Culture & Patrimoine

Afrique subsaharienne : la suspension de VOA rebat les cartes de l’écosystème médiatique

Entre vide informationnel local et recomposition stratégique mondiale, l’arrêt de Voice of America interroge sur la place des médias internationaux dans les démocraties fragiles. La suspension en mars 2025 des programmes de Voice of America (VOA) en Afrique subsaharienne marque une rupture symbolique et opérationnelle dans le paysage médiatique du continent. Radio publique américaine diffusant depuis 62 ans en Afrique, VOA avait tissé un réseau de plus de 1 000 partenariats avec des radios communautaires, fournissant des contenus multilingues, des formations et une couverture régionale souvent perçue comme équilibrée. « Dans certaines régions, VOA offrait un contrepoids aux récits officiels, tout en maintenant une ligne éditoriale respectueuse des équilibres locaux », estime un chercheur au Centre africain des médias de Dakar. Cependant, la suspension — justifiée à Washington par des impératifs budgétaires et des réformes internes — ne signifie pas nécessairement un abandon de l’Afrique. Des consultations seraient en cours au sein de l’administration américaine pour redéfinir les priorités de la diplomatie publique, dans un contexte où les budgets de l’aide extérieure font l’objet de tensions croissantes. Radios communautaires sous pression, mais pas sans alternatives Dans des pays comme la RDC, le Niger ou le Zimbabwe, l’absence de programmes VOA a temporairement désorganisé les grilles de certaines stations. Des journalistes ont été remerciés, et des créneaux sont restés vacants. Mais dans d’autres cas, des initiatives locales ont émergé pour combler le vide : partenariats avec des ONG, relance de contenus produits localement, ou montée en puissance d’acteurs régionaux comme la BBC Afrique, RFI, ou des radios panafricaines. « VOA n’était pas la seule source d’information fiable. Elle était importante, mais son retrait oblige à repenser la production locale et la formation des journalistes », nuance un directeur de station communautaire au nord du Cameroun. Enjeux géopolitiques : vers une recomposition du soft power L’arrêt de VOA intervient dans un moment de recomposition du paysage médiatique mondial. La montée en puissance de médias non-occidentaux comme CGTN (Chine), Sputnik (Russie) ou TRT Afrique (Turquie) redéfinit les équilibres d’influence. Dans ce contexte, certains observateurs estiment que la fin de la diffusion VOA pourrait, à terme, stimuler la diversification des voix médiatiques sur le continent, y compris celles issues de la société civile africaine. « L’Afrique a longtemps été une terre de réception médiatique. C’est peut-être l’occasion d’encourager une souveraineté éditoriale plus affirmée », analyse une experte des médias au CODESRIA (Sénégal). Noël Ndong

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L’Afrique entre deux drapeaux : coopération stratégique ou rivalité larvée ?

Paris et Londres tentent de réactiver une entente africaine malgré le passif colonial et le choc du Brexit. Longtemps marquées par une rivalité historique ancrée dans les mémoires coloniales, les relations entre la France et la Grande-Bretagne sur le continent africain semblent osciller entre coopération stratégique et tensions latentes. Le sommet franco-britannique de 2023 a ravivé l’idée d’un partenariat renouvelé. Les deux puissances se sont engagées à intensifier leurs efforts conjoints, notamment au Sahel, dans la Corne de l’Afrique et dans les Grands Lacs, en réponse aux défis sécuritaires, climatiques et migratoires croissants. Pourtant, les promesses actuelles peinent à effacer un passé conflictuel. L’incident de Fachoda en 1898 symbolise encore le traumatisme français face à la domination britannique. L’Entente cordiale de 1904 mit un terme officiel aux tensions, mais le « syndrome de Fachoda » – Cette méfiance viscérale face à l’influence anglophone en Afrique francophone – persiste aujourd’hui sous d’autres formes. Durant la Guerre froide et les décennies postcoloniales, Paris et Londres ont souvent adopté des stratégies divergentes : aide liée à leurs intérêts économiques, appui à des modèles de gouvernance opposés – interventionnisme français contre pragmatisme britannique – et peu de volonté de convergence sur les priorités africaines. Aujourd’hui, dans un contexte post-Brexit et face à une reconfiguration multipolaire de l’Afrique, la nécessité d’un front commun face à la montée de la Chine, de la Russie et des puissances régionales (Turquie, Émirats arabes unis) pourrait forcer la main à Paris et Londres. La possible réélection de Donald Trump en 2025, avec son désengagement du multilatéralisme, pousse également les Européens à repenser leur autonomie stratégique, notamment en Afrique. Toutefois, les analystes restent prudents : « L’Afrique reste un terrain de compétition feutrée, plus que de coopération sincère », résume un diplomate ouest-africain. La vraie question reste entière : coopérer pour rester pertinents ou s’effacer derrière de nouvelles puissances ? Noël Ndong

