test grandeur nature pour une Afrique centrale en quête de cohérence stratégique. La RCA veut passer du statut d’« État assisté » à celui d’acteur régional, le Cameroun devra choisir entre prudence diplomatique et leadership géopolitique, et l’Union africaine devra prouver qu’elle est capable de transformer des succès diplomatiques ponctuels en processus de paix durables. Noël Ndong

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Cameroun/Présidentielle 2025 : l’expérience face aux inexpériences

À l’approche de la présidentielle d’octobre 2025, le Cameroun entre dans une phase d’observation intense. Au centre des débats : la candidature de Paul Biya, 92 ans, au pouvoir depuis 1982. Longtemps critiqué par une partie de l’opinion, le président camerounais incarne toutefois, pour ses partisans comme pour une frange de la communauté internationale, une stabilité précieuse dans une sous-région troublée. « Le Cameroun reste l’un des rares États stables entre le Sahel, la Centrafrique et le golfe de Guinée. Ce n’est pas anodin », confie un diplomate européen. Face aux défis géopolitiques – insécurité transfrontalière, terrorisme de Boko Haram, tensions dans le NOSO -, Paul Biya a su préserver un État central fort et des équilibres institutionnels fonctionnels. Une opposition fragmentée, sous-expérimentée, et sans vision internationale À l’opposé, l’opposition camerounaise peine à convaincre sur le fond comme sur la forme. Cabral Libii, jeune figure politique, manque de profondeur programmatique et de réseau diplomatique, tandis que Maurice Kamto, plus aguerri, souffre d’un positionnement souvent perçu comme conflictuel, voire clivant. Issa Tchiroma Bakari et Bello Bouba Maïgari, quant à eux, sont vus comme des acteurs du passé, peu porteurs de renouveau. « Aucun de ces candidats ne propose de vision claire sur la place du Cameroun dans un monde multipolaire, ni sur les grandes transitions (climat, numérique, sécurité régionale) », analyse une source proche d’un bailleur multilatéral. En outre, l’absence d’unité dans l’opposition fragilise leur crédibilité : pas de coalition viable, pas de programme commun, et des ambitions personnelles souvent divergentes. Paul Biya : un bilan contrasté, mais un leadership incontestable Malgré certaines critiques – gouvernance centralisée, lenteur des réformes, faible renouvellement de l’élite politique -, le président camerounais affiche un bilan économique tangible. Les projets structurants (gaz à Kribi, autoroutes, barrages, port en eau profonde de Kribi, digitalisation des services publics) ont renforcé l’attractivité économique du pays, avec un taux de croissance moyen autour de 4 % ces dernières années. La communauté internationale, bien que vigilante sur les questions de gouvernance et de droits humains, reconnaît l’importance de la continuité stratégique dans un contexte de fragilité régionale. « Ce que nous demandons, c’est plus de transparence et d’inclusion, pas un saut dans l’inconnu », déclare un responsable de la Banque mondiale. Conseils stratégiques aux acteurs politiques Pour l’opposition, l’heure n’est plus aux slogans mais à la structuration. Elle doit : Au président Biya, l’avenir pourrait passer par : Leadership ou transition, mais avec vision La présidentielle de 2025 ne se résume pas à un affrontement entre ancien et nouveau. Elle cristallise un choix plus profond : celui de la stabilité maîtrisée ou du changement désordonné de notre pays. Dans ce jeu d’équilibres, Paul Biya, malgré son âge, conserve l’image d’un acteur central et rassurant, là où l’opposition n’a pas encore trouvé l’Homme de synthèse pour fédérer et projeter le Cameroun vers une nouvelle ère. Noël Ndong

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USA/Ascension de la Diaspora :  8 milliardaires d’origine africaine pèsent 413 milliards $ d’influence économique

