Économie & Innovation

Centrafrique : Faustin-Archange Touadéra, l’équilibriste du cœur de l’Afrique

À l’approche de la présidentielle du 28 décembre, le chef de l’État centrafricain affirme sa confiance en une victoire, tout en tentant de maintenir l’équilibre entre Paris et Moscou, dans un contexte régional marqué par la montée des tensions et l’instabilité du Soudan au Tchad. À quelques semaines du scrutin du 28 décembre, Faustin-Archange Touadéra aborde la campagne avec assurance. Dans un entretien à France 24, le président centrafricain déclare avoir « confiance » en sa réélection, évoquant les progrès du désarmement et la « stabilisation progressive » du pays. Onze des quatorze groupes armés ont accepté de déposer les armes », assure-t-il, citant les discussions en cours avec le MPC d’Al-Khatib, encore actif dans le nord du pays. Élu en 2016 et réélu en 2020, Faustin Touadéra met en avant la réconciliation et la reconstruction comme piliers de son bilan. Mais sur le terrain, la situation reste fragile. Selon les Nations unies, près de 60 % du territoire demeure sous l’influence de groupes armés, et plus de 3,4 millions de Centrafricains — soit la moitié de la population — dépendent toujours de l’aide humanitaire. Les violences intercommunautaires, les trafics transfrontaliers et la pauvreté structurelle alimentent un climat d’incertitude à la veille du vote. Face à une opposition divisée, dont une partie appelle au boycott, le président estime qu’elle « n’est pas constructive » et « n’est pas suivie par la population ». Plusieurs figures de la société civile dénoncent toutefois un processus verrouillé, évoquant un risque de scrutin « sans véritable compétition ». L’Union africaine et l’ONU appellent à garantir « des élections crédibles, inclusives et sécurisées », alors que certaines préfectures restent inaccessibles aux observateurs internationaux. Entre Paris et Moscou : une diplomatie d’équilibriste Sur le plan international, Touadéra s’efforce de ménager ses deux principaux partenaires : la France et la Russie. Après plusieurs années de tensions, le dialogue franco-centrafricain a repris en avril 2024. « Les choses se passent très bien avec Paris, nous avons mis en place une feuille de route », déclare le président. Ce rapprochement traduit une volonté de normaliser les relations bilatérales après une période dominée par l’influence russe. Depuis 2018, des centaines d’instructeurs liés au groupe Wagner — aujourd’hui réorganisé sous le nom Africa Corps — assurent la formation et la protection du régime. Interrogé sur un nouvel accord militaire avec Moscou, Touadéra reste évasif : « Ce n’est pas sur votre plateau que je vais m’étaler sur ces questions. Par courtoisie envers nos partenaires ». Et d’ajouter, en forme de réponse politique : « Je ne suis l’otage de personne ». Derrière la prudence diplomatique se joue un enjeu géoéconomique crucial : le contrôle des ressources minières, notamment l’or et les diamants. Ces richesses, qui représentent près de 40 % des exportations officielles, alimentent aussi des circuits de contrebande transfrontalière vers le Soudan, le Cameroun et le Tchad. Pour plusieurs observateurs, la Centrafrique s’est imposée comme un maillon du vaste réseau d’intérêts économiques et sécuritaires russes en Afrique centrale. Un environnement régional sous tension Au-delà de ses frontières, Bangui évolue dans un environnement régional instable. La guerre au Soudan, que Touadéra décrit comme « une source d’inquiétude sécuritaire majeure », favorise la circulation d’armes et de combattants vers le nord de la Centrafrique. Le Tchad voisin, dirigé par Mahamat Idriss Déby, redoute une contagion de l’instabilité, tandis que le Cameroun continue de faire face à des tensions dans ses régions anglophones. Dans ce contexte, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) peine à jouer un rôle de stabilisation. Les rivalités politiques internes — notamment entre Kinshasa, Libreville et Brazzaville — limitent sa capacité à agir. La fragilité centrafricaine devient ainsi le reflet d’une Afrique centrale fragmentée, où les transitions politiques, les trafics et la compétition des puissances extérieures s’entrecroisent. Les bailleurs internationaux — Banque mondiale, FMI, Union européenne — maintiennent leur soutien, mais sous conditions : bonne gouvernance, transparence dans les recettes minières et respect des droits politiques. Confiant, Faustin-Archange Touadéra cherche à apparaître comme l’homme fort d’un État sous tutelle partielle, mais en quête de souveraineté. Entre ambitions électorales et contraintes géostratégiques, le président centrafricain avance sur un fil ténu — celui d’un pouvoir fragile dans une région sous tension, où chaque élection devient un test de stabilité continentale.

