Culture & Patrimoine

Paul Biya s’envole pour l’Europe : retraite stratégique ou manœuvre d’équilibriste avant le scrutin du 12 octobre ?

Ă€ moins de trois semaines d’un scrutin prĂ©sidentiel capital au Cameroun, le prĂ©sident Paul Biya, 92 ans, a quittĂ© YaoundĂ© le dimanche 21 septembre pour ce que le Cabinet civil qualifie sobrement de « court sĂ©jour privĂ© en Europe ». Officiellement banal. Officieusement, cette absence soulève un faisceau de questions gĂ©opolitiques, Ă©conomiques et institutionnelles, Ă  l’heure oĂą le pays aborde une phase Ă©lectorale Ă  hauts risques. « Ce type de voyage, Ă  quelques jours d’un scrutin majeur, est tout sauf anodin », confie un diplomate europĂ©en. « Cela peut aussi indiquer une volontĂ© de contrĂ´ler les agendas hors des regards camerounais ». Une dĂ©lĂ©gation verrouillĂ©e, un agenda discret AccompagnĂ© de son Ă©pouse Chantal Biya, le prĂ©sident a voyagĂ© avec une dĂ©lĂ©gation resserrĂ©e, Ă  haute valeur symbolique : Samuel Mvondo Ayolo, Directeur du Cabinet Civil ; Vice-Amiral Joseph Fouda, Conseiller spĂ©cial Ă  la PrĂ©sidence ; Simon Pierre Bikele, Chef du Protocole d’État. Aucune indication n’a Ă©tĂ© donnĂ©e sur la destination exacte, ni sur la durĂ©e rĂ©elle du sĂ©jour. L’ambiguĂŻtĂ© du format « privĂ© » ouvre la voie Ă  toutes les hypothèses : contrĂ´le diplomatique discret, consultations mĂ©dicales, ou encore sĂ©curisation de soutiens internationaux. Contexte politique : tensions, crispations et incertitudes L’élection prĂ©sidentielle du 12 octobre 2025, Ă  laquelle Paul Biya est candidat pour un 8e mandat, s’annonce sous tension : Une opposition fracturĂ©e mais active, dĂ©nonçant un processus verrouillĂ© ; Une crise anglophone persistante, mais en basse intensitĂ©; Des spĂ©culations rĂ©currentes sur l’état de santĂ© du prĂ©sident. Une absence au timing stratĂ©gique Ce dĂ©part du territoire, Ă  la veille d’un scrutin sensible, envoie plusieurs signaux : 1. Stature prĂ©sidentielle Ă  l’international :Rencontrer des partenaires Ă©trangers ou des investisseurs dans un cadre non-public pourrait conforter une image de chef d’État toujours central, lĂ©gitime, et opĂ©rationnel. Le prĂ©sident chercherait ainsi Ă  montrer qu’il reste un interlocuteur crĂ©dible, malgrĂ© son âge avancĂ© et les appels internes au renouveau. 2. Message de continuitĂ© institutionnelle :La prĂ©sence de son cercle restreint dans la dĂ©lĂ©gation montre que le cĹ“ur du système reste verrouillĂ© et compact. 3. ManĹ“uvre diplomatique silencieuse :La formulation « court sĂ©jour privĂ© » est un outil de flexibilitĂ© politique : elle permet des ajustements discrets selon l’agenda, notamment en cas de rencontres bilatĂ©rales ou nĂ©gociations sensibles (sĂ©curitaires, Ă©conomiques ou Ă©lectorales). 4. Mise Ă  distance de la pression intĂ©rieure : Hors du territoire, le prĂ©sident Paul Biya Ă©vite la pression directe de l’opinion, des journalistes locaux, ou des oppositions. RĂ©actions diplomatiques & signaux internationaux MĂŞme sans dĂ©claration officielle majeure, les chancelleries occidentales suivent ce dĂ©placement avec attention : 1. France : Paris, puissance traditionnelle en zone CFA, suit « avec intĂ©rĂŞt » l’évolution de la situation. Des sources diplomatiques indiquent que le Quai d’Orsay attend des clarifications sur l’agenda prĂ©sidentiel, la santĂ© du chef de l’État et la tenue effective d’un scrutin crĂ©dible. 