413 milliards de dollars. C’est la somme vertigineuse que représentent les fortunes cumulées de huit milliardaires américains d’origine africaine, selon les derniers chiffres publiés par Forbes. Dans un pays qui compte 125 milliardaires d’origine étrangère, ces huit figures issues du continent africain incarnent une influence économique croissante, mais aussi une présence stratégique dans la finance, la tech, la santé, les infrastructures ou encore les médias. « Leur succès n’est pas que financier, il est aussi symbolique d’un changement d’époque où les diasporas deviennent des acteurs globaux », souligne Fiona Chao, économiste à la Brookings Institution. Une puissance incarnée par Elon Musk Le cas le plus emblématique est Elon Musk, originaire d’Afrique du Sud, aujourd’hui homme le plus riche du monde avec une fortune estimée à 393 milliards de dollars. À lui seul, il représente 30 % de la richesse totale des milliardaires américains d’origine étrangère, selon Forbes. Ses entreprises, Tesla, SpaceX, Neuralink ou encore xAI, redéfinissent à la fois les mobilités, l’espace et l’intelligence artificielle. « L’Afrique du Sud m’a donné la résilience, l’Amérique m’a donné le terrain de jeu », a-t-il déclaré dans une interview accordée à Financial Times. Des parcours transnationaux, des leviers globaux Derrière Elon Musk, on retrouve Patrick Soon-Shiong (5,6 Mds $), entrepreneur en biotechnologie né en Afrique du Sud de parents chinois. Son invention de l’Abraxane, traitement contre plusieurs formes de cancer, illustre la puissance de l’innovation migrante. Suit Rodney Sacks (3,6 Mds $), juriste sud-africain devenu le roi des boissons énergétiques aux États-Unis avec Monster Beverage, une marque valorisée à près de 60 milliards de dollars. L’Égypte est représentée par Haim Saban (3,1 Mds $), investisseur et magnat des médias, connu pour avoir introduit les Power Rangers dans les foyers américains et dirigé Saban Capital Group, très actif dans le capital-risque et les fusions-acquisitions. Des Nigérians influents dans la finance et la tech Le Nigeria, première économie d’Afrique, compte deux noms sur cette liste : Le Maroc et le Kenya dans l’arène Le Marocain Marc Lasry (1,9 Mds $), fondateur du hedge fund Avenue Capital. Il a notamment été conseiller économique de Bill Clinton et a figuré dans le top 50 des figures les plus influentes de Wall Street. Enfin, Bharat Desai, né à Mombasa (Kenya), cofondateur de Syntel, entreprise de services technologiques revendue pour 3,4 milliards de dollars à Atos. Sa fortune est estimée à 1,6 milliard $. Une diaspora qui pèse sur les choix stratégiques Ces fortunes ne se limitent pas à leur portefeuille. Elles influencent les flux d’investissement vers l’Afrique, soutiennent des incubateurs technologiques, financent des programmes éducatifs, et modèlent les perceptions politiques. « Ces milliardaires sont les ambassadeurs silencieux d’un soft power afro-américain émergent, qui redéfinit la notion même d’influence économique », note l’analyste en intelligence économique, Fatou Diarra. Comparatif chiffré  (budget vs fortunes privées) Pays africain Budget annuel 2024-2025 (en USD) Comparaison Nigeria 41 milliards USD 10 fois inférieur aux 413 Mds $ Afrique du Sud 88 milliards USD ≈ 4,7 fois inférieur Égypte 131 milliards USD ≈ 3 fois inférieur Côte d’Ivoire 15,5 milliards USD ≈ 26 fois inférieur Kenya 23 milliards USD ≈ 18 fois inférieur Maroc 58 milliards USD ≈ 7 fois inférieur Cameroun 10,6 milliards USD ≈ 39 fois inférieur RDC 17 milliards USD ≈ 24 fois inférieur Mali 5,5 milliards USD ≈ 75 fois inférieur Burkina Faso 4,3 milliards USD ≈ 96 fois inférieur À 413 milliards de dollars, la fortune cumulée de ces 8 individus dépasse largement le budget combiné de plus de 30 pays africains. Elle équivaut à environ 28 % du PIB du continent africain (≈ 1 500 milliards $). Le seul Elon Musk (393 Mds $) possède une fortune plus élevée que les budgets de l’Égypte, du Nigeria et de l’Afrique du Sud réunis. Alors que l’Afrique ne compte actuellement qu’une vingtaine de milliardaires sur son sol. Diplomatie & géoéconomie « Ces chiffres soulignent à quel point la richesse des diasporas peut potentiellement transformer les économies africaines – si des mécanismes de transfert, d’investissement ou de partenariat étaient activés », a déclaré Omar Benjelloun, économiste du développement. La diaspora africaine en Occident, en particulier aux États-Unis, détient un pouvoir économique équivalent à des États. Cette concentration de capital chez les privés interroge sur le rôle potentiel de ces fortunes dans les politiques de développement, d’investissement stratégique ou de diplomatie économique Sud-Sud. Leur réussite reflète non seulement la force d’intégration des élites migrantes dans l’économie américaine, mais aussi le potentiel inexploité du capital humain africain dans les chaînes de valeur mondiales. Noël Ndong