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Afrique centrale : nouveaux enjeux et défis d’une région en recomposition

Le Cameroun au carrefour géostratégique. La région de l’Afrique centrale – longtemps considérée comme une zone tampon entre des dynamiques sahéliennes, congolaise et golfo-équatoriale – entre aujourd’hui dans une nouvelle phase de recomposition géopolitique et géoéconomique. Le Cameroun, en tant qu’État pivot de cette zone, en sort particulièrement transformé, tant par son contexte politique que par ses défis sécuritaires, économiques et d’intelligence stratégique. Le Cameroun post-élection : continuité sous tension Le 12 octobre 2025, le président Paul Biya, a été déclaré vainqueur avec environ 53,66 % des voix. L’opposition conteste les résultats, évoquant des fraudes massives et une forte répression des manifestations. Cette réélection, soulève trois grands défis : Enjeux stratégiques à l’horizon 1. Ressources, infrastructure et corridor géoéconomique Le Cameroun joue un rôle central dans la chaîne d’approvisionnement des grands projets d’investissement dans la région – agriculture, énergie, miniers. Le pays pourrait devenir un « corridor » pour les investissements en Afrique centrale, mais cela dépend de sa capacité à stabiliser le climat des affaires ainsi que la sécurité.Les partenaires internationaux (Golfe, Chine, UE) observent cette zone comme un terrain d’influence et d’opportunités : celui qui avait un accès sécurisé aux infrastructures (ports, routes, mines) emporte un avantage durable. 2. Intelligence économique et souveraineté stratégique La compétition globale s’accroît pour contrôler les données, les flux logistiques et les technologies. Au Cameroun, comme dans toute l’Afrique centrale, le défi pour l’État est de ne plus être simple terrain d’accueil mais acteur stratégique : développer des capacités de veille, de cybersécurité, de transformation locale des ressources et de négociation de partenariats équilibrés. Le renouvellement politique, ou son absence, peut fortement influencer la capacité du pays à articuler une doctrine de souveraineté économique face aux grandes puissances. 3. Sécurité intégrée et résilience régionale La stabilité du Cameroun est une condition clé de la stabilité de l’Afrique centrale. Une escalade du conflit anglophone ou une extension du terrorisme dans la zone littorale ou forestière impacterait les projets d’investissement, creuserait les flux d’apatridie et fragiliserait les États voisins. La réponse exige une stratégie intégrée mêlant développement, infrastructures résilientes, gouvernance locale et coopération transfrontalière. Perspectives pour les 3 à 5 ans Le Cameroun post-électoral incarne les paradoxes de l’Afrique centrale : des potentialités immenses, mais des fragilités persistantes. L’enjeu géostratégique est clair : qui verrouillera la place de cette région dans l’économie mondiale de demain ? Le Cameroun peut choisir d’être spectateur ou acteur. Ses choix de gouvernance, de sécurité et d’intelligence économique dans les deux prochaines années seront déterminants pour sa trajectoire – et pour celle de toute la région.

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FII 2025 : L’Afrique, nouveau centre de gravité du pouvoir économique mondial