2. Union europĂ©enne : Bruxelles a appelĂ© YaoundĂ© Ă  garantir « des Ă©lections libres, transparentes, et inclusives », avec accès des mĂ©dias et observation internationale. La suite du sĂ©jour prĂ©sidentiel pourrait conditionner l’attitude de l’UE en matière d’aide et de coopĂ©ration post-Ă©lectorale. 3. ONG internationales : Human Rights Watch et Freedom House dĂ©noncent les restrictions Ă  la presse, la rĂ©pression dans les rĂ©gions anglophones et les dĂ©tentions arbitraires. Une dĂ©nonciation qui ne reflète pas toujours la rĂ©alitĂ© sur le terrain. A ce jour, aucune partie, aucune rĂ©gion du Cameroun n’est en Ă©bullition. 4. Diasporas et oppositions camerounaises : Certaines, surtout très minoritaires, critiques, rĂ©clament des explications publiques sur la finalitĂ© rĂ©elle de ce dĂ©placement et interpellent la communautĂ© internationale. 5. Chine, Turquie, Émirats : Acteurs Ă©conomiques majeurs au Cameroun, ces puissances non-occidentales pourraient voir dans cette visite une opportunitĂ© de renforcer leur prĂ©sence. Enjeux sĂ©curitaires, Ă©conomiques et gĂ©opolitiques 1. SĂ©curitĂ© intĂ©rieure :Une sĂ©curitĂ© intĂ©rieure renforcĂ©e, entre les mains du ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Ji, combinĂ©e Ă  la coordination sĂ©curitaire, – ministère de la DĂ©fense, DGSN -, dans les zones sensibles (Nord, ExtrĂŞme-Nord, rĂ©gions anglophones), oĂą l’armĂ©e mène des opĂ©rations contre Boko Haram et les milices sĂ©paratistes. 2. Économie sous tension : Les marchĂ©s et bailleurs de fonds internationaux suivent l’évolution politique avec prudence. En cas d’absence prolongĂ©e ou de tensions Ă©lectorales, la prime de risque souveraine du Cameroun pourrait augmenter, et certains investisseurs suspendre leurs engagements. GĂ©opolitique rĂ©gionale Le Cameroun reste un pivot stratĂ©gique en Afrique centrale, entre instabilitĂ© en Centrafrique, fragilitĂ© au Tchad et tensions dans le golfe de GuinĂ©e. Les partenaires internationaux veillent Ă  la stabilitĂ© de YaoundĂ© pour Ă©viter une contagion rĂ©gionale. Risques et incertitudes 1. Rumeurs de vacance du pouvoir : Une absence mal gĂ©rĂ©e pourrait amplifier les doutes sur la capacitĂ© de Paul Biya Ă  gouverner, voire Ă  mener une campagne Ă©lectorale active. 2. Tensions internes au sein du rĂ©gime : En cas de flottement, des rivalitĂ©s pourraient Ă©merger entre les barons du pouvoir, notamment dans l’armĂ©e et le gouvernement. 3. Recul diplomatique : Un mutisme prolongĂ© ou une mauvaise communication avec les alliĂ©s occidentaux pourrait fragiliser les appuis traditionnels du rĂ©gime. Le « court sĂ©jour privĂ© » de Paul Biya en Europe, Ă  trois semaines d’un scrutin crucial, n’est ni neutre ni sans portĂ©e stratĂ©gique. Derrière la prudence sĂ©mantique, se dessinent des calculs de lĂ©gitimitĂ©, des manĹ“uvres diplomatiques discrètes, et des messages adressĂ©s tant aux partenaires Ă©trangers qu’aux acteurs internes. Si le Cameroun entre dans une zone de fĂ©brilitĂ©, cette fĂ©brilitĂ© reste bien contrĂ´lĂ©e et surveillĂ©e, et « contenable Â».