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Macron–Ouattara : Paris et Abidjan, partenaires pivots face aux secousses ouest-africaines

Le 18 juillet 2025, à l’Élysée, Emmanuel Macron a accueilli Alassane Ouattara pour une rencontre placée sous le signe du réalisme stratégique. Dans une Afrique de l’Ouest en proie à l’instabilité – entre coups d’État, retrait des forces occidentales et guerre informationnelle – la Côte d’Ivoire reste, pour Paris, un allié clef. « La Côte d’Ivoire est une ancre de stabilité dans un océan de turbulences », a déclaré Emmanuel Macron, saluant la coopération militaire, économique et sécuritaire entre les deux pays. Le président français a insisté sur une « relation de confiance bâtie sur le respect mutuel et la responsabilité partagée », dans une logique post-Françafrique assumée. Sur le plan sécuritaire, Abidjan est devenu un point d’appui régional : lutte contre les groupes djihadistes au Sahel, protection des corridors logistiques du golfe de Guinée, et formation d’armées partenaires. En 2025, moins de 800 soldats français sont encore déployés dans la région, contre 2 500 en 2021, illustrant une doctrine de retrait au profit des capacités africaines. « Nous n’avons pas vocation à dépendre d’autrui pour notre sécurité », a affirmé Alassane Ouattara, qui souhaite que la Côte d’Ivoire devienne un hub de sécurité régionale, en formant notamment des militaires béninois, ghanéens et togolais. Sur le front économique, les discussions ont porté sur les investissements dans les infrastructures, le numérique, l’agriculture de transformation et les énergies vertes. La France reste le premier investisseur bilatéral en Côte d’Ivoire, avec plus de 1,4 milliard d’euros de projets en cours. « La croissance doit être inclusive et souveraine. Nous voulons bâtir une économie de valeur, pas de dépendance », a rappelé le président ivoirien. Avec une croissance projetée à 7,2 % en 2025 et une dynamique de transformation industrielle, la Côte d’Ivoire se positionne comme un leader économique régional, mais toujours confrontée à un chômage des jeunes supérieur à 20 %. Enfin, sur le plan géopolitique, les deux chefs d’État ont évoqué la nécessité d’une diplomatie collective au sein de la CEDEAO et de l’Union africaine, face aux défis démocratiques et sécuritaires. « Notre partenariat ne se décrète pas, il se construit. La France restera présente, mais autrement : par le dialogue, la formation, et la coopération entre égaux », a conclu Emmanuel Macron. Noël Ndong à l’Elysée

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Bangui–Paris : une relance militaire stratégique, un test régional pour l’Afrique centrale

La relance de la coopération militaire entre la France et la Centrafrique, officialisée par la visite du général Pascal Ianni à Bangui le 10 juillet 2025, marque un tournant stratégique dans les relations bilatérales, mais aussi un signal fort à l’échelle régionale. Suspendu depuis 2021, ce partenariat reprend dans un contexte géopolitique mouvant, où les acteurs étrangers, notamment la Russie, ont renforcé leur influence. « Notre armée est en reconstruction. Nous voulons que nos cadres militaires soient à la hauteur de leur mission », a déclaré le ministre centrafricain de la Défense, Rameaux-Claude Bireau. Le cœur de la coopération repose désormais sur la formation des FACA, avec une approche française plus discrète et ciblée : pas de bases permanentes, mais des missions ponctuelles pour accompagner la montée en compétence des forces locales. Pour le Cameroun, voisin immédiat de la RCA, cette réactivation est à la fois une opportunité et un défi. Longtemps exposé aux répercussions du conflit centrafricain — flux de réfugiés, criminalité transfrontalière, instabilité locale — le pays doit renforcer ses capacités de surveillance et envisager une coopération militaire régionale renforcée. Yaoundé peut également jouer un rôle diplomatique clé, via la CEMAC et l’Union africaine, en encourageant une dynamique de réconciliation durable à Bangui. Au-delà de la sécurité, les retombées économiques sont majeures : un climat pacifié favoriserait la réouverture des corridors commerciaux et attirerait de nouveaux investissements dans une région où la stabilité reste le principal levier de développement. Dans ce nouveau jeu d’influence, la France cherche à repositionner son rôle sans répéter les erreurs du passé, tandis que les pays d’Afrique centrale sont appelés à se coordonner pour faire de cette relance un levier de souveraineté et de sécurité partagée. Noël Ndong