La neuvième édition de la Future Investment Initiative (FII), clôturée à Riyad, marque un tournant géopolitique majeur : l’Afrique s’affirme comme un pilier du nouvel ordre économique et stratégique mondial. Loin d’être un simple réservoir de matières premières, le continent devient désormais un acteur de puissance, au croisement de la finance, de la technologie et de la sécurité globale. Le capital mondial se redéploie vers l’Afrique Sous le thème « La clé de la prospérité », la FII a réuni plus de 8 000 décideurs politiques et économiques venus des grandes puissances et des blocs émergents. Derrière le discours sur la croissance inclusive, se joue une recomposition des rapports de force mondiaux. La rivalité sino-occidentale, la montée en puissance du Golfe comme hub financier et énergétique, et la quête de souveraineté technologique placent désormais l’Afrique au cœur des stratégies d’influence globale. Les minéraux critiques – cobalt, lithium, cuivre, graphite, terres rares – sont devenus un enjeu central. « L’Afrique doit désormais être copropriétaire de ses ressources et non simple spectatrice », a insisté Richard Attias, Président-Directeur général de la FII. « Il s’agit d’établir de véritables partenariats géo-économiques fondés sur la valeur ajoutée locale, la recherche et la transformation ». L’intelligence économique au service de la souveraineté africaine Derrière les discours d’investissement, les acteurs de l’intelligence économique voient émerger une bataille silencieuse pour le contrôle de la donnée, des infrastructures et des flux d’information. Les data centers, les réseaux de télécommunications et les plateformes numériques africaines deviennent des actifs stratégiques aussi sensibles que les gisements miniers. Dans un contexte d’IA généralisée, la maîtrise de ces infrastructures relève autant de la sécurité nationale que de la compétitivité économique. Cette nouvelle géoéconomie du numérique impose aux États africains de développer leurs propres écosystèmes de veille stratégique, de cybersécurité et d’intelligence économique, afin de ne pas subir la guerre de l’information et des standards technologiques. Un champ de manœuvre géostratégique mondial Pour les puissances établies comme pour les émergents, l’Afrique est devenue un terrain d’influence à haute intensité stratégique. Les États du Golfe cherchent à sécuriser des partenariats énergétiques et alimentaires à long terme. La Chine renforce son contrôle sur les chaînes logistiques via des corridors maritimes et ferroviaires. L’Europe tente de rééquilibrer sa relation en soutenant des projets « verts » et numériques. Les États-Unis, de leur côté, réinvestissent la sphère sécuritaire et technologique du continent dans une logique de containment économique. Vers une doctrine africaine de puissance économique L’enjeu pour l’Afrique est désormais de transformer son potentiel en puissance. Le continent détient plus de 60 % des terres arables inexploitées, un réservoir démographique sans équivalent et un espace de souveraineté énergétique encore sous-exploité. Mais pour convertir ces atouts en levier de puissance, il lui faut une stratégie d’intelligence économique continentale, capable de protéger ses intérêts, ses données et ses savoir-faire. Le moment africain La FII 2025 révèle une mutation de fond : le centre de gravité de la mondialisation se déplace. La géoéconomie du XXIᵉ siècle ne se joue plus uniquement à Washington, Bruxelles ou Pékin, mais désormais à Abuja, Nairobi, Kigali et Casablanca. L’Afrique n’est plus la marge des puissances ; elle devient le champ d’équilibre du monde multipolaire.

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Cameroun post-électoral :  anatomie d’un risque pays