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Édéa : Carrefour industriel du Cameroun entre héritage colonial et ambitions modernes

SituĂ©e au cĹ“ur du triangle stratĂ©gique Kribi–ÉdĂ©a–Douala, la ville d’ÉdĂ©a, dans la rĂ©gion du Littoral, est bien plus qu’un simple nĹ“ud logistique. Elle est le tĂ©moin silencieux de plus d’un siècle de transformations industrielles, politiques et sociales qui ont marquĂ© l’histoire du Cameroun moderne. Un passĂ© colonial fondateur Initialement peuplĂ©e par les peuples Bakoko et Bassa, ÉdĂ©a tire son nom du mot « E’dea (Adiè) », signifiant « terre des ancĂŞtres ». C’est au tournant du XXe siècle que la ville entre pleinement dans l’histoire coloniale. Sous le protectorat allemand (1884-1916), ÉdĂ©a devient un point stratĂ©gique d’accès vers l’arrière-pays camerounais. Les colons allemands y bâtissent des infrastructures clĂ©s, dont le cĂ©lèbre pont de la Sanaga, encore appelĂ© « pont allemand » , construit en 1911. Ce pont mĂ©tallique en arc Ă  tablier suspendu est l’un des symboles de l’ingĂ©nierie allemande en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest, assurant Ă  la fois la circulation routière et ferroviaire, jusqu’au dĂ©but des annĂ©es 1980. Pont allemand « lancé » en 1911 Ă  EdĂ©a Si les archives ne permettent pas de confirmer avec certitude le nom du tout premier Allemand Ă  s’installer Ă  ÉdĂ©a, il est Ă©tabli que la ville a servi de base aux premières missions techniques et administratives du pouvoir colonial allemand dans la rĂ©gion. Le site exact d’implantation des premiers colons est localisĂ© autour de l’actuel quartier Koukouè, aujourd’hui zone industrielle Ă©mergente. Le barrage d’ÉdĂ©a : colonne vertĂ©brale Ă©nergĂ©tique du pays L’un des plus grands tournants industriels de la ville a lieu avec la construction du barrage hydroĂ©lectrique d’ÉdĂ©a sur le fleuve Sanaga, mis en service en 1954. Construit pour fournir l’énergie nĂ©cessaire Ă  l’usine d’aluminium Alucam, ce barrage est vite devenu un pilier de la politique Ă©nergĂ©tique nationale. Il fournit aujourd’hui encore une part significative de l’électricitĂ© utilisĂ©e non seulement dans l’industrie, mais aussi dans les mĂ©nages Ă  travers le pays. Le complexe hydroĂ©lectrique comprend Ă©galement une centrale Ă©lectrique d’une puissance initiale de 264 MW, qui a Ă©tĂ© progressivement modernisĂ©e. Ce projet, l’un des plus ambitieux de l’époque coloniale tardive, a permis Ă  ÉdĂ©a d’être parmi les premières villes d’Afrique centrale Ă  bĂ©nĂ©ficier d’une Ă©lectrification Ă  grande Ă©chelle. EdĂ©a, berceau de l’industrialisation Dans la mĂŞme dynamique, l’État camerounais crĂ©e en 1976 la Cellulose du Cameroun (Cellucam), usine gĂ©ante de pâte Ă  papier, officiellement inaugurĂ©e le 18 mars 1981 par le prĂ©sident Ahmadou Ahidjo. Avec près de 2 000 emplois directs et plus de 5 000 emplois indirects, Cellucam devient un pilier de l’économie locale. Cependant, des pannes techniques, un incendie majeur en 1982 et une mauvaise gestion prĂ©cipitent sa faillite. Aujourd’hui, l’État ambitionne de relancer le site via une technopole forĂŞt-bois, portĂ©e par la SCIEB, pour transformer la rĂ©gion en hub industriel du bois. Une ville en mutation : entre hĂ©ritage et modernisation Plus d’un siècle après l’arrivĂ©e des Allemands, ÉdĂ©a continue de se rĂ©inventer. L’inauguration de la cimenterie Central Africa Cement (CAC), le 19 septembre 2025, financĂ©e Ă  hauteur de 12 milliards FCFA, marque une nouvelle ère industrielle. L’unitĂ© produira 1 million de tonnes de ciment par an, exploitant les gisements locaux de calcaire et de pouzzolane, rĂ©duisant ainsi la dĂ©pendance aux importations. Cette initiative s’inscrit dans la politique nationale d’import-substitution, alignĂ©e sur la Vision 2035 du Cameroun, et devrait gĂ©nĂ©rer plus de 120 emplois directs et plusieurs centaines d’emplois indirects. Elle relance Ă©galement le plaidoyer des autoritĂ©s locales, qui rĂ©clament la crĂ©ation d’une zone franche industrielle, la rĂ©habilitation du rĂ©seau routier, l’accès Ă  l’eau potable, Ă  l’électricitĂ©, et la relance du projet de port sec Ă  Mbegne. Une centralitĂ© gĂ©opolitique et Ă©conomique rĂ©gionale SituĂ©e Ă  la croisĂ©e des grandes infrastructures nationales – rail, route, fleuve, Ă©nergie – ÉdĂ©a est aujourd’hui appelĂ©e Ă  devenir un hub industriel et logistique majeur de la sous-rĂ©gion. Avec la montĂ©e en puissance de la Zone de libre-Ă©change continentale africaine (ZLECAF), la ville peut capitaliser sur sa position gĂ©ographique pour devenir un centre de compĂ©titivitĂ© rĂ©gionale, Ă  condition d’investir durablement dans ses infrastructures et dans le respect des normes sociales et environnementales. En rĂ©sumĂ©

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Bassa Power /l’Assiko vs Makouné : la bataille culturelle de deux danses sur la scène internationale