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Visa américain : deux mois sous haute tension pour l’Afrique

Entre quotas en surchauffe et échéances fatales, août et septembre 2025 s’annoncent décisifs pour les lauréats de la loterie et les travailleurs qualifiés africains. Le département d’État américain vient de publier ses dispositions migratoires pour août et septembre 2025, confirmant une fin d’année fiscale explosive, en particulier pour les Africains inscrits au programme Diversity Visa (DV) et les travailleurs qualifiés (EB). La fenêtre reste ouverte pour les lauréats de la loterie DV-2025, avec un quota africain inédit de 50 000 visas en août, porté à 58 500 en septembre. Une priorité assumée, mais menacée par l’échéance rigide du 30 septembre, date limite de validation des dossiers. Le département d’État alerte : « La disponibilité des visas DV jusqu’à la fin de l’exercice fiscal ne peut pas être garantie. Les numéros pourraient être épuisés avant le 30 septembre ». Cameroun et Afrique centrale : une opportunité sous pression Dans cette dynamique, le Cameroun et les pays d’Afrique centrale (Congo, RDC, Tchad, Gabon, Centrafrique, Guinée équatoriale) figurent parmi les bénéficiaires silencieux mais structurants du programme DV. Le Cameroun a reçu environ 3 200 sélections DV-2025, selon les données internes, ce qui le place dans la tranche haute des pays francophones africains. Toutefois, la capacité administrative à finaliser les dossiers (rendez-vous, examens médicaux, documents de soutien) reste un frein systémique dans la sous-région. Des retards structurels au niveau des consulats américains de Yaoundé et Kinshasa aggravent la tension liée à l’échéance du 30 septembre. Un cadre consulaire résume : « La demande est forte, mais les créneaux consulaires ne suivent pas toujours. L’année 2025 sera tendue jusqu’au bout pour le Cameroun ». En parallèle, les travailleurs qualifiés camerounais (EB-2, EB-3) sont directement exposés à la rétrogression annoncée par Washington. Le recul de la date de traitement des dossiers EB-2 Monde exclut temporairement une partie des candidats, et fait planer le risque d’un gel complet des catégories EB en septembre. Afrique centrale sous-représentée mais stratégique L’Afrique centrale bénéficie encore de quotas non plafonnés au niveau national, offrant une marge de manœuvre précieuse, mais vulnérable face à la saturation globale. La sous-région a un rôle stratégique dans la dynamique migratoire afro-américaine, notamment via sa diaspora anglophone et francophone active dans les secteurs de santé, transport, logistique et services.  « Si la demande se concentre sur le Maghreb, l’Afrique centrale représente une réserve de main-d’œuvre qualifiée plus stable à long terme. Mais sans investissement dans les capacités consulaires locales, cette opportunité restera sous-exploitée », explique un expert en intelligence migratoire à Washington. Vers une gestion plus restrictive ? Outre les limites techniques, la rétrogression des visas EB-2 et la menace de rendre indisponibles les catégories EB-3 et EW sont des signaux forts d’un modèle d’immigration américain sous tension structurelle. Le risque ? Un gel temporaire des arrivées de profils qualifiés dans des secteurs en pénurie (santé, tech, BTP). Une perspective préoccupante pour le Cameroun, dont une part croissante des diplômés vise l’émigration légale vers les États-Unis. Noël Ndong

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Ciel africain sous pression : quand la fiscalité freine la connectivité du continent