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Afrique centrale : une carte électorale sous tension géopolitique

Entre instabilités internes, pressions externes et dynamiques régionales, les scrutins à venir redessinent l’équilibre politique de l’Afrique centrale. À l’horizon 2025, l’Afrique centrale entre dans un cycle électoral stratégique. République démocratique du Congo, Cameroun, Tchad, Gabon, Congo-Brazzaville : cinq pays, cinq trajectoires, un même enjeu – la stabilité politique dans une région charnière du continent. Ce moment électoral se joue autant dans les urnes que dans les coulisses diplomatiques. « Le risque, c’est que les élections deviennent un mécanisme de légitimation sans transformation », analyse un diplomate européen en poste à Libreville. Face à des régimes anciens, souvent militaires ou autoritaires, la communauté internationale cherche à concilier exigences démocratiques et stabilité régionale. Les bailleurs de fonds, quant à eux, adoptent une posture conditionnelle : assistance maintenue, mais en échange de signaux clairs en matière de gouvernance, transparence électorale et respect des droits civiques. Cartographie politique des principales échéances RDC : un après-Tshisekedi sous tension Après les élections générales de décembre 2023, Félix Tshisekedi a entamé son second mandat dans un climat de contestation. Les résultats des législatives et locales, encore partiellement validés, font l’objet de critiques de l’opposition et d’observateurs internationaux. L’UE et les États-Unis ont appelé à plus de transparence et à la réforme de la Commission électorale. Les bailleurs conditionnent une partie de leur aide au respect des engagements démocratiques, notamment en matière de décentralisation. Cameroun : Paul Biya et l’ombre d’une éventuelle succession Le scrutin présidentiel de 2025 pourrait marquer un tournant pour le Cameroun. Paul Biya  se présentera à la propre succession, face à une opposition qui peine à s’organiser. L’Union africaine, l’ONU et plusieurs partenaires européens poussent pour une transition apaisée. Les bailleurs, dont la Banque mondiale et le FMI, insistent sur la nécessité d’un apaisement des tensions dans les régions anglophones – ce qui est déjà le cas -conditionnant certaines aides à des avancées en matière de gouvernance. Tchad : des élections sous haute surveillance Après une transition militaire prolongée, le scrutin présidentiel de 2024 a vu Mahamat Idriss Déby s’imposer dans un climat tendu. Les législatives prévues en 2025 sont vues comme un test majeur par les partenaires internationaux. L’UE, qui avait suspendu une partie de son appui budgétaire, attend des garanties de transparence. Les États-Unis, quant à eux, appellent à un renforcement des droits civiques et à la libération des prisonniers politiques. Gabon : une transition militaire à crédibiliser Depuis le renversement d’Ali Bongo en août 2023, les nouvelles autorités gabonaises promettent un retour à l’ordre constitutionnel d’ici fin 2025. La communauté internationale reste prudente. La CEEAC (Communauté économique des États de l’Afrique centrale) et l’Union africaine exigent un calendrier clair, tandis que les bailleurs, dont l’AFD et la BAD, conditionnent leur appui à des progrès concrets dans la réforme électorale. Congo-Brazzaville : stabilité sous contrôle Bien que la présidentielle soit prévue pour 2026, les élections locales de 2025 sont vues comme un baromètre démocratique. Les partenaires extérieurs, notamment la France et la Banque mondiale, pressent le président Denis Sassou Nguesso d’ouvrir l’espace civique et d’encourager le pluralisme. Enjeux géopolitiques La zone concentre des enjeux sécuritaires majeurs : lutte contre les groupes armés à l’Est de la RDC, instabilité post-coup d’État au Gabon et au Tchad, tensions séparatistes au Cameroun. Elle intéresse aussi les grandes puissances. La Chine, présente via ses investissements miniers et infrastructurels, privilégie la continuité des régimes. L’Union européenne et les États-Unis, eux, appuient officiellement les transitions démocratiques, mais avec un pragmatisme croissant. La France, historiquement influente dans la région, opère un repositionnement : « Nous ne sommes plus dans une logique de soutien inconditionnel », confie une source diplomatique à Yaoundé. La Russie, quant à elle, renforce sa présence en Centrafrique et au Soudan, influençant indirectement l’équilibre régional. Des conséquences à double tranchant Les conséquences de ces scrutins dépassent les frontières nationales. Une élection mal conduite peut attiser les conflits internes, pousser à l’exode et fragiliser les économies déjà sous pression. À l’inverse, une transition réussie – même partielle – pourrait ouvrir la voie à une nouvelle dynamique sous-régionale, propice à l’intégration économique et à la coopération sécuritaire. Mais les espoirs sont mesurés. Comme le rappelle une experte de l’International Crisis Group : « Les populations veulent voter, mais elles veulent surtout que cela change quelque chose ». Conclusion : vigilance et engagement différencié Pour les partenaires internationaux, la ligne est étroite : soutenir les processus électoraux sans cautionner les dérives. Face à des régimes souvent fermés mais sensibles à l’image extérieure et à la coopération financière, l’enjeu est d’accompagner sans imposer, d’influencer sans rompre. L’Afrique centrale joue une partie serrée. Le verdict des urnes comptera – mais la crédibilité de l’ensemble du processus, elle, pèsera bien au-delà des résultats. Noël Ndong