Assiko Deux danses, une identitĂ© : le peuple Bassa du Cameroun voit ses traditions convoitĂ©es, projetant l’Assiko et le MakounĂ© dans une rivalitĂ© douce au cĹ“ur de la diplomatie culturelle africaine. Makounè Au croisement de la musique, du patrimoine immatĂ©riel et de la diplomatie culturelle, deux danses emblĂ©matiques du peuple Bassa-Mpoo-Bati, l’Assiko et le MakounĂ©, s’imposent comme de puissants vecteurs d’influence africaine sur la scène mondiale. Tandis que l’une sĂ©duit les grandes scènes francophones, l’autre fait son chemin dans les universitĂ©s afrodescendantes et les festivals panafricains. Assiko, MakounĂ© : Deux danses, deux âmes du peuple bassa L’Assiko, popularisĂ©e par le mythique Jean Bikoko Aladin dans les annĂ©es 1950, est une danse de rĂ©sistance et d’élĂ©gance. Pieds nus, pagne serrĂ©, le danseur affronte la gravitĂ© en cadence, souvent au son de la guitare sèche et d’un rythme syncopĂ© frappĂ© sur une lame de fer et une bouteille. Elle est devenue un emblème de la culture Bassa dans les diasporas. Le MakounĂ©, plus ancien et ritualisĂ©, s’enracine dans les cĂ©rĂ©monies communautaires et la danse collective.   PortĂ©e par des percussions plus graves et des pas circulaires Ă©voquant la terre, la spiritualitĂ© et la cohĂ©sion du clan, cette danse connaĂ®t un regain d’intĂ©rĂŞt dans les centres culturels notamment de Douala et Kribi. « Le MakounĂ© est l’ADN rituel, l’Assiko est l’expression sociale. Ce sont les deux faces d’un peuple restĂ© debout malgrĂ© l’histoire coloniale », analyse Pr. Armand N. Nkou, anthropologue Ă  l’UniversitĂ© de YaoundĂ© I. Assiko, MakounĂ© : Une rivalitĂ© Ă  l’export, enjeu de soft power culturel Depuis 2022, l’Assiko a Ă©tĂ© inscrit dans plusieurs festivals europĂ©ens (Paris, Marseille, Genève, Bruxelles, Berlin Madrid, MontrĂ©al), avec des troupes bassa en rĂ©sidence artistique. En 2024, il a gĂ©nĂ©rĂ© plus de 800 000 € de retombĂ©es culturelles indirectes, selon le Ministère camerounais des Arts et de la Culture. Le MakounĂ©, quant Ă  lui, a Ă©tĂ© intĂ©grĂ© dans plusieurs programmes universitaires afrodescendants aux États-Unis et en Afrique du Sud, notamment Ă  l’universitĂ© Howard et Ă  Cape Town. Des chorĂ©graphes y voient une matrice originelle comparable au Mapouka ivoirien, au Kizomba angolais ou aux danses bantoues du KasaĂŻ. « Ce qui se joue, c’est la bataille symbolique pour inscrire un hĂ©ritage dans la conscience africaine globale », explique Grace Obado, chercheuse en diplomatie culturelle Ă  Nairobi. GĂ©opolitique du patrimoine : vers une reconnaissance Ă  l’UNESCO ? Le Cameroun envisage de proposer l’Assiko Ă  l’inscription sur la liste du patrimoine immatĂ©riel de l’UNESCO en 2026, un projet portĂ© par des acteurs comme l’Institut National des Arts du Cameroun (INAC) et l’Association Bassa en Mouvement. Mais certains intellectuels plaident pour une reconnaissance conjointe. C’est le cas de Nicole Ebanda, historienne de l’art : « Le MakounĂ© et l’Assiko sont les jambes d’un mĂŞme corps. Les dissocier, c’est affaiblir la narration culturelle de l’Afrique centrale ». Vers une politique culturelle rĂ©gionale ? Avec plus de 2,5 millions de Bassa au Cameroun, et une diaspora en France, aux États-Unis en Allemagne, au Canada et au Gabon, la valorisation de ces danses dĂ©passe le simple folklore. Elle touche Ă  la diplomatie culturelle, Ă  la mĂ©moire postcoloniale et Ă  l’intelligence Ă©conomique du patrimoine. Pour Cheikh Tidiane Gadio, ancien ministre des Affaires Ă©trangères du SĂ©nĂ©gal, « l’Afrique ne doit pas se contenter de danser. Elle doit savoir pourquoi elle danse, et comment danser peut devenir un levier Ă©conomique, identitaire et gĂ©opolitique ». NoĂ«l Ndong

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Révolution industrielle à Edéa : Une cimenterie chinoise au cœur du triangle Kribi-Edéa-Douala

Le 19 septembre 2025, à Koukouè, la ville industrielle d’Édéa a accueilli l’inauguration officielle de la cimenterie Central Africa Cement (CAC), fruit d’un partenariat sino-camerounais. Dotée d’une capacité annuelle d’un million de tonnes, cette nouvelle infrastructure ambitionne de faire du Cameroun un acteur plus autonome dans le secteur du ciment, dans le cadre de la stratégie nationale d’import-substitution. Valorisant les ressources locales telles que la pouzzolane et le calcaire, CAC entend réduire la dépendance au clinker importé, principal facteur de la flambée des prix du ciment. Selon les données du ministère du Commerce, le sac de 50 kg oscillait entre 4 300 et 5 300 FCFA en 2024. L’arrivée de cette usine devrait ainsi contribuer à une meilleure accessibilité du ciment pour les projets de construction publics et privés. Mais si le projet promet de créer 121 emplois directs et plus de 100 emplois indirects, le climat social est déjà tendu. Plusieurs employés ont profité de la présence des autorités pour dénoncer des conditions de travail précaires : absence de contrats, travail sans jour de repos, équipements de sécurité insuffisants. Une situation qui soulève des inquiétudes sur le respect du Code du travail camerounais, dans un contexte où les investissements étrangers sont pourtant fortement encouragés. « Cette usine est un levier de notre industrialisation souveraine », a déclaré le ministre des Mines par intérim, Pr Fuh Calistus Gentry, lors de la cérémonie. Sur le plan régional, l’usine s’inscrit dans une dynamique de montée en puissance industrielle du triangle Kribi–Édéa–Douala, avec un objectif national de production de 12,5 millions de tonnes de ciment/an en 2025. Elle devra cependant faire face à une concurrence féroce : Dangote, Cimaf, Cimpor ou encore Medcem sont déjà bien installés sur le marché. En toile de fond, ce projet renforce l’ancrage stratégique de la Chine en Afrique centrale, tout en posant les enjeux liés à la responsabilité sociale, à la durabilité environnementale, et à l’intelligence économique dans un secteur clé pour l’émergence du Cameroun à l’horizon 2035. Un objectif atteignable. En chiffres :