Crise de confiance, crise de croissance, le Cameroun face à son avenir économique. Alors que Paul Biya vient d’être proclamé vainqueur de l’élection présidentielle du 12 octobre 2025, les revendications post-électorales s’enlisent et ravivent les doutes sur la trajectoire politique et économique du Cameroun. Entre incertitudes politiques, pressions sociales et tensions régionales, le pays s’avance sur une ligne de crête où la stabilité devient la principale variable d’ajustement. 1. Au plan national : la croissance en sursis, la gouvernance sous examen Avec une croissance de 3,5 % en 2024 – en léger mieux par rapport à 2023 (3,2 %) – le Cameroun affiche une résistance relative face à la conjoncture mondiale. Mais cette apparente stabilité masque des déséquilibres profonds : une dette publique estimée à 46,8 % du PIB, un déficit courant de 3,4 % et une inflation maintenue à 4,5 %. Derrière ces chiffres, la politique reste le talon d’Achille. La contestation des résultats du scrutin, jugé opaque par une partie de l’opposition, ébranle la confiance des investisseurs et retarde des projets structurants dans les transports, l’énergie ou les télécommunications. Comme le souligne un analyste d’un fonds régional : « Le Cameroun paie le prix d’un déficit de confiance politique avant même celui d’un déficit budgétaire ». La gouvernance, marquée par la lenteur des réformes et des soupçons de corruption, demeure le principal frein à une croissance inclusive. Les tensions sociales, alimentées par le chômage des jeunes et la cherté de la vie, font planer la menace d’une érosion du climat des affaires. 2. Au plan régional : fractures internes et fardeau sécuritaire Les revendications post-électorales s’inscrivent dans un paysage régional déjà tendu. La crise anglophone, toujours active dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, a déplacé plus de 900 000 personnes. Les affrontements sporadiques entre forces gouvernementales et groupes séparatistes continuent de perturber les chaînes logistiques et d’entraver les flux commerciaux vers le Nigéria, premier partenaire régional. L’État central, confronté à une pression sécuritaire multidimensionnelle – du bassin du lac Tchad à la frontière centrafricaine – doit arbitrer entre dépenses militaires croissantes et investissements civils. Une équation budgétaire intenable à moyen terme. Dans ce contexte, le risque de contagion régionale n’est pas à écarter : les fragilités du Cameroun résonnent sur l’ensemble de l’Afrique centrale, où Yaoundé joue un rôle d’équilibre au sein de la CEEAC. Comme l’analyse un diplomate de la sous-région : « Un Cameroun instable, c’est toute l’Afrique centrale qui vacille ». 3. Au plan international : entre diplomatie économique et rivalités d’influence Sur la scène mondiale, le Cameroun reste un partenaire stratégique – par sa position géographique entre le Sahel et le golfe de Guinée, et par son potentiel énergétique (gaz, hydrocarbures, forêts). Mais la perception internationale se dégrade. Les investisseurs étrangers, échaudés par la contestation du scrutin, attendent des signaux clairs de stabilité. Fitch Solutions a d’ailleurs identifié « l’élection de 2025 comme un risque majeur pour l’environnement des affaires ». La dette extérieure – notamment vis-à-vis de la Chine – accroît la dépendance du pays et son exposition aux tensions géopolitiques. L’Union européenne, de son côté, conditionne ses prêts à des réformes de gouvernance et de transparence budgétaire. Sur le plan diplomatique, Yaoundé tente un équilibrisme entre partenaires traditionnels et nouveaux acteurs. Pékin multiplie les financements d’infrastructures ; Moscou offre une coopération sécuritaire discrète ; Paris et Bruxelles insistent sur la stabilité institutionnelle. Ce jeu d’équilibres dessine un espace d’opportunités… mais aussi de vulnérabilités. 4. Stratégie et perspectives : réformer pour rassurer L’avenir économique du Cameroun dépend désormais de sa capacité à restaurer la confiance. Trois leviers apparaissent essentiels : Comme le souligne un économiste de la Banque mondiale : « Une réforme fiscale courageuse et une meilleure gouvernance peuvent être les déclencheurs d’une croissance durable ». Si le pouvoir réussit à stabiliser la scène intérieure, la croissance pourrait se hisser autour de 4,5 % en 2025. Dans le cas contraire, l’économie camerounaise risque d’entrer dans une zone grise : celle d’une stagnation politique prolongée et d’une marginalisation économique dans la région. Le risque de l’immobilisme Les revendications post-électorales au Cameroun dépassent la seule sphère politique : elles révèlent une crise de confiance systémique. Dans une région où chaque secousse politique résonne au-delà des frontières, le Cameroun joue sa crédibilité économique et diplomatique. Entre inertie et réforme, le pays doit choisir. L’histoire récente de l’Afrique centrale l’enseigne : dans un monde de rivalités économiques et d’instabilité stratégique, l’immobilisme est la plus dangereuse des stratégies.

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Cameroun : La ville d’Edéa et la Sanaga Maritime défient la peur