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Afrique centrale : une carte électorale sous tension géopolitique

Entre instabilités internes, pressions externes et dynamiques régionales, les scrutins à venir redessinent l’équilibre politique de l’Afrique centrale. À l’horizon 2025, l’Afrique centrale entre dans un cycle électoral stratégique. République démocratique du Congo, Cameroun, Tchad, Gabon, Congo-Brazzaville : cinq pays, cinq trajectoires, un même enjeu – la stabilité politique dans une région charnière du continent. Ce moment électoral se joue autant dans les urnes que dans les coulisses diplomatiques. « Le risque, c’est que les élections deviennent un mécanisme de légitimation sans transformation », analyse un diplomate européen en poste à Libreville. Face à des régimes anciens, souvent militaires ou autoritaires, la communauté internationale cherche à concilier exigences démocratiques et stabilité régionale. Les bailleurs de fonds, quant à eux, adoptent une posture conditionnelle : assistance maintenue, mais en échange de signaux clairs en matière de gouvernance, transparence électorale et respect des droits civiques. Cartographie politique des principales échéances RDC : un après-Tshisekedi sous tension Après les élections générales de décembre 2023, Félix Tshisekedi a entamé son second mandat dans un climat de contestation. Les résultats des législatives et locales, encore partiellement validés, font l’objet de critiques de l’opposition et d’observateurs internationaux. L’UE et les États-Unis ont appelé à plus de transparence et à la réforme de la Commission électorale. Les bailleurs conditionnent une partie de leur aide au respect des engagements démocratiques, notamment en matière de décentralisation. Cameroun : Paul Biya et l’ombre d’une éventuelle succession Le scrutin présidentiel de 2025 pourrait marquer un tournant pour le Cameroun. Paul Biya  se présentera à la propre succession, face à une opposition qui peine à s’organiser. L’Union africaine, l’ONU et plusieurs partenaires européens poussent pour une transition apaisée. Les bailleurs, dont la Banque mondiale et le FMI, insistent sur la nécessité d’un apaisement des tensions dans les régions anglophones – ce qui est déjà le cas -conditionnant certaines aides à des avancées en matière de gouvernance. Tchad : des élections sous haute surveillance Après une transition militaire prolongée, le scrutin présidentiel de 2024 a vu Mahamat Idriss Déby s’imposer dans un climat tendu. Les législatives prévues en 2025 sont vues comme un test majeur par les partenaires internationaux. L’UE, qui avait suspendu une partie de son appui budgétaire, attend des garanties de transparence. Les États-Unis, quant à eux, appellent à un renforcement des droits civiques et à la libération des prisonniers politiques. Gabon : une transition militaire à crédibiliser Depuis le renversement d’Ali Bongo en août 2023, les nouvelles autorités gabonaises promettent un retour à l’ordre constitutionnel d’ici fin 2025. La communauté internationale reste prudente. La CEEAC (Communauté économique des États de l’Afrique centrale) et l’Union africaine exigent un calendrier clair, tandis que les bailleurs, dont l’AFD et la BAD, conditionnent leur appui à des progrès concrets dans la réforme électorale. Congo-Brazzaville : stabilité sous contrôle Bien que la présidentielle soit prévue pour 2026, les élections locales de 2025 sont vues comme un baromètre démocratique. Les partenaires extérieurs, notamment la France et la Banque mondiale, pressent le président Denis Sassou Nguesso d’ouvrir l’espace civique et d’encourager le pluralisme. Enjeux géopolitiques La zone concentre des enjeux sécuritaires majeurs : lutte contre les groupes armés à l’Est de la RDC, instabilité post-coup d’État au Gabon et au Tchad, tensions séparatistes au Cameroun. Elle intéresse aussi les grandes puissances. La Chine, présente via ses investissements miniers et infrastructurels, privilégie la continuité des régimes. L’Union européenne et les États-Unis, eux, appuient officiellement les transitions démocratiques, mais avec un pragmatisme croissant. La France, historiquement influente dans la région, opère un repositionnement : « Nous ne sommes plus dans une logique de soutien inconditionnel », confie une source diplomatique à Yaoundé. La Russie, quant à elle, renforce sa présence en Centrafrique et au Soudan, influençant indirectement l’équilibre régional. Des conséquences à double tranchant Les conséquences de ces scrutins dépassent les frontières nationales. Une élection mal conduite peut attiser les conflits internes, pousser à l’exode et fragiliser les économies déjà sous pression. À l’inverse, une transition réussie – même partielle – pourrait ouvrir la voie à une nouvelle dynamique sous-régionale, propice à l’intégration économique et à la coopération sécuritaire. Mais les espoirs sont mesurés. Comme le rappelle une experte de l’International Crisis Group : « Les populations veulent voter, mais elles veulent surtout que cela change quelque chose ». Conclusion : vigilance et engagement différencié Pour les partenaires internationaux, la ligne est étroite : soutenir les processus électoraux sans cautionner les dérives. Face à des régimes souvent fermés mais sensibles à l’image extérieure et à la coopération financière, l’enjeu est d’accompagner sans imposer, d’influencer sans rompre. L’Afrique centrale joue une partie serrée. 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International/Firmin Edouard Matoko : l’Afrique centrale en lice pour l’UNESCO ?