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Fer & Influence : le Cameroun déploie sa puissance minière à Kribi

Le Cameroun franchit une nouvelle Ă©tape dans sa stratĂ©gie de valorisation minière avec l’inauguration de la mine de fer de Grand-Zambi et la pose de la première pierre du terminal minĂ©ralier de Sinosteel Ă  Kribi. Cette double cĂ©rĂ©monie, prĂ©sidĂ©e par le Premier ministre, Joseph Dion Ngute le 22 septembre, s’inscrit dans une vision nationale d’industrialisation, d’intĂ©gration logistique rĂ©gionale, et d’attraction des investissements stratĂ©giques. Kribi, port en eaux profondes et hub Ă©mergent du Golfe de GuinĂ©e, devient ainsi un levier gĂ©oĂ©conomique central pour l’Afrique centrale. Joseph Dion Ngute, Premier ministre Une journĂ©e charnière pour l’industrie extractive camerounaise Le gouvernement camerounais donne un coup d’accĂ©lĂ©rateur Ă  son ambition de devenir une puissance minière rĂ©gionale. Le 22 septembre 2025, Kribi accueille deux Ă©vĂ©nements majeurs : l’inauguration de la mine de fer de Grand-Zambi, projet structurant portĂ© par l’État et des partenaires chinois, et le lancement officiel des travaux du terminal minĂ©ralier de Sinosteel, destinĂ© Ă  transformer le port de Kribi en plaque tournante des exportations minières. « C’est un tournant. Nous ne voulons plus ĂŞtre de simples pourvoyeurs de matières premières. Nous voulons intĂ©grer la chaĂ®ne de valeur Â», a dĂ©clarĂ© un haut responsable du Ministère des Mines sous couvert d’anonymat. Kribi : du comptoir colonial Ă  la porte industrielle du Golfe de GuinĂ©e Kribi n’est pas une terre inconnue des stratèges. Ce port, jadis comptoir allemand Ă  la fin du XIXe siècle, a toujours Ă©tĂ© au cĹ“ur des ambitions logistiques du Cameroun. Sa profondeur naturelle en fait l’un des rares ports en eaux profondes d’Afrique centrale, capable d’accueillir des navires de plus de 100 000 tonnes. Ă€ seulement 150 km de Douala, 100 km d’EdĂ©a et moins de 300 km de YaoundĂ©, Kribi est idĂ©alement positionnĂ©e pour dĂ©senclaver les ressources minières du Sud et de l’Est, tout en servant de point de transit pour le Tchad et la Centrafrique. Kribi, hub rĂ©gional-Afrique centrale Un projet d’envergure Ă  forte dimension gĂ©opolitique Le partenariat avec Sinosteel, gĂ©ant chinois de la sidĂ©rurgie, renforce la prĂ©sence stratĂ©gique de la Chine dans les infrastructures camerounaises. L’entreprise a prĂ©vu une première phase d’investissement estimĂ©e Ă  270 millions $, avec une montĂ©e en puissance progressive jusqu’à l’exportation annuelle de 10 millions de tonnes de fer brut. Ce terminal minĂ©ralier s’intègre dans l’Initiative “Belt and Road” (BRI), renforçant l’ancrage sino-africain dans les corridors miniers du continent. « Ce terminal va repositionner Kribi comme point nodal des chaĂ®nes logistiques africaines. C’est une infrastructure d’influence Â», analyse le politologue Pascal Ndjounou, chercheur associĂ© Ă  l’IFRI Ă  Paris. SĂ©curitĂ©, emploi et intelligence Ă©conomique L’État camerounais promet une vigilance renforcĂ©e autour de la sĂ©curisation de la zone minière et portuaire, intĂ©grĂ©e au plan national de sĂ©curisation des infrastructures stratĂ©giques. Selon les autoritĂ©s, plus de 3 000 emplois directs et indirects seront gĂ©nĂ©rĂ©s durant la phase de construction, et 800 emplois permanents sont prĂ©vus Ă  l’exploitation. Mais la vigilance reste de mise : cybersĂ©curitĂ© industrielle, protection des donnĂ©es stratĂ©giques, contrĂ´le des flux d’informations techniques et diplomatiques. Le ministère de la DĂ©fense et celui de la SĂ©curitĂ© ont dĂ©ployĂ© des dispositifs spĂ©ciaux dans la rĂ©gion. Un catalyseur pour la sous-rĂ©gion CEMAC L’impact de ces infrastructures dĂ©passe les frontières camerounaises. La CommunautĂ© Ă©conomique et monĂ©taire de l’Afrique centrale (CEMAC) voit en Kribi un futur hub logistique rĂ©gional. Une intĂ©gration logistique Est-Ouest est dĂ©jĂ  en cours avec la relance du corridor Kribi-Bertoua-NgaoundĂ©rĂ© jusqu’au Tchad. « Kribi est en train de devenir ce que Djibouti est pour l’Afrique de l’Est Â», rĂ©sume un diplomate europĂ©en. Prochaine Ă©tape Le gouvernement entend inscrire ces projets dans le Plan directeur national des zones Ă©conomiques spĂ©ciales (ZES) et initier des formations locales pour combler le gap en main-d’Ĺ“uvre qualifiĂ©e. Les partenaires occidentaux observent prudemment cette accĂ©lĂ©ration sino-camerounaise, y voyant Ă  la fois une opportunitĂ© d’investissement et une bataille d’influence sur le long terme.