L’Afrique vole à contre-courant. Alors que le monde investit dans la fluidité du transport aérien pour stimuler commerce, diaspora et tourisme, une étude de l’AFRAA (Association des Compagnies Aériennes Africaines) révèle que plusieurs pays africains étranglent leur ciel sous le poids de taxes et redevances excessives. Le constat est sans appel : le Gabon (297,7 $) et la Sierra Leone (294 $) imposent les plus fortes charges aériennes du continent, loin devant la moyenne africaine (68 $). Neuf des dix pays les plus chers se situent en Afrique de l’Ouest et centrale, soulignant une fracture géoéconomique inquiétante. À l’inverse, la Libye (1,3 $), le Malawi (5 $) ou encore l’Algérie (9,8 $) offrent des conditions bien plus compétitives. Enjeu stratégique : la compétitivité régionale. Ces déséquilibres minent les efforts d’intégration régionale et de ZLECAf. Le surcoût des billets dissuade les compagnies internationales, affaiblit les flux touristiques et restreint la mobilité intra-africaine. Paradoxalement, les régions les plus fiscalement agressives génèrent le moins de trafic aérien. Un modèle économique à revoir Le rapport accuse plusieurs États d’utiliser la fiscalité aérienne pour boucher leurs déficits budgétaires, au mépris des principes de l’OACI (transparence, proportionnalité, consultation). Cette approche non soutenable pénalise l’ensemble du secteur : le continent perd chaque année des milliards de dollars en opportunités économiques. Des réformes urgentes L’Afrique du Nord, avec des redevances faibles et une forte connectivité, incarne une alternative viable. La réussite de hubs comme Casablanca, Le Caire ou Alger montre que croissance et fiscalité modérée peuvent coexister. L’aviation devrait être un levier de développement, non un luxe. Sans harmonisation continentale des taxes aériennes, l’Afrique risque de rester au sol dans la course à la mobilité globale. Les États doivent choisir : perpétuer un modèle court-termiste ou libérer leur ciel pour une croissance durable. Noël Ndong

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Cameroun : une personne disparaît toutes les 12h – La jeunesse en danger

Les grandes villes comme Yaoundé et Douala épicentres d’un phénomène inquiétant, avec des adolescents en première ligne. Entre janvier et juin 2025, le Cameroun a enregistré 441 cas de disparitions de personnes, soit une moyenne de deux cas par jour. Le phénomène inquiète, d’autant plus qu’il touche majoritairement les jeunes, avec 36 % des disparus âgés de 13 à 17 ans. Les élèves représentent près de la moitié des cas (49 %), et les filles sont plus concernées (27 %) que les garçons (23 %). Les disparitions sont concentrées dans les zones urbaines densément peuplées. Yaoundé arrive en tête avec 40,2 % des cas, suivie de Douala (24,3 %). Bertoua, Bafoussam et Buea figurent également parmi les villes les plus affectées. Les pics sont observés en mai et juin, période correspondant au début des grandes vacances scolaires. Aucun chiffre précis sur la ville d’Edéa et le département de la Sanaga maritime. Les circonstances des disparitions varient : sorties pour des activités, fugues volontaires, sorties scolaires, ou encore enlèvements présumés. La majorité des alertes proviennent des réseaux sociaux, notamment Facebook (98 %). Face à cette situation préoccupante, des experts appellent à une mobilisation nationale. Ils recommandent la création d’une ligne verte pour signaler rapidement les cas, le renforcement de la sensibilisation communautaire, et la mise en place d’un soutien psychosocial, en collaboration avec des organisations comme la Croix Rouge. Noël Ndong

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Afrique centrale/Le virus du riz : une bombe agricole silencieuse

Face au Rice Yellow Mottle Virus (RYMV), le Cameroun et ses voisins au cœur d’un enjeu agricole, sanitaire et stratégique continental. « Le RYMV n’est pas qu’un virus agricole, c’est une menace systémique pour la souveraineté alimentaire africaine », selon Dr. Alice Nkosi, virologue agricole. Présent dans plus de 25 pays, le virus de la panachure jaune du riz (RYMV) provoque des pertes de 20 à 80 %, soit jusqu’à 7 millions de tonnes de riz perdues chaque année sur le continent. Pour un aliment qui constitue une base alimentaire pour plus de 200 millions de consommateurs en Afrique centrale et de l’Ouest, le danger est palpable. Le Cameroun, avec plus de 300 000 hectares de riziculture, est particulièrement vulnérable. « Le corridor rizicole de l’Adamaoua au Lac Tchad agit comme un accélérateur épidémiologique », prévient Dr. Jean-Claude Nguema, co-auteur de l’étude publiée dans PLoS Pathogens. Le pays constitue un nœud stratégique régional, exposé aux dynamiques de diffusion venues du Sahel, de l’Afrique de l’Est et des grandes zones forestières du bassin du Congo. « La circulation non réglementée des semences et la mobilité transfrontalière des éleveurs et commerçants facilitent une propagation virale invisible mais rapide », explique Pr. Aminata Diallo, agronome. Contrairement à d’autres virus végétaux, le RYMV se transmet non seulement par insectes, mais aussi via les outils agricoles, les animaux (bœufs, oiseaux), et les contacts humains. Il échappe aux dispositifs classiques de contrôle phytosanitaire. Un enjeu de sécurité alimentaire et géopolitique : dans un contexte d’inflation céréalière mondiale, d’instabilité climatique, et de dépendance persistante aux importations asiatiques, l’expansion du RYMV en Afrique centrale pourrait rapidement devenir un facteur aggravant de tensions sociales. « La réponse doit être multilatérale, transfrontalière et coordonnée. Le virus ignore les frontières ; notre réponse ne peut pas en avoir » — Dr. Samuel Adebayo, conseiller régional en sécurité alimentaire (CEDEAO) Il serait urgent d’appuyer les réseaux de surveillance virale, sécuriser les flux de semences, former les agriculteurs, et intégrer le risque RYMV aux stratégies nationales de sécurité alimentaire devient une priorité. Sans réaction rapide, la région pourrait faire face à une crise rizicole de grande ampleur. Noël Ndong