Le Congo met en avant un candidat du Sud global, l’UA doit clarifier sa position face à l’Égypte. Le Congo a désigné Firmin Edouard Matoko, sous-directeur général en charge de la priorité Afrique à l’UNESCO depuis 2017, comme son candidat pour la succession d’Audrey Azoulay en novembre 2025. Ce diplomate chevronné, aux 30 ans de carrière à l’organisation et une expérience multilinguiste (français, anglais, italien, espagnol), incarne un profil « Sud global » – Afrique centrale, Afrique subsaharienne, bassin du Congo, Asie – revendiquant un leadership décomplexé. La candidature de Firmin Edouard Matoko rompt avec le profil traditionnel africain représenté par l’Égyptien Khaled El-Enany, soutenu officiellement par l’Union africaine, la France, la Ligue arabe et l’Allemagne. Or, la Conférence de l’UA sur les candidatures à l’UNESCO, qui date de 2024, stipule que les États membres doivent soumettre une position commune et évaluer équitablement tout candidat africain, en alignement avec l’Agenda 2063 et la stratégie de valorisation de l’Afrique dans les grandes institutions mondiales. « Matoko combine connaissance intime de l’UNESCO, diplomatie africaine et vision multilatérale », souligne un expert du bassin du Congo. UA : entre discipline institutionnelle et enjeux géostratégiques En nommant Firmin Edouard Matoko, le Congo de Sassou‑Nguesso, appuyé par la CEEAC, invite l’UA à clarifier sa ligne. Fera-t-elle primer le candidat « officiel » égyptien, ou ouvrira-t-elle un processus inclusif, comme le demande Brazzaville, pour donner une voix plus large au Sud global et à la francophonie ? L’appel lancé à l’UA vise à éviter que l’élection ne soit perçue comme un concours de puissances : entre la diplomatie du Maghreb, les relais de l’Égypte, et les ambitions de l’Afrique centrale, la légitimité africaine à l’UNESCO est en jeu. Enjeux géopolitiques, institutionnels et d’intelligence économique L’Union africaine doit clarifier sa position Le Congo, via la CEEAC et le président Sassou Nguesso, appelle l’UA à préciser si elle maintient l’appui au candidat égyptien ou s’ouvre à une candidature alternative portée par l’Afrique centrale. Les textes de l’UA stipulent que les candidatures africaines doivent être corrélées à une position commune, transparente et inclusive, conformément à l’Agenda 2063. Ce dossier sera un test crucial : promouvoir une Afrique représentée équitablement au plus haut niveau des institutions culturelles mondiales… ou perpétuer un modèle de candidatures bilatérales concurrentes. Un analyste diplomatique invite l’UA à clarifier « sa posture, sinon les candidatures rivaliseront plutôt que de mutualiser les forces africaines ». Matoko ou El‑Enany, symbole d’un leadership africain atone ou affirmé Le duel entre Matoko et El‑Enany dépasse le simple jeu des candidatures : il interroge la capacité de l’Afrique à décider et promouvoir collectivement ses représentants. L’UA jouera un rôle déterminant : soit favoriser une candidature réellement représentative du Sud global – incarnée par Firmin Edouard Matoko – soit confirmer un modus operandi centré sur l’Afrique du Nord. Transparence ou fragmentation ? Le choix de Firmin Edouard Matoko redistribue les cartes : c’est un test pour l’UA – soit avancer vers des institutions multilatérales plus inclusives et représentatives, soit reproduire un modèle de candidatures bilatérales concurrentes. Le Congo, soutenu par la CEEAC et le président Dénis Sassou‑Nguesso, envoient un message fort : l’Afrique ne veut plus être uniquement source de ressources, mais aussi représentée dans les centres de pouvoir culturel mondiaux. Noël Ndong