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Alucam redémarre : un nouveau souffle pour Edéa et l’industrie camerounaise

Après des mois d’agonie financière, l’usine d’Aluminium d’Edéa, cœur industriel du pays, reprend vie. Grâce à un nouveau partenariat privé, l’entreprise publique Alucam entame une relance majeure, redonnant espoir aux populations locales et à toute une région qui vit au rythme de l’aluminium depuis des décennies. Une usine qui redémarre enfin Fondée en 1957, Alucam a longtemps fait la fierté du Cameroun. Mais depuis le départ de Rio Tinto en 2014, dettes, sous-investissements et chute de production ont plongé l’usine dans une crise profonde. En 2024, elle ne tournait qu’à 30 % de sa capacité. Aujourd’hui, l’État ouvre ses portes à un partenaire industriel étranger, prêt à investir plus de 150 millions d’euros (environ 100 milliards de FCFA) sur 5 ans pour moderniser les installations, relancer la production, et créer des emplois durables. « Ce n’est pas juste un sauvetage, c’est une renaissance », se réjouit un agent technique de l’usine. Des emplois pour Edéa, un avenir pour les jeunes Le plan prévoit plus de 2 000 emplois directs et indirects dans la région. Une nouvelle qui tombe à pic dans une ville marquée par le chômage et la précarité. Les activités vont s’étendre : production d’aluminium, maintenance, logistique, formation… « On veut que nos enfants travaillent ici, qu’ils restent à Edéa et qu’ils aient un avenir », confie une commerçante. Un projet national aux ambitions régionales Cette relance va réduire les importations coûteuses, relancer les exportations régionales, et mieux valoriser les ressources locales comme l’énergie hydroélectrique et la bauxite. À moyen terme, Alucam pourrait devenir un acteur clé en Afrique centrale. « Le Cameroun retrouve un outil stratégique, grâce à un partenariat équilibré, loin de l’exploitation brutale des ressources », analyse un économiste à Yaoundé. Stratégie et intelligence économique L’opération témoigne d’une montée en puissance des logiques d’intelligence économique dans les cercles décisionnels camerounais, face à la compétition chinoise et aux visées russes croissantes sur les matières premières africaines. « Ce n’est pas une simple recapitalisation, c’est une reconquête industrielle », analyse un consultant en géoéconomie basé à Paris.

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Pont de Bongor : l’Afrique centrale relie ses fractures

Ă€ la frontière entre le Cameroun et le Tchad, sur le fleuve Logone, le pont de Bongor est plus qu’une infrastructure. Long de 620 mètres, construit avec l’appui financier de la Banque africaine de dĂ©veloppement (BAD) et de la Banque arabe pour le dĂ©veloppement Ă©conomique en Afrique (BADEA), il incarne une volontĂ© politique commune : fluidifier les Ă©changes, renforcer la coopĂ©ration et sĂ©curiser un corridor vital. « Ce pont est un trait d’union entre nos peuples, mais aussi un levier stratĂ©gique pour le commerce rĂ©gional », a dĂ©clarĂ© Dr. Tahir Hamid Nguilin, ministre tchadien de l’Économie, lors de la cĂ©rĂ©monie inaugurale. Une rĂ©ponse aux dĂ©ficits logistiques et Ă  l’enclavement Le pont de Bongor relie directement les villes de Yagoua (Cameroun) et Bongor (Tchad), dans une zone oĂą les Ă©changes Ă©taient jusqu’ici entravĂ©s par l’absence de passage permanent. Le projet s’inscrit dans le Programme de facilitation des transports sur le corridor Douala-Ndjamena, axe majeur pour les importations tchadiennes. Plus de 35 % des marchandises tchadiennes transitent encore par le port de Douala. Avec cet ouvrage, les dĂ©lais logistiques devraient baisser de 40 % et le coĂ»t du transport de 25 %, selon les estimations de la Cemac. Un coup d’accĂ©lĂ©rateur pour les Ă©changes bilatĂ©raux, estimĂ©s Ă  plus de 150 milliards FCFA par an, mais freinĂ©s par la vĂ©tustĂ© des infrastructures. Plan stratĂ©gique et sĂ©curitaire Dans un contexte de risques transfrontaliers (trafics, insĂ©curitĂ© dans le bassin du lac Tchad, tensions intercommunautaires), le pont de Bongor offre Ă©galement un outil de gouvernance sĂ©curitaire partagĂ©e. Il permet un meilleur contrĂ´le des flux, tout en soutenant la mobilitĂ© encadrĂ©e des populations. « Le dĂ©veloppement est aussi une rĂ©ponse Ă  l’insĂ©curitĂ© », rappelle un diplomate de la CommunautĂ© Ă©conomique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Vers une intĂ©gration physique et politique Ce projet incarne la nouvelle diplomatie des infrastructures en Afrique centrale. Il renforce les objectifs de la ZLECAf, tout en consolidant une coopĂ©ration bilatĂ©rale parfois Ă©prouvĂ©e. Pour YaoundĂ© et N’Djamena, le pont de Bongor est une passerelle vers plus de rĂ©silience, de commerce… et de stabilitĂ©.