La ville tourne à plein régime malgré l’appel à la ville morte. Les populations d’Edéa et de la Sanaga Maritime au Caont ignoré, ce vendredi 31 novembre 2025, le mot d’ordre de ville morte lancé sur les réseaux sociaux. Boutiques, marchés, écoles, services administratifs et banques ont ouvert leurs portes dès les premières heures. Le trafic routier, notamment sur la Nationale N°3 reliant Douala à Yaoundé et desservant le grand nord du pays, a connu une reprise progressive et soutenue. Une réaction citoyenne qui rassure les autorités et redonne espoir à l’économie locale et nationale. Une mobilisation citoyenne exemplaire Edéa et l’ensemble de la Sanaga Maritime ont offert, ce vendredi, l’image d’une région résolument tournée vers la normalité. Dès les premières heures du jour, la ville s’est réveillée dans une ambiance d’activité retrouvée. Les marchés – central, du bord, de Mbanda et de Bisseke – ont ouvert sans interruption. Commerces, poissonneries, boucheries et échoppes de buy and sellam ont accueilli leurs clients dans la sérénité. Les établissements scolaires ont fonctionné normalement, les enseignants ayant assuré leurs cours dans l’ordre et la discipline. Les services administratifs ont également ouvert leurs portes au public, tandis que les agences bancaires et institutions financières ont accueilli leurs clients sans incident, signe de confiance et de stabilité retrouvée. La Nationale N°3 reprend vie L’un des signaux les plus marquants de cette journée reste la reprise progressive du trafic sur la Nationale N°3, cet axe vital qui traverse Edéa et relie la capitale économique, Douala, à la capitale politique, Yaoundé. Dès l’aube, moto-taximen, taxis-brousse, gros porteurs, bus de transport interurbain et camions de fret ont repris la route, animant de nouveau la circulation. Mais au-delà du simple trafic local, la Nationale N°3 joue un rôle stratégique majeur : elle dessert non seulement les régions septentrionales du Cameroun — Ngaoundéré (Adamaoua), Garoua (Nord) et Maroua (Extrême-Nord) — mais constitue également une artère économique vers plusieurs pays de la sous-région, notamment le Tchad, la République centrafricaine, le Gabon et le Congo. Toute interruption de la circulation sur cet axe aurait des répercussions sociales, économiques et politiques graves, non seulement pour les localités traversées, mais aussi pour le commerce sous-régional. Le retour progressif à la normale est donc perçu comme un véritable soulagement pour l’ensemble de cette zone d’influence économique. Les conséquences redoutées d’une paralysie nationale Les autorités locales n’ont cessé de rappeler que les mots d’ordre de « villes mortes » visent à paralyser l’économie nationale et à fragiliser la cohésion sociale. Si de tels appels venaient à être largement suivis, les conséquences se feraient sentir dans tous les secteurs : Une attitude qui rassure et redonne espoir La détermination des populations d’Edéa et de la Sanaga Maritime à vaquer librement à leurs occupations constitue un signal fort. Elle traduit un refus collectif de la peur et de la manipulation, et un attachement profond à la paix et au développement. Les autorités administratives locales saluent cette responsabilité citoyenne, tout en maintenant les forces de sécurité en alerte maximale afin de prévenir toute tentative de perturbation. L’espoir demeure que cette attitude exemplaire s’étende à l’ensemble du pays, notamment à l’approche du nouvel appel à la ville morte lancé pour la semaine du 3 au 5 novembre 2025. Car au-delà des mots d’ordre, c’est l’avenir économique, social et éducatif du Cameroun et de la sous-région qui est en jeu. Simon Pierre Minyem (Rédacteur en Chef)

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RDC : au Forum de Paris, l’Afrique centrale au cœur des urgences humanitaires et diplomatiques

Alors que s’est tenue à Paris la 8ᵉ édition du Forum sur la Paix, l’Afrique centrale s’est imposée comme l’un des principaux sujets de préoccupation internationale. À la Conférence internationale pour la paix et la prospérité dans la région des Grands Lacs, coorganisée par la France et le Togo, la République démocratique du Congo (RDC) a cristallisé les débats, entre crise humanitaire, instabilité régionale et rivalités géostratégiques. « Nous faisons face à la deuxième crise humanitaire la plus grave du monde, avec 27 millions de personnes en insécurité alimentaire et 7 millions de déplacés internes », a rappelé le chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot, soulignant l’urgence d’une « mobilisation collective et durable ». Emmanuel Macron a clôturé les travaux en appelant à replacer la crise congolaise « au cœur des priorités internationales ». Une crise humanitaire hors norme Sur le terrain, la situation reste catastrophique. Le conflit entre l’armée congolaise et les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda selon Kinshasa, a provoqué plus de deux millions de nouveaux déplacés depuis le début de 2025, dont 90 % concentrés dans le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et l’Ituri. « Près de 28 millions de Congolais souffrent d’insécurité alimentaire aiguë et un enfant sur deux est atteint de malnutrition chronique », alerte Florian Monnerie, directeur d’Action contre la Faim en RDC. Amadou Bocoum, de CARE RDC, dénonce une situation dramatique pour les femmes : « Elles représentent 51 % des déplacés internes. Plus de 67 000 cas de violences sexuelles ont été recensés entre janvier et avril 2025, mais seuls 35 % des besoins de protection sont financés ». Des humanitaires à bout de souffle Les organisations locales sont désormais en première ligne, souvent sans moyens. « L’isolement de Bukavu et Goma, la fermeture des aéroports et la suspension du financement de l’USAID ont entraîné des ruptures de médicaments essentiels », alerte le Dr De-Joseph Kakisingi, du CONAFOHD, qui évoque une « bombe sanitaire à retardement ». Luc Lamprière, du Forum des ONG internationales, pointe les blocages administratifs :« Chaque dollar retenu par une taxe ou un poste frontière, c’est un repas ou un médicament en moins. L’aide ne peut être prise en otage ». Entre diplomatie et développement Au-delà de l’urgence, la région du bassin du Congo est aussi stratégique : elle concentre plus de 70 % du cobalt mondial et abrite la deuxième plus grande forêt tropicale de la planète, cruciale pour la transition écologique. Pour Bruno Lemarquis, représentant spécial adjoint de l’ONU en RDC, « c’est une crise de protection et de gouvernance. Les humanitaires manquent de moyens, alors que les besoins explosent ». Les États présents à Paris ont promis un soutien renforcé et une réponse articulant aide d’urgence, développement et stabilité régionale. Mais, prévient Manenji Mangundu, directeur d’Oxfam RDC, « les populations n’attendent plus des promesses. Elles veulent enfin des actes concrets ».