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Afrique francophone : Dérives électorales silencieuses

À l’approche de scrutins majeurs dans plusieurs pays d’Afrique francophone, un schéma préoccupant se dessine : opacité des règles électorales, sélection restrictive des candidatures, affaiblissement des commissions indépendantes et parfois, marginalisation de l’opposition. Du Cameroun au Sénégal, en passant par le Burkina Faso ou Madagascar, la République centrafricaine (RCA)… les processus électoraux deviennent de plus en plus contestés, minant la confiance publique et fragilisant la légitimité des institutions. Dans ce contexte, l’Union africaine et les organisations sous-régionales (CEEAC, CEDEAO) sont appelées à sortir de leur réserve pour préserver les principes de transparence et d’inclusivité. Ce briefing propose une lecture comparative de ces dynamiques et des risques partagés qu’elles font peser sur la stabilité politique et démocratique du Continent. Comparaison des enjeux autour des candidatures & commissions électorales Le Cameroun : Un processus à clarifier Sur fonds d’incertitude autour des critères de validation des candidatures -notamment les 300 signatures et condition juridique d’investiture -, Elecam reste « silencieuse » tandis que des candidats indépendants ou de petits partis risquent l’exclusion légale. RDC : Violence et manque de transparence La campagne électorale de décembre 2023 a été marquée par des violences, des limitations de l’observation internationale (l’UE n’a pu déployer ses observateurs) et des accusations de partialité de la CENI à l’encontre du président Félix Tshisekedi. Le climat reste inquiétant pour la crédibilité du scrutin. Sénégal : Sponsoring & exclusion ciblée Les candidatures ont été filtrées pour insuffisance de sponsors ou documents incomplets. Des figures comme Ousmane Sonko ont vu leur admissibilité compromise du fait de condamnations pénales. L’opposition a dénoncé un mécanisme de parrainage opaque qui limite la compétition démocratique. Burkina Faso : Érosion des institutions électorales La pouvoir militaire a supprimé l’indépendance de la commission électorale, transférant la responsabilité à l’intérieur – un pivot qui pourrait être dangereux pour la légitimité du futur scrutin, avec repousse indéfini des élections. Madagascar & Mozambique : Répression et blocage politique Points de convergence & déviations Vers une réforme des pratiques électorales ? Les cas camerounais et d’autres pays francophones s’inscrivent dans une tendance qui pourrait devenir préoccupantes : « institutions mi-floues, mi-claires, obstacles administratifs et manque de transparence, absence ou faible de communication publique », déclare un avocat sous anonymat. Mais cette conjoncture reflète une crise plus large en Afrique francophone : entre fermeture politique et affaiblissement institutionnel. Seule une mobilisation coordonnée des régulateurs électoraux, de la société civile, des médias et des observateurs régionaux (ECOWAS, CEEAC, UA) permettra de restaurer la confiance et de garantir un espace démocratique durable. Noël Ndong

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