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New York mise sur le Golfe de Guinée : 800 milliards de raisons d’y croire

SĂ©curitĂ© maritime, investissements verts, infrastructures rĂ©gionales : le Golfe de GuinĂ©e est au centre d’un ambitieux agenda international. RĂ©unis Ă  New York, dirigeants, diplomates et investisseurs entendent lever les freins Ă  une zone Ă  fort potentiel mais encore sous-exploitĂ©e. 800 milliards de dollars. C’est le montant estimĂ© des opportunitĂ©s Ă©conomiques que recèle le Golfe de GuinĂ©e, selon une Ă©tude conjointe de l’Union africaine et de la CEA (Commission Ă©conomique pour l’Afrique). De Lagos Ă  Libreville, la façade maritime ouest-africaine concentre un potentiel stratĂ©gique majeur : ressources halieutiques, hydrocarbures offshore, corridors logistiques, hubs portuaires, Ă©nergies renouvelables, et zones Ă©conomiques spĂ©ciales. Mais pour transformer ce potentiel en rĂ©alitĂ©, il faut lever trois verrous : l’insĂ©curitĂ© maritime, le dĂ©ficit d’infrastructures, et l’absence de coordination rĂ©gionale. Diplomatie Ă©conomique et sĂ©curitĂ© au menu OrganisĂ©e en marge de la session de l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de l’ONU, la table ronde de New York rĂ©unit les ministres du Commerce et des Transports de 11 pays cĂ´tiers, aux cĂ´tĂ©s de bailleurs, banques multilatĂ©rales (BAD, Banque mondiale) et opĂ©rateurs logistiques internationaux. « Le Golfe de GuinĂ©e peut devenir un moteur de la transformation Ă©conomique africaine, Ă  condition de sĂ©curiser ses routes et de planifier ensemble ses investissements », a dĂ©clarĂ© Moussa Faki Mahamat, prĂ©sident de la Commission de l’Union africaine. SĂ©curitĂ© maritime : un enjeu stratĂ©gique mondial Longtemps considĂ©rĂ© comme l’épicentre mondial de la piraterie maritime, le Golfe de GuinĂ©e a vu une baisse de 60 % des actes de piraterie entre 2021 et 2024, grâce Ă  des initiatives conjointes (Code de YaoundĂ©, coopĂ©ration navale rĂ©gionale). Mais les menaces persistent : trafics, pĂŞche illĂ©gale, et flux migratoires irrĂ©guliers. Les États-Unis, la France, la Chine et l’Union europĂ©enne ont rĂ©affirmĂ© leur soutien Ă  la sĂ©curisation de la zone, en promouvant des capacitĂ©s navales locales et des investissements dans le renseignement maritime. Infrastructure, climat et logistique : les prioritĂ©s Outre la sĂ©curitĂ©, les discussions portent sur le financement de corridors multimodaux (routes, rails, ports) ; l’accĂ©lĂ©ration des investissements dans les Ă©nergies marines et solaires ; la mise en rĂ©seau des zones portuaires et logistiques rĂ©gionales. Un fonds rĂ©gional de 5 milliards dollars est en discussion, portĂ© par la BAD et un pool de partenaires privĂ©s. Alors que l’Afrique cherche Ă  consolider sa souverainetĂ© Ă©conomique et commerciale, le Golfe de GuinĂ©e pourrait devenir une vĂ©ritable colonne vertĂ©brale maritime du continent. Ă€ condition de jouer collectif et stratĂ©gique.

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Chine‑Afrique : un musée africain en Chine pour raconter nos histoires