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Wole Soyinka, un prix Nobel censuré : La peur américaine de la parole africaine

Une lecture politique du mépris postcolonial à travers l’affaire Wole Soyinka. L’annulation du visa américain de Wole Soyinka, prix Nobel de littérature et figure majeure de la pensée africaine contemporaine, dépasse la simple dimension administrative pour revêtir une portée politique et symbolique. Ce geste, apparemment anodin, traduit une forme de mépris institutionnalisé à l’égard de la parole critique issue du Sud global, et particulièrement de l’Afrique. À 91 ans, Wole Soyinka incarne bien plus qu’un écrivain : il est la conscience morale d’un continent en quête de dignité et d’autodétermination. Premier Africain à recevoir le prix Nobel de littérature en 1986, il a consacré son œuvre et sa vie à la défense de la liberté, à la dénonciation des régimes autoritaires et à la critique des structures postcoloniales de domination. Son engagement contre la dictature militaire au Nigeria et ses prises de position contre le racisme systémique en font une figure emblématique de la résistance intellectuelle. En ce sens, la décision de Washington ne saurait être lue comme une simple formalité consulaire, mais plutôt comme une tentative de marginalisation d’une voix africaine libre et dissidente. Cet épisode s’inscrit dans une longue histoire d’ambiguïtés diplomatiques et de rapports inégaux entre les États-Unis et les intellectuels du Sud. Depuis plusieurs décennies, les autorités américaines manifestent une méfiance persistante envers les penseurs critiques non occidentaux, particulièrement lorsque leurs discours remettent en cause l’hégémonie morale et politique de l’Occident.  L’ère Trump, marquée par une montée du nationalisme et de la xénophobie, a accentué cette tendance, renforçant la perception selon laquelle la pensée africaine indépendante représente une menace symbolique pour l’ordre discursif dominant. Le paradoxe est patent : la nation qui se proclame gardienne de la liberté d’expression choisit d’exclure un écrivain dont l’œuvre illustre précisément cette valeur universelle. En refusant à Soyinka l’accès à son territoire, les États-Unis envoient un message clair – la liberté d’expression demeure conditionnelle lorsqu’elle émane d’ailleurs, surtout lorsqu’elle dénonce les hypocrisies de l’Occident. Pour l’Afrique, cette décision a une résonance particulière. Elle rappelle que la souveraineté intellectuelle constitue un champ de lutte aussi essentiel que la souveraineté politique. En définitive, en tentant de restreindre la mobilité d’un homme, Washington renforce paradoxalement la portée de sa parole : celle d’une liberté qui ne dépend ni des frontières ni des visas, mais du courage de penser contre le pouvoir.

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Cameroun : Paul Biya face au basculement générationnel