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le Diy-Gid-Biy , déclaré patrimoine mondial de l'Unesco

Cameroun : le Diy-Gid-Biy rejoint le patrimoine mondial, une victoire culturelle aux retombées géostratégiques

« L’Afrique a longtemps été oubliée du patrimoine mondial. Il est temps d’y rééquilibrer l’histoire », déclare le Directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay. Pour le directeur du Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO, Lazare Eloundou Assomo,  « ce classement est un acte de reconnaissance mais aussi un appel à protéger ces héritages menacés ». À l’occasion de sa 47ᵉ session élargie, le Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO a inscrit, le 11 juillet, le paysage culturel de Diy-Gid-Biy, dans les Monts Mandara (Nord Cameroun), sur la prestigieuse liste du patrimoine mondial. Cette distinction offre au Cameroun une arme de diplomatie culturelle, dans une région sous pression sécuritaire. « Le Cameroun tient là un joyau archéologique et diplomatique », déclare Marc-Antoine Pérouse de Montclos, chercheur à l’IRIS. Une mémoire ancrée, un message universel Le site, vieux de 500 à 800 ans, couvre 2 500 hectares de vestiges agricoles et religieux. Il illustre l’adaptation de sociétés montagnardes à un environnement rude, par la construction de terrasses, de fortifications en pierre sèche et de lieux de culte ancestraux. « Diy-Gid-Biy incarne l’ingéniosité sociale de peuples souvent marginalisés dans les récits nationaux. Ce classement est une réhabilitation historique», souligne Pr. Baba Wamé, anthropologue camerounais. Une réponse culturelle à l’instabilité Inscrit dans une zone frontalière touchée par Boko Haram, le site devient un levier de stabilisation identitaire. « La culture est un facteur de résilience. Valoriser le patrimoine, c’est renforcer les ancrages face à l’extrémisme », indique Mahamat Saleh Annadif, ancien représentant de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest. « La jeunesse locale ne protégera que ce qu’elle connaît et valorise. C’est un pari sur la paix à long terme », note le Coordonnateur de la Fondation Cameroun Mémoire. Un potentiel économique et diplomatique « L’inscription de Diy-Gid-Biy montre que le Cameroun peut exister autrement que par les tensions politiques », déclare un diplomate français à l’UNESCO. « Ce site peut devenir un symbole de diplomatie culturelle régionale si Yaoundé s’en donne les moyens », rappelle un  Analyste à l’ISS (Institute for Security Studies). Un signal continental, des défis durables Avec moins de 10 % des sites mondiaux classés situés en Afrique, mais près de 25 % en danger, l’inscription du Diy-Gid-Biy et du Mont Mulanje (Malawi) agit comme un rappel de l’urgence de préservation. « Les sites africains sont les plus vulnérables : conflits, extraction illégale, oubli institutionnel. Le défi commence après le classement », confie Aissata Tall Sall, ancienne ministre sénégalaise de la Culture. Patrimoine mondial, enjeu national Derrière ce classement symbolique, se joue une stratégie d’influence. Le Cameroun, au carrefour du politique, du sécuritaire et du culturel, peut transformer ce label en moteur de réconciliation territoriale, d’ouverture diplomatique et d’investissement durable. À condition de le protéger avec rigueur. Noël Ndong

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