La Chine s’apprĂŞte Ă  inaugurer son premier musĂ©e entièrement dĂ©diĂ© Ă  l’Afrique, centrĂ© sur l’histoire, l’art, les civilisations africaines, et conçu comme un lieu d’échange Ă©ducatif entre peuples. AnnoncĂ©e par Ye Hailin, directeur de l’Institut Chine‑Afrique, cette initiative entend non seulement montrer des artefacts, des Ĺ“uvres, des rĂ©cits, mais Ă©galement renforcer les liens entre artistes, universitaires, communautĂ©s africaines et chinoises. Pourquoi cela importe pour l’Afrique Pour beaucoup d’Africains, ce musĂ©e est plus qu’un simple lieu d’exposition : c’est un symbole. Un symbole de reconnaissance, après des dĂ©cennies oĂą nos histoires ont souvent Ă©tĂ© racontĂ©es par d’autres. Aujourd’hui, c’est une invitation Ă  dialoguer, Ă  montrer la richesse culturelle du continent – de Tombouctou Ă  Lalibela, des arts contemporains de Lagos aux danses traditionnelles du Cameroun – dans un espace international. Cette dĂ©marche s’inscrit dans une stratĂ©gie plus large : la crĂ©ation de cinq centres de recherche Chine‑Afrique, qui permettront d’approfondir les Ă©tudes sur notre patrimoine culturel, les arts, les langues, la diaspora. C’est une occasion de valoriser nos savoirs, d’encourager les Ă©changes interculturels et de repenser ce que signifie ĂŞtre Africain dans le monde globalisĂ©. Enjeux stratĂ©giques et culturels Ce Ă  quoi il faut veiller C’est l’Afrique qui raconte l’Afrique : c’est lĂ  que repose la force de ce projet. Pour les jeunes, les artistes, les communautĂ©s, ce musĂ©e peut ĂŞtre un miroir, une fenĂŞtre, et un pont.

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Intégration : le réveil du lac Tchad, pari du Cameroun

Longtemps symbole du dĂ©sastre climatique africain, le lac Tchad surprend aujourd’hui par son renouveau. Sa remontĂ©e spectaculaire ouvre une brèche stratĂ©gique pour le Cameroun, entre redĂ©ploiement territorial, sĂ©curitĂ© rĂ©gionale et diplomatie hydrique. Après des dĂ©cennies de recul alarmant – plus de 90 % de perte de surface depuis les annĂ©es 1960, le lac Tchad connaĂ®t depuis trois ans une expansion inattendue, portĂ©e par une pluviomĂ©trie accrue, selon les climatologues de la CBLT. Ce retournement, qui redessine les Ă©quilibres du bassin sahĂ©lien, suscite autant d’espoirs que de dĂ©fis pour les populations riveraines, et pour les États concernĂ©s. Du cĂ´tĂ© camerounais, cette rĂ©surgence offre une fenĂŞtre de transformation pour l’ExtrĂŞme-Nord, rĂ©gion marginalisĂ©e et longtemps en proie Ă  l’insĂ©curitĂ©. « Ce qui Ă©tait un dĂ©sastre devient peut-ĂŞtre notre plus grande chance », commente un haut fonctionnaire Ă  Maroua. Reconversion agricole et innovation territoriale Les terres agricoles inondĂ©es autour de Makari, Blangoua ou Hile Alifa rappellent la fragilitĂ© des Ă©quilibres humains face au climat. Pourtant, l’État camerounais, en coordination avec la CBLT et plusieurs bailleurs, explore la voie des polders, ces digues agricoles inspirĂ©es du modèle nĂ©erlandais. Objectif : reconquĂ©rir les terres fertiles englouties et relancer une agriculture irriguĂ©e, adaptĂ©e aux nouvelles dynamiques hydrologiques. Renaissance de la pĂŞche, enjeu Ă©conomique et social Le retour des eaux a Ă©galement revitalisĂ© les stocks halieutiques, après des annĂ©es de pĂ©nurie. Mais la nouvelle configuration du lac bouleverse les pratiques traditionnelles. Zones de pĂŞche redessinĂ©es, navigation risquĂ©e, perte de repères : les pĂŞcheurs doivent se rĂ©inventer. Un programme d’accompagnement technique, financĂ© par la FAO, est en prĂ©paration pour structurer une filière pĂŞche durable et rĂ©siliente. Un enjeu sĂ©curitaire majeur pour le Cameroun Au-delĂ  de l’économie, la stabilisation du bassin est un impĂ©ratif sĂ©curitaire. La prĂ©sence de Boko Haram dans les zones lacustres reste une menace. Or, relancer l’économie locale, rĂ©installer les dĂ©placĂ©s et reconstruire les services de base constitue la meilleure rĂ©ponse face Ă  l’extrĂ©misme violent. La montĂ©e du lac est donc aussi une opportunitĂ© de rĂ©tablir l’autoritĂ© de l’État dans une zone longtemps hors de contrĂ´le. Diplomatie de l’eau : le Cameroun repositionnĂ© En tant que membre actif de la Commission du bassin du lac Tchad, le Cameroun a une carte Ă  jouer dans la gouvernance hydrique rĂ©gionale. Des projets d’envergure, comme le transfert d’eau depuis l’Oubangui ou la valorisation des Ă©cosystèmes lacustres, pourraient faire de YaoundĂ© un acteur-clĂ© de la diplomatie climatique sahĂ©lienne.  Â« Ce n’est pas seulement un lac qui revient, c’est toute une gĂ©ographie politique et Ă©conomique qui est Ă  redessiner », souligne un expert du Centre africain pour les politiques climatiques. Le retour du lac Tchad n’est pas une fin en soi. Pour le Cameroun, il s’agit dĂ©sormais de transformer une anomalie climatique en projet stratĂ©gique de dĂ©veloppement, de sĂ©curitĂ© et de souverainetĂ© territoriale durable.

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