Terrorisme : l’Afrique centrale, le nouveau front oublié des jihadistes
Entre vide sécuritaire et trafics transfrontaliers, la région devient une cible stratégique pour Al-Qaïda et l’État islamique, selon un rapport de l’ONU Alors que les projecteurs restent braqués sur le Sahel et la Corne de l’Afrique, l’Afrique centrale se transforme en coulisse en un nouveau théâtre d’opérations pour les groupes jihadistes. Dans un rapport remis récemment au Conseil de sécurité, les experts de l’ONU tirent la sonnette d’alarme : l’influence croissante de l’État islamique (EI) et du groupe affilié à al-Qaïda Jama’at Nasr al-Islam wal-Muslimin (JNIM) se fait désormais sentir dans les zones frontalières entre le Cameroun, le Tchad, la Centrafrique et la République démocratique du Congo (RDC). Cameroun : au carrefour des menaces Longtemps concentrés dans l’Extrême-Nord, les foyers jihadistes semblent désormais s’étendre vers l’Est et le bassin du Congo. En 2024, plus de 1 500 civils ont été déplacés dans la région de Kolofata et Mokolo, selon le HCR, suite à des incursions de groupes liés à Boko Haram et à l’EIGS. « Ils s’infiltrent par petits groupes, se fondent dans la population, exploitent les conflits locaux et reviennent frapper », explique un officier du BIR, sous couvert d’anonymat. Un terreau propice Les experts évoquent une conjonction de facteurs facilitants : porosité des frontières, absence de présence étatique durable, trafics illicites, et surtout l’émergence d’une économie parallèle alimentée par le commerce informel et les circuits de financement occultes. De la contrebande de carburant à la taxation illégale des zones minières en RDC, les groupes armés tirent profit de chaque faille du système régional. « L’Afrique centrale, par sa géographie et sa faiblesse institutionnelle, est en train de devenir une zone de transit, mais aussi de repli stratégique pour les jihadistes repoussés du Sahel », estime un analyste en sécurité à l’Union africaine. Une expansion silencieuse, mais structurée Dans la région du lac Tchad, la résurgence d’attaques coordonnées laisse penser à une restructuration des groupes affiliés à l’EI, selon les forces conjointes de la Force multinationale mixte (FMM). Le rapport onusien mentionne également l’utilisation croissante de drones artisanaux, de messageries chiffrées et de transferts de fonds via le système informel des hawalas, échappant à tout contrôle. Des sources sécuritaires évoquent également une possible implantation de bases arrière dans les zones forestières entre la RCA, le Gabon et la RDC. Si cela se confirme, le front jihadiste pourrait contourner le Sahel pour s’ancrer dans le bassin du Congo. Quelle réponse régionale ? Face à cette évolution, la coordination entre pays d’Afrique centrale reste limitée. Le Cameroun, malgré l’engagement de ses forces spéciales, fait face à des tensions sur plusieurs fronts. Le Tchad est accaparé par le Sahel. La Centrafrique, quant à elle, reste dépendante d’alliés étrangers pour assurer sa sécurité frontalière. L’ONU recommande un renforcement des capacités de renseignement, un meilleur contrôle des flux financiers informels et une coopération renforcée entre les États de la CEEAC. Un appel également relayé par l’Union africaine, qui plaide pour une approche concertée et transfrontalière. « La menace est agile, mobile, adaptable. La réponse doit l’être tout autant », conclut un diplomate sécuritaire.
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