La proclamation, lundi 27 octobre, de la victoire du président Paul Biya (92 ans) pour un huitième mandat consécutif, avec 53,66 % des suffrages, ouvre une nouvelle phase d’incertitude pour le Cameroun.  Une certaine opposition, menée par Issa Tchiroma Bakary, rejette les résultats, dénonçant une “mascarade électorale”. Les tensions post-électorales ont déjà fait au moins six morts à Douala et Garoua. Dans un pays pivot d’Afrique centrale, cette crise révèle un tournant générationnel et structurel aux implications régionales et économiques majeures. 1. Un système en quête d’un nouveau souffle Après 43 ans de pouvoir, Paul Biya conserve l’appui d’un appareil d’État structuré, mais qui a besoin du sang neuf. Le RDPC, son parti, reste solidement implanté dans les administrations et les forces de sécurité, mais ses relais sociaux s’érodent. Les signaux de fissure se multiplient : tensions internes au sein de l’armée, fatigue de la bureaucratie, et lassitude d’une population qui “ne croit plus à la réforme par le haut”. Pour la première fois, le président sortant a esquissé une ouverture politique : offre de nomination d’Issa Tchiroma Bakary au poste de Premier ministre, et promesse de réforme du Code électoral. Un geste d’apaisement, mais aussi une reconnaissance implicite de la fragilité du système. “Le pouvoir comprend qu’il ne peut plus gouverner seul, ni comme avant”, analyse un diplomate d’Afrique centrale à Addis-Abeba. 2. Génération Z : le nouvel acteur stratégique Le moteur du mécontentement n’est plus seulement politique, mais sociétal. La Génération Z camerounaise – près de 5,8 millions de citoyens, soit 20 % de la population – s’affirme comme un acteur de rupture. Hyperconnectée, mondialisée et défiant les cadres traditionnels, elle structure désormais la contestation à travers les réseaux sociaux sous les hashtags #GenZRevolt et #MyVoteMyVoice. “Nous ne croyons plus aux leaders, mais aux causes. Nos réseaux sont notre parti”, confie un jeune activiste de Douala. Cette jeunesse utilise VPN, messageries cryptées et relais diasporiques pour contourner la censure. Elle s’appuie sur une “internationale numérique africaine”, reliant les diasporas de Montréal, Bruxelles et Washington. Cette stratégie de communication instantanée désarme la propagande d’État et expose les violences en temps réel. Selon une source sécuritaire, les autorités redoutent désormais une “cyber-contestation fluide, insaisissable et impossible à neutraliser par les méthodes classiques”. 3. Risques sécuritaires et stabilité régionale Le Cameroun reste un maillon central de la sécurité du Golfe de Guinée et un point d’appui logistique stratégique pour le Tchad et la République centrafricaine. Toute déstabilisation prolongée à Yaoundé aurait des conséquences directes sur les opérations régionales, notamment la lutte contre Boko Haram et les groupes armés du bassin du Lac Tchad. Les forces de sécurité, bien équipées mais sous pression, ont reçu l’ordre de “contenir sans écraser”. Une consigne inhabituelle, révélatrice d’une fragilité politique et d’une peur de l’embrasement. Le contrôle des campus universitaires de Yaoundé II et Bafoussam reste une priorité : c’est là que se cristallise la fronde étudiante. 4.  décryptage économique et intelligence stratégique Le risque pays du Cameroun, jusqu’ici noté “modéré” par la Banque mondiale, s’est brusquement détérioré depuis la proclamation des résultats. Les investisseurs étrangers redoutent une crise de gouvernance prolongée susceptible d’affecter les corridors commerciaux Douala–Ndjamena et Douala–Bangui. Les opérateurs télécoms (MTN, Orange) sont pris entre les injonctions sécuritaires du pouvoir et la pression internationale sur les libertés numériques. Une coupure d’Internet totale aurait un coût estimé à 5 milliards de FCFA par jour pour l’économie nationale (source : GSMA 2025). Le Cameroun reste cependant 14e économie d’Afrique, avec un rôle clé dans le transit énergétique du Golfe de Guinée. Les majors pétrolières (TotalEnergies, Perenco) surveillent attentivement l’évolution politique, conscientes que la stabilité institutionnelle conditionne la poursuite de leurs investissements offshore. “Un Cameroun instable, c’est tout le couloir stratégique du Golfe de Guinée qui vacille”, souligne un analyste de l’IFRI. 5. Perspectives : fin de cycle et recomposition Le scénario le plus probable, selon plusieurs sources diplomatiques, est celui d’une transition contrôlée : maintien de Paul Biya à la présidence, ouverture politique mesurée, intégration partielle de l’opposition dans un gouvernement de “cohésion nationale”. Mais la dynamique sociale, elle, semble irréversible. La jeunesse numérique a brisé la peur et le silence. Son mouvement, décentralisé, pourrait à terme imposer une réforme politique systémique. En filigrane, c’est toute la gouvernance postcoloniale du Cameroun qui vacille, confrontée à une génération sans leader, mais avec une vision. Le Cameroun entre dans une phase où l’équation du pouvoir ne se joue plus dans les urnes, mais dans les flux d’informations, les récits et la maîtrise du numérique. Entre le vieux pouvoir pyramidal et la génération en réseau, c’est le modèle même de l’État camerounais – et peut-être celui de l’Afrique politique – qui se réinvente.

