Visas étudiants : Washington scrute les profils africains en ligne, l’Afrique francophone concernée
L’analyse des réseaux sociaux devient obligatoire pour les demandeurs africains, au risque d’entraver la mobilité académique et d’alimenter la méfiance diplomatique. Les étudiants africains qui envisagent de poursuivre leurs études aux États-Unis doivent désormais faire face à une nouvelle exigence : dévoiler leur activité sur les réseaux sociaux. Depuis le 25 juin, les ambassades américaines demandent aux demandeurs de visa étudiant (F et M) ou d’échange culturel (J) de fournir une liste complète de leurs comptes sociaux actifs (Facebook, Instagram, X/Twitter, TikTok, etc.) au cours des cinq dernières années. Une mesure à portée mondiale, mais à effets locaux Selon les données de l’organisation Opendoors, plus de 1,1 million d’étudiants étrangers pourraient être affectés par cette directive, dont plusieurs milliers en provenance d’Afrique francophone. À Dakar, Bamako, Abidjan ou Lomé, les futurs boursiers, chercheurs ou étudiants en licence s’inquiètent : leurs publications passées, leurs abonnements ou leurs messages publics pourront désormais être analysés à des fins de profilage sécuritaire. Le département d’État américain justifie cette mesure par la nécessité de prévenir l’entrée de personnes susceptibles de représenter une menace pour la sécurité nationale, en particulier celles exprimant des opinions jugées hostiles aux institutions américaines, ou manifestant un soutien à des discours violents, extrémistes ou antisémites. Un filtre numérique dans un contexte diplomatique tendu Cette procédure ne remplace pas les contrôles habituels (académiques ou financiers), elle les complète. Elle introduit un filtrage idéologique et comportemental, dans un contexte où les États-Unis, confrontés à des tensions géopolitiques croissantes et à un débat interne sur l’immigration, tentent de resserrer leur contrôle aux frontières, y compris à travers le soft power académique. Certains diplomates africains, en privé, s’interrogent sur l’équilibre entre sécurité et discrimination. Si la mesure s’applique globalement, plusieurs experts soulignent qu’elle pourrait affecter de manière disproportionnée les pays d’Afrique subsaharienne, souvent perçus à tort comme plus exposés à l’immigration illégale. Des conséquences sur la mobilité étudiante Cette nouvelle contrainte pourrait avoir un effet dissuasif. Bien que les États-Unis restent une destination académique privilégiée, ce type de surveillance numérique préventive pourrait pousser de nombreux étudiants à se tourner vers des pays jugés plus souples en matière de visas, comme le Canada, la France ou la Turquie. Elle soulève aussi un enjeu de liberté d’expression : un simple message critique ou une prise de position maladroite sur les réseaux sociaux pourrait compromettre un projet d’étude. Les ONG de défense des droits numériques redoutent une forme d’auto-censure anticipée chez les jeunes candidats, qui pourraient supprimer ou modifier leurs profils pour éviter tout risque de rejet. Un test diplomatique pour les relations États-Unis–Afrique Alors que Washington multiplie les déclarations sur la relance de ses partenariats avec l’Afrique, notamment dans les domaines de l’éducation, de l’entrepreneuriat ou de la culture, cette mesure pourrait être perçue comme un signal contradictoire. Dans plusieurs chancelleries africaines, on s’interroge déjà : les talents africains sont-ils toujours les bienvenus aux États-Unis ?