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Côte d’Ivoire – Cameroun : deux réélections, deux pôles régionaux face à l’épreuve du temps

Alassane Ouattara et Paul Biya, figures de stabilité en Afrique de l’Ouest et du Centre, incarnent la continuité politique, mais aussi l’incertitude des transitions à venir. L’élection d’Alassane Ouattara en Côte d’Ivoire et la réélection continue de Paul Biya au Cameroun, symbolisent deux modèles de stabilité dans un continent en quête d’équilibres politiques. Ces deux dirigeants, à la tête de nations pivots de leurs régions respectives, incarnent à la fois la solidité institutionnelle et les limites d’une gouvernance prolongée. Âgés respectivement de 83 et 92 ans, Alassane Ouattara et Paul Biya sont confrontés à la même interrogation : comment assurer une transition politique crédible après des décennies de pouvoir ? Tous deux ont consolidé leur autorité à travers des processus électoraux critiqués pour leur manque d’inclusivité. En Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara a remporté près de 90 % des suffrages lors d’un scrutin calme, salué par la CEDEAO et l’Union africaine. Au Cameroun,  Paul Biya, avec 53,66% de suffrages, conserve le pouvoir dans un contexte de tension, où la participation électorale est restée faible. Sur le plan économique, leurs trajectoires présentent des parallèles mais aussi des contrastes. Abidjan est devenu un moteur de la croissance ouest-africaine grâce à une politique d’investissement et de modernisation soutenue. Le Cameroun, quant à lui, demeure une puissance économique d’Afrique centrale, dotée d’importantes ressources naturelles et d’un tissu industriel solide. Toutefois, dans les deux pays, se propose le souci de la rédistribution de la croissance à l’ensemble de la population, et la jeunesse exprime de plus en plus son impatience face au manque d’opportunités. Les contextes sécuritaires et diplomatiques, eux, divergent nettement. La Côte d’Ivoire, pacifiée depuis la crise postélectorale de 2010-2011, mise sur son rôle de médiateur régional. Alassane Ouattara, acteur respecté au sein de la CEDEAO, apparaît comme un garant de la stabilité face à la montée des régimes militaires dans le Sahel. Le Cameroun, en revanche, est touché par la crise dans ses régions anglophones et par la menace de Boko Haram dans le nord, des défis qui affaiblissent le poids diplomatique de Biya. Pour ces deux présidents, la question de la succession est désormais centrale. Alassane Ouattara semble préparer une transition maîtrisée, dans l’espoir de consolider son héritage économique. Paul Biya, lui, reste enfermé dans une logique de pouvoir personnel, au risque d’un vide institutionnel. Dans leurs régions respectives, l’avenir politique dépendra moins de leur longévité que de leur capacité à orchestrer un passage de témoin apaisé.

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Côte d’Ivoire : Alassane Ouattara réélu, entre stabilité et transition attendue

Le président ivoirien Alassane Ouattara a été réélu le 25 octobre pour un nouveau mandat, selon les résultats provisoires de la Commission électorale indépendante. À 83 ans, le chef de l’État obtient près de 90 % des voix, dans un scrutin marqué par une participation estimée à un peu plus de 50 %. La journée électorale s’est déroulée dans un climat globalement calme, salué par les observateurs de la CEDEAO et de l’Union africaine. Si l’opposition a dénoncé un processus peu inclusif, la stabilité du scrutin tranche avec les tensions qui avaient marqué les précédentes élections. Plusieurs figures majeures, dont Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam, n’étaient pas candidates, leurs exclusions ayant limité la compétition. Sur le plan intérieur, cette victoire consacre la continuité d’un modèle économique fondé sur la croissance et l’investissement. Sous la présidence de Ouattara, la Côte d’Ivoire s’est affirmée comme l’un des moteurs économiques d’Afrique de l’Ouest, avec des infrastructures modernisées, une inflation maîtrisée et une attractivité accrue pour les investisseurs. Le principal défi du nouveau mandat d’Alassane Ouatttara réside dans la redistribution des fruits de cette croissance et la création d’emplois pour une jeunesse en expansion. Sur le plan régional, la réélection de Ouattara intervient dans un contexte de turbulences politiques en Afrique de l’Ouest, où plusieurs pays ont basculé sous régime militaire. Figure respectée de la diplomatie régionale, le président ivoirien pourrait jouer un rôle clé dans les efforts de médiation et de relance de la CEDEAO, notamment face aux tensions croissantes avec l’Alliance des États du Sahel. Les partenaires internationaux – Union européenne, États-Unis et institutions financières – voient dans cette réélection un gage de continuité et de stabilité, tout en appelant à un renforcement du dialogue politique et de la gouvernance démocratique. Pour nombre d’observateurs, ce mandat supplémentaire devrait être celui de la préparation d’une transition politique apaisée. Dans un pays dont la stabilité conditionne une large part de l’équilibre ouest-africain, la capacité d’Alassane Ouattara à organiser une alternance crédible sera déterminante pour son héritage et pour la région tout entière.

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